Longtemps vouée aux plaisirs d’une caste de privilégiés, la Sologne, comme beaucoup de territoires, même si des élus locaux se complaisent dans cette situation, n’a cependant pas vocation à devenir une réserve pour nantis. D’autres solutions existent. C’est ce que veulent démontrer les membres de la coopération des Luttes Locales Centre à travers un manifeste collectif.
La Sognolisation n’est pas une fatalité selon les membres du collectif. Photo Magcentre
Par Fabrice Simoes.
La définition du Solognot – « petit homme trapu au ventre jaune qui vit dans les marais » – sur le ton de la bonne blague, venant d’un solognot, cela peut faire sourire. Sur un ton péremptoire, venant d’un porteur de veste en velours côtelés, ou d’une porteuse de bottes de chez Louboutin, le rire devient de la couleur des genets au printemps… Transformer les zones marécageuses en étangs, voilà une idée qui a donné au territoire solognot un peu de prospérité au cours de son histoire. Entrer dans une phase d’industrialisation au siècle dernier avait donné aussi de l’espoir à une population alors ancrée dans un mode de fonctionnement basé sur la servitude. Las, à coups de procédures, les nouveaux seigneurs ont eu la peau de la plupart des usines du secteur. Sous couvert d’un ruissellement économique qui ne vient jamais, les grands propriétaires et leurs sbires ont repris leurs droits héréditaires.
C’est un choix de vie différent que souhaite mettre en avant la coopération des Luttes Locales Centre qui regroupe, depuis 2021, des collectifs citoyens mobilisés pour refuser « le développement d’une certaine vision économique aberrante, détruisant les biens communs ». Leur objectif est « d’éviter que les décisions de quelques-uns, guidés par l’envie de profits immédiats, ne nuisent pas à la vie et à l’avenir des millions d’autres ». Si, localement, « les grands projets écologiquement néfastes » comme les plateformes logistiques, les autoroutes et ponts, les mégabassines, les golfs, les industries nocives ou le déboisement urbain sont leurs principales cibles, c’est une vision sociale et économique globale qui est proposée.
Luttes Locales Centre espère une Sologne autrement. Photo Magcentre
Manifeste et événement festif en 2026
C’est devant les portes du futur lycée privé hors contrat de Chalès, au cœur de la Sologne des étangs, qu’a été lancé l’appel aux habitants du territoire pour « dessiner une autre Sologne que celle des ultra-riches ». Là, un futur internat catholique non-mixte, financé par le milliardaire proche de l’extrême droite Pierre-Édouard Stérin, devrait ouvrir ses portes à la rentrée prochaine. Un lancement devant un symbole de ce que la coopération souhaite mettre en exergue. « Nous aussi, habitants de ce territoire, nous voulons fabriquer et construire des projets ensemble qui n’ont rien à voir avec l’entre-soi du projet qui se prépare », expliquait alors l’un des organisateurs du rassemblement. « Depuis deux siècles, la grande bourgeoisie parisienne, et celle des mégapoles, ont fait de la Sologne sa réserve de chasse et, au-delà, son terrain de prédilection pour exhiber sa distinction sociale et son appartenance de classe. (…) Les ultra-riches ne laissent à l’économie locale que les miettes de leurs délires. Ils font sécession, se mettent à l’abri des regards, pratiquent l’entre-soi et le séparatisme, contre la République de tou·te·s. », assure le collectif qui pose des questions simples pour l’avenir : « Quelle Sologne serons-nous, quelle Sologne voulons-nous ? »
Le collectif invite ainsi toutes les personnes intéressées, à donner leur point de vue, à imaginer une autre Sologne que celle qui se dessine actuellement, à mettre en commun idées, visions et projets. Cette participation peut passer par différents supports, par différents modes d’expression comme des écrits, dessins, photos, vidéos, sons, musiques, contes… Ces contributions sont à faire parvenir, par mail, à manifestepourlasologne@riseup.net avant le 30 septembre 2025. L’ensemble sera compilé pour lecture et trié à l’automne. En novembre, le collectif souhaite organiser un « Forum des contributeurs » avant de rédiger un manifeste. Celui-ci devrait être « proclamé », au cours d’un événement festif, au début de l’année 2026.
Sans constituer un programme électoral, le calendrier de sortie du manifeste coïncidera avec une échéance politique. Selon le collectif, chacun pourra en tirer ce qu’il veut… Comme la simple annonce de la création du document a déjà fait réagir avec virulence certains hobereaux locaux, ça peut faire causer dans les chaumières.
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