Malgré les pressions, la parole de Rima Hassan entendue à Orléans

Samedi à Orléans, la conférence sur le droit international donnée par Rima Hassan a bien pu avoir lieu. Grâce notamment au soutien de l’Union Etudiante à Orléans et de l’Union juive française pour la paix, la salle était comble. Et ce, malgré la tentative de censure opérée par le maire quelques jours plus tôt. En dépit également des quelques racistes posté-es à proximité de la salle, brandissant des drapeaux français. La liberté d’expression a pu être préservée.

Conférence donnée par Rima Hassan à Orléans : Mais où est donc passé le droit international ? Crédit : Jeanne Beaudoin.
Conférence donnée par Rima Hassan à Orléans : Mais où est donc passé le droit international ? Crédit : Jeanne Beaudoin.
Par Jeanne Beaudoin. 

Rima Hassan fait partie de ces représentantes politiques dont on peut être fier. Elle porte ses valeurs et ses combats, sans jamais fléchir. Incarnation de cette nouvelle génération d’élu-es pour qui le droit, la justice et la dignité sont une boussole, elle donne à entendre ce que beaucoup tentent de rendre inaudible. En référence à la tentative de censure orchestrée par Serge Grouard, elle dénonce : “On a besoin de représentants politiques qui travaillent pour la cohésion. Nous avons à faire à un homme qui fait l’inverse, qui divise et qui est ouvertement raciste et islamophobe”.

Juriste de formation et députée européenne depuis le 16 juillet dernier, Rima Hassan est venue parler du non-respect du droit international. Née à Alep, en Syrie, dans le camp Neirab et d’origine palestinienne, c’est avec une clarté et une pédagogie rares qu’elle retrace les origines de l’installation israélienne sur les terres palestiniennes en 1948, évènement qualifié de Nakba (catastrophe) par les Palestiniens. Alors que l’on commémore aujourd’hui les 77 ans de cette Nakba, ses conséquences restent plus que jamais critiques.  

La Nakba a commencé en 1948 et est toujours d’actualité

Les Nations Unies ont reconnu officiellement la Nakba il y a deux ans, “il leur a fallu 75 ans“, souligne Rima Hassan. Cette catastrophe, c’est l’injustice qu’ont subie les Palestiniens lors de la création d’Israël : pour permettre aux Israéliens de s’installer sur ces terres déjà habitées, environ 500 villages ont été détruits et 800 000 palestiniens expulsés. Plus de la moitié du peuple palestinien a ainsi été contraint à l’exode. Deux ans plus tard, Israël adopte la loi des absents, qui autorise l’expropriation de tous les biens appartenant aux palestiniens déplacés. Depuis, leur retour leur est impossible et les déplacements forcés se sont multipliés au fil des décennies. Les résolutions des Nations Unies et “le droit international ont toujours été du côté Palestinien“, rappelle Rima Hassan. Selon ces textes, les Palestiniens ont non seulement un droit de retour, mais aussi celui d’être indemnisé. “Mais quelle effectivité ?” interroge-t-elle.

Le rapport de force entre les pays occidentaux et ceux du Sud reste une réalité. “Les anciens états colonisateurs sont complices avec Israël“, affirme Rima Hassan, qui souligne à l’inverse la solidarité existante entre les palestiniens et “celles et ceux qui ont un passif qui ressemble à ce que vit la Palestine“. Elle dénonce également la propagande israélienne car elle a largement contribué à répandre l’idée selon laquelle les Palestiniens seraient partis d’eux-mêmes. Pour elle, la Nakba n’est pas “un fait d’histoire figé“, ça a commencé en 1948 et c’est toujours d’actualité. “Si vous ne comprenez pas ce qu’il s’est passé en 1948, c’est impossible de comprendre ce qu’il s’est passé le 7 octobre“, poursuit-elle. 

Parler de génocide pour décrire la situation à Gaza

Les dirigeants israéliens tiennent des propos insoutenables envers les palestiniens. “Ils animalisent la population palestinienne, disent qu’il n’y a pas d’innocent, que des terroristes“, dénonce Rima Hassan. Rien qu’à partir de ces discours, “on observe un risque de génocide“, alerte-t-elle. Alors, si on ajoute à cela les bombardements et le siège imposé depuis le 7 octobre, le doute n’est plus permis. Le droit international, lui, est très clair sur la situation en Palestine. Il alerte sur un “risque de génocide à Gaza et impose des mesures à Israël“, rappelle Rima Hassan. Les Etats ont l’obligation d’agir pour limiter ce risque. Pourtant, les mesures actuellement en place restent largement insuffisantes.

La bataille doit être menée auprès des dirigeants. “Nous ne voulons pas que des armes françaises soient utilisées en Palestine, que la France commerce avec Israël. Nous voulons la reconnaissance de l’Etat Palestinien” affirme Rima Hassan. Un message d’autant plus fort dans un contexte où Emmanuel Macron déclare que les génocides sont l’affaire des historiens, alors même que la France est signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Dans un contexte également où Benjamin Netanyahou peut survoler la France en avion sans encombre. “Nous ne devons pas baisser les bras, nous sommes en première ligne pour la justice, la dignité et le droit“, conclut Rima Hassan. 

Conférence donnée par Rima Hassan à Orléans : Mais où est donc passé le droit international ? Crédit : Jeanne Beaudoin.

La solution : Un Etat binational

Alors que la France Insoumise défend la résolution des Nations Unies, c’est à dire la création de deux Etats, Israël et la Palestine, Rima Hassan, elle, défend une tout autre option. Pour elle, la solution passe par un Etat binational. La création d’Israël s’est faite dans un contexte colonial, sans l’accord des Palestiniens. “C’est grave et stupide de penser qu’on puisse partager un Etat en deux sans répercussion“, estime-t-elle. Selon elle, c’est même devenu impossible. Rima Hassan s’inscrit dans la lignée de la pensée d’Edward Saïd, intellectuel palestinien exilé, qui affirmait que la solution à deux Etats était irréalisable face à la colonisation et à l’expansion territoriale Israélienne. Il défendait plutôt l’idée d’un Etat binational, laïc et démocratique, où juifs et arabes vivraient à égalité. Une idée que Rima Hassan reprend aujourd’hui. 

La création d’un Etat Palestinien est d’autant plus complexe que la Palestine elle-même est aujourd’hui fragmentée en cinq entités distinctes :Jérusalem, Gaza, Cisjordanie, les Palestiniens vivant en Israël et la diaspora. “La population n’est pas unie, il n’y a pas de continuité territoriale“, poursuit Rima Hassan, à l’origine d’une “fragmentation politique et juridique“. A cela s’ajoute la présence de plus d’un million de colons israéliens installés en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Dans ce contexte, “un Etat binational ferait sauter les frontières et permettrait de répondre aux revendications palestiniennes“, notamment en garantissant le droit au retour dans les villages d’origine. Cette option permettrait aussi de résoudre “la question de la liberté de circulation et d’installation, de la dignité et du droit“, ajoute-t-elle.

“La dignité des palestiniens est de ne pas reproduire de Nakba à ceux qui nous l’ont fait subir”

La mise en place d’un Etat binational permettrait aussi de régler la question de la présence des israéliens sur le sol palestinien. Rima Hassan affirme que “la dignité des palestiniens est de ne pas reproduire une Nakba à ceux qui nous l’ont fait subir“. En Israël, la Nakba reste largement censurée et “beaucoup ont été manipulés“, souligne-t-elle. 

D’autant que, malgré le fait qu’Israël soit une société coloniale, il existe des voix dissidentes et des formes de contestations. Pour Rima Hassan, un Etat binational serait possible à condition que les colons renoncent à leurs privilèges. “Vous pouvez rester, mais pas au-dessus de nous. Ceux qui refusent de renoncer à leurs privilèges partiront d’eux-mêmes. Ceux qui ne veulent pas écraser, dominer peuvent rester. C’est ça, la dignité des Palestiniens“, conclut-elle. 

Plus d’infos autrement : 

Vers la dissolution du collectif Urgence Palestine ? 

Commentaires

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  1. Il n y a pas pire pour un déraciné de savoir que la communauté qui l’entourait n’existe plus. Nous avons connu cela dans les mêmes conditions. Les suppôts des politiques parisiens avaient depuis longtemps profité de leur indemnisation pour changer le lieu de leur investissement. Il ne restait plus pour subir les massacres que ceux qui avaient cru à une société multiculturelle en finissant par les harkis. La loi des biens vacants fut appliquée dans les mêmes conditions. La partition était possible et demandée par le bon sens. Mais les Ponce Pilatte de l epoque étaient les plus forts dans leur refus: il n’était pas question de permettre l’implantation d’une mosquée à Colombey les deux églises.

  2. J’étais présent lors de cette réunion. M. Ettaouzani, président du CDCM, a tenté un début de dialogue avec les manifestants de Reconquête à l’extérieur de la salle. C’était déplorable dans le fond et dans la forme. À des années-lumières du discours posé, structuré, documenté de Rima Hassan. Depuis quand appeler à la fin d’un massacre est un crime ? Le monde est devenu fou. Merci à Magcentre pour cet article qui est l’expression d’une déontologie en voie de disparition.

  3. C’est bien qu’une journaliste raconte, ce témoignage de madame Hassan dans le sens où celle-ci l’a présenté.
    La “Nakba” se poursuit, Gaza est a présent un camp de la mort.

  4. Un seul Etat binational, l’idée est intéressante, mais pourquoi alors mettre l’unique drapeau palestinien en toile de fond de cette conférence ?

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