Klapisch construit joliment son jeu avec l’art, le temps et l’espace

Avec son titre en jeu de mots, comme souvent, Cédric Klapisch nous balade de la Normandie à la butte Montmartre et de 1895 à aujourd’hui. Avec des acteurs splendides, La Venue de l’avenir raconte dans une forme originale la présence du passé dans le présent, l’importance des ancêtres et la beauté de les respecter. L’impressionnisme et son foisonnement revisités par une fiction, mais en toute authenticité.

Les quatre cousins Guy (Vincent Macaigne), Abdel (Zinedine Soualem), Céline (Julia Piaton) et Seb (Abraham Wapler). Photo STUDIOCANAL – Colours of time – Ce qui me meut – Emmanuelle Jacobson Roques



Par Bernard Cassat.


Claude Monet, on le sait, a peint son Impression, soleil levant depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel, au Havre, au début des années 1870. Cédric Klapisch reconstitue la scène, mais Monet n’est pas seul dans la chambre. Une femme vient le rejoindre à la fenêtre. Elle va donner naissance à la fois à une fille illégitime et au film de Cédric. À partir du personnage de cette enfant, Cédric remonte et descend la Seine, le temps, l’art, la photo, le cinéma et les techniques de captation d’images dans des séquences foisonnantes de reconstitutions du passé et d’enquêtes au présent.

Les trois jeunes à Paris : Lucien (Vassili Schneider), Adèle (Suzanne Lindon) et Anatole (Paul Kircher). Photo STUDIOCANAL – Colours of time – Ce qui me meut – Emmanuelle Jacobson Roques


La narration ne peut pas être chronologique. Le point de départ narratif, c’est un odieux projet du monde consumériste et destructeur, celui d’une zone commerciale internationale en Normandie. Absolument l’inverse du monde de la nature regardée par les impressionnistes. À la place de ce centre commercial, il y a pour l’instant une maison abandonnée. Qui appartient à une cinquantaine de cousins rassemblés par le notaire. Quatre d’entre eux s’occupent de cet héritage et vont voir la maison. Et tout bascule, car il y a des photos de Nadar, un tableau de Monet et des lettres enflammées de leur ancêtre commune. Que l’on voit partir de la maison en traversant un champ de coquelicots comme a peint Monet. Tout est en place pour le film.

Les recherches dans Le Havre aujourd’hui. Photo STUDIOCANAL – Colours of time – Ce qui me meut – Emmanuelle Jacobson Roques


Adèle part à Paris à la mort de sa grand-mère qui l’a élevée. Elle a 20 ans (on est en 1895, l’année de la naissance du cinéma, comme le dit Thierry Frémaux dans son film) et veut connaître sa mère qu’elle n’a jamais vue. Elle remonte donc la Seine sur un bateau. Où elle rencontre deux jeunes Havrais qui eux aussi montent à Paris. Ils sont artistes et c’est là-bas que tout se passe. Rencontre joyeuse. Il y a toujours chez Klapisch le plaisir d’un regard enfantin. La maquette de ce petit bateau sur la Seine en fait partie, ainsi que les reconstitutions des quais parisiens. Avec des passages de temps narratifs immédiats, comme ce joggeur noir qui déboule là où Adèle vient de tourner. Toutes les transitions ne sont pas aussi nettes, mais toutes sont justifiées et habiles, du sommeil initial de Seb (Abraham Wapler) et ses rêves d’Adèle, à la drogue de Guy (Vincent Macaigne).

Adèle et sa mère (Sarah Giraudeau). Photo STUDIOCANAL – Colours of time – Ce qui me meut – Emmanuelle Jacobson Roques


Les objets trouvés dans la vieille maison seront aussi des moteurs de l’histoire. Les photos de Nadar, et surtout un tableau manifestement impressionniste et des lettres. Photos comme tableau provoquent des recherches poussées, notamment dans les musées spécialisés impressionnistes, dont celui du Havre. Les histoires individuelles des personnages contemporains se nouent autour de ces recherches. Celle de Seb, vidéaste et réalisateur de clips, ressort plus que les autres. Surtout qu’avant de savoir quoi que ce soit sur ses ancêtres, il shoote des mannequins devant les Nymphéas de l’Orangerie. Mais son cœur est attiré par un autre modèle, une chanteuse (Pomme). Qui elle aussi fait écho aux chansons dans le cabaret du Rat Mort, l’auberge de la butte où logent les trois jeunes normands. Adèle a enfin découvert que sa mère (Sarah Giraudeau) est prostituée, qu’elle aime la vie et qu’elle a eu des aventures formidables avec les peintres. Tout cela se mélange en restant parfaitement clair, d’où un vrai plaisir de promenade temporelle. Et même la scène de mélange des époques, lors de la première expo impressionniste dans les locaux de Nadar, boulevard des Capucines, passe bien dans l’énergie du film tant on s’amuse à reconnaître untel puis untel, tant la reconstitution paraît réelle et tant les intrus découvrent la vraie fausse histoire.

Les Nymphéas à l’Orangerie, aujourd’hui. Photo STUDIOCANAL – Colours of time – Ce qui me Meut – Emmanuelle Jacobson Roques


Car le film de Klapisch, c’est cela avant tout. Une fiction totalement inventée au service de la vérité. Il nous parle en images de cette période artistiquement magique. Il pratique comme d’habitude un cinéma élaboré mais sobre, somptueux et malicieux, avec toujours des détails travaillés dans chaque coin d’image, et un sens du montage poussé. La palette d’acteurs imposants (Zinedine Soualem, Cécile de France, Berléand, Gourmet) comme la jeune génération (Paul Kircher, Vassili Schneider), et surtout la très grande prestation de Suzanne Lindon font de ce moment de cinéma une délicieuse balade dans l’art. Le septième comme les autres.


Plus d’infos autrement :

Partir un jour, mais revenir pour danser avec le passé

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 15°C
    • après midi 18°C
  • lundi
    • matin 10°C
    • après midi 18°C
Copyright © MagCentre 2012-2025