Charles de Gaulle, une vigie morale pour Orléans

Le chef de la France Libre a désormais sa statue dans le centre-ville où sont également inscrits les noms de 182 Orléanais ayant répondu à l’appel du 18 juin 1940. Le dévoilement a eu lieu au milieu de l’hommage à Jeanne d’Arc mais aussi à l’occasion du 80ème anniversaire de la victoire de 1945.

Par Jean-Jacques Talpin

Avec ses 2,80 mètres de haut, le Général, képi dans la main et le regard tourné vers l’horizon, domine désormais le centre-ville d’Orléans. La statue créée par le sculpteur Mathieu Gaudric (cf encadré) a en effet été dévoilée et inaugurée ce jeudi 8 mai en présence d’une foule importante, de nombreux représentants militaires et d’élus dont Gérard Larcher, président du Sénat. « L’Appel » s’inscrit dans un ensemble, la place du Général de Gaulle et « l’esplanade de la France Libre », où est déjà rappelé le souvenir de plusieurs maires et Compagnons de la Libération.

L’idée d’ériger ce monument remonte à plusieurs années à l’initiative de la Fondation de la France Libre et de Benoît Gayet, président des Artistes Orléanais unis par la même envie de célébrer le souvenir de celui qui fut aussi le fondateur de la Vème République. La ville d’Orléans (qui a apporté 50% des 100 000 euros nécessaires au projet) mais aussi la Fondation, le conseil départemental et des partenaires privés se sont joints pour faire émerger le projet avec le choix de l’artiste après appel d’offres.

« Grâce à de Gaulle je n’ai pas eu honte ! »

En inaugurant « l’Appel » ce 8 mai, la ville a voulu aussi rendre hommage à « l’histoire de France réunie » selon les mots de Serge Grouard avec de Gaulle, Marianne que le Général fixe de son regard profond, la cathédrale et bien sûr Jeanne d’Arc. « Grâce à de Gaulle, le plus grand de tous nos chefs d’État, s’est ému le maire, l’enfant que j’ai été n’a pas eu honte » et « plus tard comme homme j’étais fier d’être français ». Mais fidèle à son engagement gaulliste qu’il a toujours revendiqué, Serge Grouard ne manque jamais une occasion de revenir à son obsession, celle d’une « France toujours veuve » « qui va mal », « en déliquescence » et « dans l’incurie ». Et d’appeler au « redressement de la France » dans l’honneur et l’intérêt national. Serge Grouard se veut donc le passeur de l’Histoire entre Jeanne d’Arc et de Gaulle…

182 Orléanais gravés dans la pierre

Mais « L’Appel » n’est pas qu’une statue. C’est aussi un véritable monument dû à l’architecte Alan Duquenoy, avec la statue de bronze reposant sur un bloc de pierre massif où ont été gravés les noms des 182 Orléanais ayant répondu à l’appel du général de Gaulle en juin 1040. Ces noms (dont ceux de trois maires) sont gravés dans la pierre sous une forme circulaire pour rappeler la rosace de la cathédrale d’Orléans mais aussi les ondes radiophoniques de la BBC à Londres d’où l’appel a été lancé. Une plaque dévoilée par des enfants descendants du Général permet grâce à un QR code d’accéder aux fiches biographiques de ces 182 Orléanais qui font la fierté de la ville.

Mathieu Gaudric : « Tout à coup l’espace devient matière et présence »


Peintre et sculpteur, pensionnaire de la Villa Médicis en 2003, Mathieu Gaudric vit et travaille à Paris, ville où il enseigne le dessin et la sculpture à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs. Rencontré il y a quelques semaines lors de l’élaboration de son œuvre « L’Appel », sculpture inaugurée ce 8 mai place du général de Gaulle à Orléans, cet artiste évoque une part de la genèse de cette création.

Mathieu Gaudric dans son atelier. Photo: Jean Dubrana.

Propos recueillis : Jean-Dominique Burtin
Photo: Jean Dubrana
Deux formes réunies de manière figurative et symbolique
En répondant à l’appel d’offres, j’ai commencé à réfléchir sur l’idée que je me faisais de la représentation du général au moment de l’appel et sur le fait de savoir comment je pouvais rendre présents les noms des Orléanais qui lui ont répondu. Je me suis ainsi laissé porté par ce que j’imaginais, à savoir deux formes, l’une en bronze, et l’autre en pierre de Comblanchien, réunies de manière figurative et symbolique.
Une figure hiératique et un élan collectif
Dès le départ, j’ai senti qu’il me fallait représenter une figure hiératique, un arbre, une force tellurique qui se dresse, un geste individuel et un socle qui fait bloc représentant un élan collectif symbolisé par les noms des Orléanais disposés en ondes radiophoniques concentriques. Pour réaliser cette sculpture, j’ai voulu me mettre dans la peau de ce personnage dont la réaction se dresse face à l’inacceptable, avec la seule force de lui même et de ses convictions. Je voulais restituer ce sentiment de vérité qui l’anime. Cet appel du 18 juin 1940 est en fait un élément très fort de la mémoire collective marqué par le refus de la barbarie.
Se confronter à l’échelle humaine et architecturale
Travailler sur une sculpture dans un lieu public, c’est se confronter à l‘échelle humaine et à l’échelle architecturale. Pour cette œuvre, je voulais exprimer la fragilité de cet homme dans son humanité la plus saisissante. Je l’ai ainsi imaginé, pour le représenter, dans un mouvement d’équilibre instable. Il se dresse vers le haut et va être prêt à agir. Et tout cela, pourtant, dans un corps qu’il donne l’impression de ne pas savoir occuper.
Pour qu’idée et sentiment se cristallisent
Au début, tout est confus. Il a fallu que mes sentiments parviennent très vite à s’ajuster et que mes idées se conjuguent avec la réalité. Dès lors, il y a des suppositions, des possibles, des tâtonnements, des résolutions, des contradictions. Petit à petit s’est imposé à moi qu’il y avait quelque chose de juste dans mon travail, qu’idée et sentiment se cristallisaient avec des points de bascule, des points d’appui, une impulsion que l’imaginaire peut faire naître.
Jusqu’au bout j’étais dans le doute
Pour une sculpture, il faut entrer dans la forme, triturer, façonner la matière pour que la forme qu’il y a à l’intérieur puisse s’exalter, parvienne à sa plénitude. Jusqu’au bout j’étais dans le doute de savoir si l’œuvre s’intègrerait dans la cité. En vérité, il y a quelque chose qui parfois nous dépasse dans la sculpture. Elle est l’art d’accrocher la lumière. Avec elle, tout à coup, l’espace devient matière et présence.

 

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