La marche pour l’Égalité et contre les discriminations LGBTphobes, organisée par le GAGL45, a eu lieu le 17 mai à Orléans. Un succès pour l’association, plus de 2 000 personnes étaient présentes. Mais cette marche, organisée par le GAGL 45, fait débat. Certain·es aimeraient qu’elle soit plus politique, voire plus radicale : qu’elle devienne une marche des fiertés.
Tête du cortège de la marche pour l’Egalité qui a eu lieue à Orléans le 17 mai 2025. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Par Jeanne Beaudoin.
Née dans la révolte et la résistance, la Pride trouve son origine dans les émeutes de Stonewall, en 1969 à New York. Face aux violences policières et aux discriminations, des personnes queers – notamment des femmes trans racisées comme Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera – se soulèvent. Un an plus tard, la première marche est organisée. Depuis, chaque année à travers le monde, la Pride permet aux personnes LGBTQIA+ de revendiquer leurs droits et d’occuper l’espace public. Une origine profondément militante, que beaucoup estiment absente de la marche orléanaise.
Le GAGL 45 organise une marche qui lui ressemble
Le cheval de bataille du Groupe d’Action Gay et Lesbien du 45, c’est cette fameuse marche. Mélanie Rocher, la présidente, en a rappelé la dimension politique lors des prises de parole, soulignant notamment que cela ne fait que 35 ans que l’OMS a retiré l’homosexualité des maladies mentales : « Aujourd’hui, ensemble, marchons pour la reconnaissance pleine et entière des droits des personnes LGBT+, pour l’éducation à la tolérance et au respect et contre toutes les formes de haine. Mais n’oublions pas que cette marche ne se termine pas aujourd’hui, qu’elle continue chaque jour dans nos actions, nos paroles et notre engagement ».
Le GAGL 45 est une association engagée au quotidien. Sur le village associatif du Campo Santo, plusieurs stands sensibilisaient sur l’importance du dépistage des IST. L’association AIDES était d’ailleurs présente pour réaliser des dépistages rapides et confidentiels sur place. Et au-delà de ces enjeux essentiels autour de la santé sexuelle, le GAGL 45 a rappelé que les principaux combats à mener restent ceux pour les droits des personnes transgenres et intersexes, la protection des demandeurs et demandeuses d’asile LGBTQIA+, ou encore l’accès à la GPA.
Le GAGL 45 a profité du village associatif du Campo Santo pour installer des panneaux de prévention et rappeler l’importance du dépistage. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Une marche pas assez engagée ?
Beaucoup ont apprécié l’événement tel qu’il était : son service d’ordre garantissant une sécurité optimale et des DJ sets assurant une ambiance festive. D’autres, en revanche, l’ont jugé trop sage, lui reprochant de manquer de militantisme. La Quinoa, drag orléanaise et membre de la Coopérative drag, s’est dite déçue de cette marche, la qualifiant de simple promenade, regrettant qu’elle soit aujourd’hui si éloignée des revendications portées à l’origine. Un sentiment loin d’être isolé. « La Pride doit être politique parce que nos vies sont politiques », rappelle Lorène, animatrice et conseillère conjugale et familiale au Planning Familial 45. « On voit bien ce qu’il se passe en ce moment : les droits des personnes LGBTQI+ sont enfreints. On ne peut pas juste aller dans la rue et marcher paisiblement, on se doit de prendre de la place et d’être visible ».
Une exigence qui s’exprime aussi face à la montée préoccupante de l’extrême droite en Europe et aux États-Unis. Une situation alarmante qui renvoie au pire de l’histoire, quand les personnes queer étaient privées jusqu’au droit de vivre. Le GAGL 45 le rappelait ce samedi à travers une exposition placée au Campo Santo, sur la déportation homosexuelle lors de la Seconde Guerre mondiale. « Cette montée de l’extrême droite m’effraie », confie Clémentine, également animatrice et conseillère conjugale et familiale au PF45. Les risques sont réels, ce ne sera plus « un autocollant qu’on retrouvera sur la boîte aux lettres du Planning demain, ce sont nos murs qui seront cramés ». « Voire nous-même au moment de sortir de nos locaux », abonde Lorène. D’où la volonté, notamment de la part du PF45, d’aller plus loin que de simples panneaux d’affichages lors de cette journée internationale de luttes, mais bel et bien d’en faire un événement résolument militant.
Le GAGL 45 a profité du village associatif du Campo Santo pour informer et sensibiliser les jeunes générations à la déportation homosexuelle lors de la Seconde Guerre Mondiale. Crédit : Jeanne Beaudoin.
L’importance de converger les luttes
Ce qu’il manquait, lors de cette marche, c’était une convergence des luttes. La marche ne peut pas être un simple défilé. Elle doit s’ancrer dans des revendications plus larges. C’est le message porté cette année par l’Union Étudiante d’Orléans qui rappelle qu’on ne peut pas défendre les droits des personnes queers sans y intégrer une dimension intersectionnelle. Il faut relier cette marche « à la situation en Palestine, au féminisme » ou à d’autres luttes sociales, insistait l’un des portes parole du syndicat étudiant. « Tous nos combats ne doivent pas être faits seuls, ça doit être avec plein d’autres, sinon ça ne peut jamais marcher. Sinon, c’est un combat de bourgeois blanc de gauche ».
L’Union Etudiante d’Orléans, présents à la Marche, rappellent, par leurs pancartes, l’importance de converger les luttes. On revendique des droits pour toutes et tous. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Un monopole du GAGL45 ?
Le monopole exercé par le GAGL45 sur l’organisation de cette journée est donc contesté. Depuis 2013, l’association organise seule ce qu’elle appelle La marche pour l’Égalité contre les LGBTphobies. Mais beaucoup, à l’image de l’Union Étudiante d’Orléans ou du Planning Familial 45, aimeraient qu’elle porte officiellement le nom de marche des Fiertés. Ce désaccord est partagé par d’autres figures du milieu queer local. La Quinoa regrette notamment le manque de représentations inclusives, avec la seule présence de drapeaux LGBT classiques au Campo Santo. Le drapeau arc-en-ciel a effectivement depuis évolué, rassemblant désormais l’ensemble de la communauté LGBTQIA+. La drag pointe aussi du doigt le contrôle exercé par le GAGL45. « Un des principaux problèmes, c’est qu’ils ont le monopole et qu’ils veulent le garder. On se demande presque si ce n’est pas une marche promotionnelle pour le GAGL », dénonce-t-elle.
Une critique partagée par La Cuntess, également drag orléanaise et membre de la Coopérative Drag : « On mène toustes un combat. Personne ne peut avoir le monopole ». Le GAGL 45 avait pourtant bien essayé de co-organiser cette marche par le passé. Mais Mélanie Rocher déplorait justement de nombreux problèmes liés à l’organisation. Un essai qui s’est avéré ne pas être une réussite pour l’association, d’où sa volonté, aujourd’hui encore, de rester maître dans son organisation.
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