Les journées européennes de l’archéologie vont se dérouler du 13 au 15 juin 2025 dans une trentaine de pays d’Europe. Environ 5 000 événements sont programmés. En France, c’est l’Institut national de recherches archéologiques Préventives qui coordonne cette manifestation. 23 événements sont labellisés en région Centre-Val de Loire. Mais cette année, l’enthousiasme a laissé la place à l’inquiétude.
Fouille d’une nécropole médiévale. Photo Philippe Voisin
Par Philippe Voisin.
Une pétition circule
Quatre députés Horizons (le parti d’Édouard Philippe) sont à l’initiative d’un amendement au projet de loi de simplification administrative qui propose d’affranchir les projets qualifiés d’intérêt national de leurs obligations d’archéologie préventive. Précisément, l’article 15 alinéa XII propose de déroger « à la réalisation d’une évaluation environnementale pour les projets qualifiés d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ». Autrement dit, la construction d’une usine, d’un data center, d’une autoroute, d’une infrastructure ferroviaire pourrait échapper aux diagnostics. De quoi agiter la petite communauté discrète des chercheurs qui, en silence, ont l’habitude de creuser dans les sépultures et de manipuler les éprouvettes en laboratoire pour faire parler les morts sans les réveiller. Une pétition en ligne depuis le 28 avril (www.change.org/p/sauvons-le-patrimoine-archéologique) rassemble l’essentiel de cette communauté scientifique et des fouilleurs bénévoles. Ils dénoncent le risque de perdre irréversiblement notre patrimoine historique.
Les fouilles préventives, comment ça marche ?
C’est la DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles) qui décide s’il est nécessaire de réaliser, d’abord, un diagnostic lorsqu’elle soupçonne la présence de vestiges. Soutenue par des éléments objectifs, elle détermine le secteur et la profondeur. Exemple à Orléans : l’îlot Bel-Air, construit sur une butte apparemment non géologique, est concerné par un projet d’aménagement urbain porté par la mairie. La DRAC réclame un diagnostic pour rechercher la présence d’un tumulus. Des sondages et des recherches documentaires ont été effectués pour conclure à la présence de remblais industriels ! Déception pour les chercheurs, soulagement pour la collectivité qui ne sera pas obligée de financer des recherches préventives approfondies.
Il faut bien reconnaître que la facture des fouilles est salée. Lorsque le diagnostic révèle des traces de vie ancienne, la DRAC prescrit alors une fouille préventive obligatoire. Elle lance un appel d’offres auquel peuvent répondre des sociétés publiques comme l’INRAP ou les services archéologiques des collectivités territoriales et des sociétés privées (elles sont une quinzaine environ) comme ÉVEHA ou Archéodenum.
Selon l’étendue du chantier, le coût peut varier de 50 000 à un million d’euros ! Plus c’est profond, plus c’est ancien et plus c’est long. Dans le cas de découverte de sépultures, la norme, c’est un fouilleur par jour et par tombe ! Ce sont les aménageurs qui paient ; alors, l’intervention de Fabien Genet, sénateur LR de Saône-et-Loire, dans une question au gouvernement le 24 avril 2025 résume les préoccupations des maires confrontés aux restrictions budgétaires : « Il est légitime de s’interroger sur la soutenabilité de ces dépenses pour les communes et sur leurs conséquences pour les contribuables ».
Préventives ou programmées
Les fouilles préventives prescrites par les DRAC représentent 90% des fouilles réalisées en France. Elles sont pratiquées exclusivement par des professionnels et sont toutes liées à des projets d’aménagement. Lorsqu’un site est jugé intéressant après des fouilles préventives, les services de l’État peuvent transformer le chantier en fouilles programmées qu’elle finance elle-même. Le programme dure en général trois ans parfois renouvelables après l’avis de commissions interrégionales. Les crédits sont limités et la concurrence est féroce. Le chantier est ouvert l’été et il est accessible aux étudiants, aux stagiaires et aux bénévoles d’associations accréditées. Il offre ainsi des possibilités de professionnalisation et des activités de conservation et de vulgarisation au niveau local. On le comprend, c’est toute une filière qui se constitue à partir des fouilles préventives.
Conservation de mobilier gallo-romain. Photo PV
La France possède depuis 2001 la législation la plus favorable en Europe à la recherche archéologique. Elle a appliqué avec beaucoup de zèle le traité de La Valette du 1er janvier 1992 qui engage les signataires à tout mettre en œuvre pour protéger le patrimoine archéologique européen « en tant que source de la mémoire collective et en tant qu’instrument d’étude historique et scientifique ». Et quel succès !
En 2021, date anniversaire de sa création, l’INRAP a publié les plus belles découvertes depuis 20 ans. On pense à la mise en valeur de Bibracte en Auvergne, site référence pour la connaissance de la vie des Gaulois.
D’après le bilan scientifique obligatoire publié dans chaque région, 167 diagnostics, 20 fouilles préventives et 48 opérations programmées ont été réalisés en région Centre-Val de Loire, en 2022.
Programme (non exhaustif) des journées de l’Archéologie en région
13 sites labellisés (https://journees-archeologie.eu)
Loiret
- Orléans : hôtel Groslot ; vestige de la chapelle Saint-Jacques de style gothique flamboyant Orléans, Square Abbé Desnoyers : anthropologie, archéozoologie et carpologie…
- Meung-sur-Loire : musée : collections d’archéologie et de paléontologie, immersion dans le cabinet d’un collectionneur.
- Vienne-en-Val : visite guidée du musée et des vestiges de la place de l’église
- Ouzouer-sur-Loire : les secrets de la forêt d’Orléans, ses tumuli et ses menhirs
- Dordives : visite de la forteresse médiévale de Mez-le-Maréchal
- Montargis : peinture dans les jardins du château
- Toury : la ferme gauloise du Petit Boissay
Eure-et-Loir
- Chartres, cloître des abbayes : forge médiévale, découverte des métiers de l’archéologie
Indre-et-Loire
- Tours, esplanade du Château : maquette interactive, diagnostic et analyse d’un site
- Savigny-en-Véron, musée du Véron : visite du musée et atelier d’archéologie expérimentale
- Luzé, abbaye royale Saint-Michel de Bois-Aubry : visite et présentation des recherches en cours
Indre
- Saint-Marcel : première édition du Village de l’Archéologie sur le site d’Argentomagus
- Châtillon-sur-Indre : sur la place du Vieux-Château
- Levroux : maison à pan de bois du XVIe
Loir-et-Cher
- Blois, ancien Hôtel-Dieu : visite du chantier de fouille
- Saint-Laurent-Nouan : reconstitution grandeur nature d’habitats nomades et sédentaires de la fin du Paléolithique à la période gauloise
- Thésée, Parc du Vaulx Saint-Georges : Tasciaca, le plus grand monument romain de la région
- Gièvres : Conférence sur les fouilles du Marais Sylvain
Cher
- Bourges : circuit découverte à travers les vestiges visibles d’Avaricum ; visite guidée de la grosse tour
- Châteaumeillant : visite du musée Emile Chénon et dégustation sur la thématique du vin
- Neuvy-Deux-Clochers : fouilles du site élitaire du Haut-Moyen-Âge et conférence sur l’ensemble castral
Plus d’infos autrement :
Un nouveau président pour la Société Archéologique d’Orléans