Vers la dissolution du collectif Urgence Palestine ?

Le collectif Urgence Palestine national ainsi que toutes ses sections locales – dont la branche orléanaise – est menacé de dissolution. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a annoncé le 30 avril dernier avoir engagé une procédure de dissolution, accusant le collectif d’inciter à la haine. Urgence Palestine dénonce une atteinte à la liberté d’expression, d’association et à la solidarité internationale.

Les manifestants exigent un cessez le feu à Gaza et en Palestine lors du rassemblement du 10 mai à Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Le 10 mai 2025, les militants d’Urgence Palestine Orléans manifestaient peut-être pour la dernière fois Place de Gaulle. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Par Jeanne Beaudoin.


Cette mesure de dissolution, proposée par le ministère de l’Intérieur, sera présentée prochainement en Conseil des ministres. Si la dissolution est prononcée par décret, alors le collectif ne pourra la contester que devant la justice administrative. Pour l’Association France Palestine Solidarité, dissoudre un collectif sous prétexte d’apologie du terrorisme est « trop souvent le motif qui permet de trainer les défenseurs du droit et de la justice internationale devant les tribunaux en France ». Alors en attendant l’officialisation, le collectif Urgence Palestine a lancé une pétition pour demander l’annulation de cette dissolution. Plus de 200 000 signatures ont été obtenues en quelques jours. Des manifestations se sont également organisées partout en France pour s’opposer à la dissolution du collectif. À Orléans, elle a réuni samedi dernier une centaine de personnes place de Gaulle. 

Les accusations bancales du ministre de l’Intérieur

Dans une lettre rédigée par Bruno Retailleau pour justifier cette procédure de dissolution, et dont le journal Le Monde a eu connaissance, le ministre de l’Intérieur accuse le collectif pro-palestinien de propager un « climat de haine ». Effectivement, après avoir rappelé que toute personne peut « contester la politique d’implantation territoriale de l’État d’Israël », il explique que cette contestation ne doit pas dépasser « les limites de la liberté d’expression ». Or selon lui, « sous couvert de la défense du peuple palestinien », Urgence Palestine aurait des « agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, incite à la haine, à la discrimination et à la violence envers des personnes en raison de leur origine juive ».

Cet argumentaire est jugé, par les avocats du collectif, comme trop léger, les exemples n’étant ni clairs ni concrets. Dans sa lettre, Bruno Retailleau accuse Urgence Palestine de « provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence envers un groupe de personnes, en l’occurrence ici les Juifs ». Des accusations graves alors que le locataire de la Place Beauvau ne cite que deux exemples pour se justifier. Tout d’abord, « le soutien du collectif à l’influenceur et militant Elias d’Imzalène, poursuivi et condamné pour provocation publique à la haine et à la violence pour avoir appelé à “l’intifada dans Paris” ». Ensuite, parce qu’un policier en civil infiltré lors d’une manifestation organisée par Urgence Palestine le 19 octobre 2023, aurait été traité de « Sale pédé de Juif, connard de flic ! » par le service d’ordre du collectif, « dont aucun membre n’est nommé », précise Le Monde. 

Urgence Palestine Orléans contraint de disparaître ?

Urgence Palestine a pour premier objectif d’obtenir un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et, plus largement, milite pour la fin de l’occupation Israélienne sur le sol palestinien. Cependant, en vue de la dissolution du collectif et face à la pression des autorités, leurs activités doivent cesser. La branche orléanaise du collectif a ainsi été contrainte de supprimer ses comptes Facebook et Instagram. L’objectif du gouvernement serait de faire disparaître toute trace du collectif de l’espace public et médiatique. Par conséquent, si la dissolution est effective, il sera interdit aux militants d’organiser des manifestations, des évènements ou d’intervenir officiellement, au risque de recevoir une amende ou même une peine de prison. « Aujourd’hui, c’est nous qui disparaissons, demain ce sera qui ? », s’interroge un membre du collectif désabusé. 

Le collectif a indiqué envisager un recours, procédure qui pourrait durer un an avant qu’une décision ne soit rendue, sans garantie de succès. C’est pourquoi ce samedi il avait appelé à un dernier rassemblement avant de stopper toute activité pour mettre toutes les chances de leur côté, la branche orléanaise ne souhaitant pas faire de vagues. 

Cette décision suit « une politique répressive »

Les personnes présentes dénonçaient unanimement la dissolution du collectif, mais surtout une décision qui s’inscrit dans un cadre de répression des actes de solidarité envers le peuple palestinien. « Le gouvernement réprime celles et ceux qui osent manifester leur soutien à la Palestine », lançait-on dans le cortège. Soutien qui « n’a pourtant rien d’illégal » puisqu’il se contente, aussi bien localement qu’au niveau national, de porter « la voix d’un peuple opprimé au moyen de mobilisations pacifiques, rappelle la structure orléanaise. On est face à une politique répressive alignée sur les méthodes de l’extrême droite ». Cette décision est largement critiquée à gauche, mais aussi par plusieurs organisations de défense des droits humains. Notamment Amnesty International qui « condamne cette procédure de dissolution, qui illustre la dégradation continue des libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique en France », alarme l’ONG dans un de leurs communiqués de presse

Cette décision intervient dans un contexte toujours aussi critique pour la Palestine, alors que le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou vient d’annoncer sa volonté d’entrer dans la bande de Gaza. « Cela engendrerait le départ volontaire des Gazaouis et une occupation complète et prolongée de la bande de Gaza », s’inquiète la branche orléanaise. Rappelons que selon des chiffres relayés par l’Unicef, 51 000 personnes ont été tuées à Gaza depuis le 7 octobre 2023, dont plus de 15 000 enfants.

Les manifestants exigent un cessez le feu à Gaza et en Palestine lors du rassemblement du 10 mai à Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Les manifestants exigeaient un cessez-le-feu à Gaza et en Palestine lors du rassemblement du 10 mai à Orléans. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Plus d’infos autrement : 

Weekend de solidarité pour la Palestine organisé à Orléans. 

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. C’est vrai qu’assister presque en direct à un génocide dans Gaza devenu camp de la mort est normal et ne doit pas être dénoncé. Il y a un monstre qui sommeille en chacun, et il lui faut sa part d’assouvissement.
    Après tout Israël ne fait que “la bombe” avec ce que lui fournit l’occident. Il n’y a pas de mal à cela.
    Christian Conte

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 14°C
    • après midi 19°C
  • vendredi
    • matin 9°C
    • après midi 19°C
Copyright © MagCentre 2012-2025