Le (presque) général Dreyfus a fini sa carrière à Orléans

L’État s’apprête à donner le grade de général au célèbre lieutenant-colonel Alfred Dreyfus, injustement accusé de trahison et envoyé au bagne avant d’être réhabilité en 1906. Mobilisé en 14-18, on sait moins qu’il a fini sa carrière militaire à Orléans. Le détail avec l’historien orléanais Georges Joumas.

Georges Joumas, historien orléanais, spécialiste de Dreyfus. Photo Sophie Deschamps


Propos recueillis par Sophie Deschamps.



Après sa réhabilitation et sa réintégration dans l’armée en 1906, pourquoi Alfred Dreyfus n’a pas obtenu le grade de général en fin de carrière ? 

Georges Joumas : Alfred Dreyfus est réintégré dans l’armée le 12 juillet 1906 avec le grade de chef d’escadron. On lui décerne même la Légion d’honneur. Mais il se rend compte au bout de quelques mois que l’armée ne lui redonne rien. Ni son ancienneté perdue durant ses 51 mois de bagne à Cayenne, ni son avancement en espèces sonnantes et trébuchantes. Car ayant fait Polytechnique et l’École de guerre, il pouvait tout à fait briguer un poste de général en fin de carrière.

Il fait des démarches dans ce sens mais il se heurte au refus de Georges Clemenceau, alors Président du Conseil. Furieux et amer, il claque la porte de l’armée en 1907. Il demande donc sa retraite anticipée et redevient civil. Délivré de son droit de réserve, il adhère à la Ligue des droits de l’Homme et donne des conférences sur le syndicalisme. Il soutient également des personnes victimes d’erreurs judiciaires. En un mot, il s’engage en fidélité à ses valeurs républicaines. 

Toutefois la haine à son égard ne faiblit pas. Ainsi, le 4 juin 1908, le journaliste antisémite Louis Grégori tente de le tuer durant le transfert des cendres d’Émile Zola au Panthéon. Il est heureusement légèrement blessé. Mais il demeure la cible d’attaques incessantes de la presse antisémite de l’époque. 

En 1914, il est bien sûr mobilisé donc il réintègre l’armée. Ne souhaitant pas le mêler aux autres officiers, celle-ci l’isole dans un bureau. Mais suite à la pénurie d’officiers de réserve après l’hécatombe de Verdun (21 février au 18 décembre 1916, NDLR), il part en première ligne. Il participe alors en tant qu’artilleur à la bataille du Chemin des Dames avec des combats extrêmement durs et meurtriers. 


Dans quelles circonstances Alfred Dreyfus se retrouve-t-il à Orléans ?

En 1918, il atteint l’âge de 60 ans. Il ne peut donc plus être en première ligne. Renvoyé à l’arrière, c’est ainsi qu’il arrive à Orléans en mars. Il est affecté au commandement du parc d’artillerie de la 5e région militaire, situé justement rue du parc dans le quartier Dunois. Mais il y a également des parcs annexes à Blois et à Bellegarde. Il se déplace donc beaucoup. C’est une responsabilité très lourde car évidemment à la fin de la guerre, l’artillerie est fondamentale pour les combats. Il faut la réapprovisionner sans cesse comme il l’explique dans ses lettres.

Alfred Dreyfus reste à Orléans jusqu’en janvier 1919 mais aujourd’hui aucune rue ni place ne rappelle son passage dans la cité johannique. Précisons encore que durant son séjour, il a obtenu le grade de lieutenant-colonel alors qu’il aurait dû avoir au minimum celui de colonel. Mais étant de nouveau à la retraite, il est définitivement rayé des cadres de l’armée en 1921.


Il aura donc fallu attendre plus d’un siècle pour qu’il obtienne enfin le grade de général. Le vote de l’Assemblée nationale est déjà acté. Selon vous, celui du Sénat ira dans le même sens ?

Ça ne devrait pas poser de problème puisque tous les partis politiques ont voté à l’unanimité pour cette réhabilitation posthume à l’Assemblée nationale. À l‘exception du MODEM toutefois qui s’est abstenu pour ne pas avoir, je cite, « à mêler ses voix à celles des deux extrêmes ».

 

Alfred Dreyfus, soldat
Alfred Dreyfus, soldat. Photo Éditions Corsaire

 

Georges Joumas a écrit trois livres sur Alfred Dreyfus aux éditons Corsaire :

 

Plus d’infos autrement :

Si tu veux que je vive, autour des époux Dreyfus par le théâtre de l’Imprévu

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