Ghosting municipal à Montargis

Montargis a son mystère municipal : une élue introuvable, un fauteuil vide et des Citoyens du Montargois en colère. Alphonse Proffit et ses colistiers dénoncent une situation kafkaïenne et accusent la préfecture d’inaction, tandis que l’ombre de la conseillère fantôme plane sur les débats, sans jamais y participer.

Le duo Olivier Masson – Alphonse Proffit déploie sa banderole devant la sous-préfecture de Montargis, mardi 29 avril au matin – photo Izabel Tognarelli


Par Izabel Tognarelli.


Résumé des épisodes précédents : Alphonse Proffit, 7e de la liste des Citoyens du Montargois, a démissionné en novembre 2024 de son poste de conseiller municipal, selon un principe édicté dès la constitution de cette liste lors des précédentes élections municipales en mars 2020. Tous les colistiers suivants ont décliné, jusqu’à la 14e colistière, Mme Maria Viñas, qui n’a pas répondu aux sollicitations, n’a donc pas décliné et a été installée d’office par le maire. Depuis, le conseil municipal de Montargis débat avec une absente omniprésente. Une situation que M. Proffit juge irrégulière au point de réclamer l’annulation pure et simple de tous les conseils municipaux tenus depuis. Alphonse Proffit n’étant pas à un happening près, il a même tenté de combler le vide en prenant place sur le siège abandonné de Maria Viñas lors d’un récent conseil.

La démocratie version jeu de piste

La quête de vérité vire au polar administratif. Alphonse Proffit mène l’enquête : cadastre, centre des impôts, les pistes administratives sont passées au peigne fin. Résultat ? Aucune trace tangible de Maria Viñas à Montargis. Pour le duo Alphonse Proffit/Olivier Masson – autre colistier des Citoyens, lui aussi démissionnaire –, il n’y a pas de doute : la conseillère ne réside plus dans la doulce Venise du Gâtinais et ne devrait donc plus être éligible… à leurs yeux.

Pourtant, la voilà bel et bien « installée » par le maire Benoît Digeon, par application mécanique des règles. La préfecture, sollicitée, botte en touche : elle ne peut pas radier la conseillère sans réunir des conditions bien précises – refus explicite de fonctions électorales ou inéligibilité avérée à la suite d’une condamnation judiciaire ou bien encore pour cause de tutelle ou de curatelle, par exemple. Bref, tant qu’il n’est pas expressément démontré que Maria Viñas ne veut pas – ou ne peut pas – être conseillère, elle peut l’être.

En marge de la manifestation symbolique des Citoyens, Régis Castro, sous-préfet de Montargis, s’est exprimé devant la presse – photo Izabel Tognarelli

Une élue invisible, mais indéboulonnable

Mardi matin, nouvelle action symbolique : une banderole est déployée le long des grilles de la sous-préfecture montargoise, accusant la préfecture (donc l’État) de « ne pas faire son travail ». Alphonse Proffit se sent « trimballé » de juridiction en juridiction : tribunal administratif, tribunal judiciaire, rien n’aboutit. Chacun se renvoie la balle. Pendant ce temps, la situation stagne.

La préfecture assure de son côté prendre le dossier au sérieux. « Ce cas n’arrive pas souvent », réagit Régis Castro, sous-préfet de Montargis. « Nous avons dû procéder à des recherches au Bureau des élections à Paris. L’État n’est pas inactif, puisque nous répondons aux sollicitations de M. Proffit », tenait-il à préciser, alors que se déroulait la symbolique manifestation (deux manifestants, autant de journalistes). « Nous avons apporté à M. Proffit une réponse en droit : tout électeur de la commune peut saisir le tribunal judiciaire pour solliciter la radiation d’un électeur indûment inscrit. La radiation des listes électorales n’entraîne pas la démission d’office », rappelle la préfecture, par le biais du sous-préfet. Même pour un fantôme administratif, la République reste garante du droit de siéger.

Maria Viñas semble quant à elle glisser entre les mailles de tous les filets. Enregistrée sous un nom d’usage, absente de tous les radars officiels, elle pourrait même incarner une figure kafkaïenne du droit sans visage. Mais pour rappel, le « nom d’usage » n’est pas « un pseudo », comme l’a avancé Olivier Masson, mardi matin, devant la sous-préfecture : le nom marital est un nom d’usage.

Vers un nouveau feuilleton municipal ?

Le prochain conseil municipal est prévu le lundi 12 mai. Sauf apparition surprise de Maria Viñas – un diable sortant de sa boîte ! – le siège devrait rester vide. Mais pas sans suspense : Elif Gökhan, 18e de la liste citoyenne, se tient prête à entrer en scène. Car cette fois-ci, la succession a été anticipée. Mais cela sera-t-il suffisant pour clore cet étrange chapitre de démocratie locale ? Rien n’est moins sûr.

À Montargis, la politique semble bien décidée à se jouer avec une chaise vide pour spectatrice jusqu’aux prochaines élections municipales, en mars 2026. Quant à retrouver l’adresse de la conseillère fantôme pour recueillir enfin son avis, inutile d’espérer une enquête façon polar : la préfecture ne mandate pas la police, et c’est heureux pour nos libertés publiques. Peut-être les Citoyens du Montargois devraient-ils s’inspirer de Victor Hugo et de ses tables tournantes d’Hauteville House, ou bien enfiler les combinaisons des Ghostbusters pour tenter une nouvelle forme de contact. Encore faudra-t-il, ensuite, faire homologuer ces méthodes par une juridiction compétente. Si tant est qu’elle existe.


Plus d’infos autrement :

Montargis : une liste citoyenne met en doute la crédibilité des finances de la Ville

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