En 15 ans, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a triplé : 37% des Français sont en précarité alimentaire aujourd’hui. Dans le même temps, les agriculteurs sont, pour beaucoup, en difficulté. La Sécurité sociale de l’alimentation pourrait se positionner comme une solution.
Une table ronde a permis des échanges entre personnalités politiques sur le thème « De l’insécurité alimentaire à la sécurité sociale de l’alimentation ». Crédit : Jeanne Beaudoin.
Par Jeanne Beaudoin.
Charles Fournier, député écologiste de Tours, a déposé le 20 février dernier une proposition de loi visant à mettre en place une sécurité sociale alimentaire pour les Français. Si cette proposition de loi ne passera pas avant au moins l’année prochaine, un évènement a été organisé par le collectif Alerte Centre-Val de Loire jeudi 15 mai pour débattre sur cet enjeu de société. À travers trois tables rondes, l’idée était de discuter « de l’insécurité alimentaire à la sécurité sociale de l’alimentation » entre plusieurs associations, chercheurs et acteurs politiques. Étaient ainsi présents, entre autres, Emmanuel Duplessy, député du Loiret, ou Jérémie Godet, vice-président notamment chargé de la vie associative à la Région. Mais aussi des représentant·es d’associations comme Action contre la faim, Courteline, l’association Parmentier ou encore de l’Unesco.
La sécu alimentaire, une solution crédible ?
Avoir une alimentation équilibrée est un enjeu de société et de santé publique. Surtout dans un contexte où de plus en plus de personnes dépendent de l’aide alimentaire, mais aussi au regard de l’augmentation des taux d’obésité, de diabète ou encore de cancers directement liés à la malbouffe. « Le droit à une alimentation et de se nourrir est fondamental. Pourtant, il n’existe aucune politique structurelle dans notre pays », explique Emmanuel Duplessy. Alors pour répondre à cette problématique, l’idée de créer une véritable Sécurité sociale de l’alimentation est née. Elle serait élaborée sur les mêmes bases que la Sécurité sociale, mais avec l’objectif de permettre à tout le monde d’avoir accès à une nourriture de qualité, tout en rétribuant justement les producteurs.
Et effectivement, entre l’inflation, les tensions sur les productions agricoles, le réchauffement climatique ou encore le coût des transports, l’alimentation recule, souligne Emmanuel Duplessy. « Les richesses augmentent, mais elles ne sont pas partagées : les inégalités se creusent ». D’où l’idée de la Sécurité sociale de l’Alimentation, où chacun pourra « cotiser en fonction de ses moyens et recevoir en fonction de ses besoins » afin d’avoir accès à une alimentation saine et durable. Cette carte serait conventionnée directement avec des producteurs locaux, en lien avec les lieux de distribution agricole. Un système gagnant-gagnant pour tous les acteurs de l’alimentation selon ses défenseurs. En plus de répondre aux enjeux de transition écologique, car il serait impossible de réussir une véritable transition « sans démocratie ni justice sociale, qui sont des combats de tous les jours », insiste Jérémie Godet.
Les associations en manque de soutien
« Si les associations, par leurs initiatives, répondent à l’urgence, nous devons proposer des solutions structurelles » pour que tout le monde puisse avoir accès à une nourriture de qualité et équilibrée, reprend Emmanuel Duplessy. Et effectivement, les associations sont en tension. D’autant plus dans un contexte où les budgets sont en baisse, réduisant la marge de manœuvre des associations alors même que les besoins augmentent. « On ne peut pas tenir dans un système de stop and go permanent » sur la question des financements, prévient Dominique Lorenzi-Bry, vice-présidente de l’URIOPSS.
En donnant accès à une alimentation saine et équilibrée, les associations redonnent de la dignité aux personnes en situation de précarité. Mais, si les associations parviennent aujourd’hui à tenir, c’est grâce aux nombreux bénévoles. Cependant, impossible de résoudre durablement le problème de l’alimentation si on ne compte que sur le bénévolat. D’où l’importance d’inscrire le droit à l’alimentation dans la constitution ?
Les femmes particulièrement touchées
D’autant que les femmes sont surreprésentées dans les associations d’aide alimentaire. On l’a vu durant toute cette journée, les actrices associatives étaient nombreuses pour tirer la sonnette d’alarme. Dominique Lorenzi-Bry, ironise de ce constat. « Ce sont essentiellement des femmes qui se sont exprimées, qui sont à la tête d’expérimentations extraordinairement dynamiques », souligne-t-elle en rappelant que la parité reste toujours un objectif lointain sur les postes de gouvernance. Déséquilibre particulièrement préoccupant au moment où les femmes figurent parmi les premières victimes de la précarité alimentaire, notamment parce que nombre d’entre elles sont à la tête de familles monoparentales.
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