9 juin, retour sur la journée folle de Montargis !

Que sont venus fêter les Patriotes pour l’Europe à Mormant-sur-Vernisson ? L’anniversaire de leur victoire aux Européennes ? Celui de la dissolution qui a suivi ? Car c’est par elle que le chaos est arrivé (ou qu’il a été parachevé, c’est selon). Sont-ils venus montrer la cordiale entente à la tête du RN ? Et la ligne de force incarnée par les leaders de l’extrême droite européenne ? Quelle folle journée !

Carton plein à Montargis – photo Izabel Tognarelli


Par Izabel Tognarelli.

 

Revoilà la foule des grands jours, aussi dense qu’au plus fort des manifs contre la réforme des retraites ; brassant les âges, des têtes blondes jusqu’aux crins blancs, avec au moins un nonagénaire qui, de l’Allemagne aux États-Unis, en a vu beaucoup dans sa vie. Dans la foule, quelques panneaux et banderoles bien sentis, et une batucada vivifiante. Barrant la rue Dorée, les forces de police sont prêtes : si seulement ces effectifs avaient été là au cours de la nuit du 29 au 30 juin 2023… Mais qui donc a démantelé la police ?

Dans le cortège, le slogan des Béruriers Noirs est bien sûr repris, mais où est la hargne de la fin des années 80 ? Ramollie par l’air du temps qui se nourrit de chansons dépressives par écrans interposés. Heureusement, cette rage, on la ressent à nouveau grâce à un « Siamo tutti antifascisti » lancé par un groupe de jeunes gens, avec une énergie qui vient des tripes, l’énergie vitale nécessaire face à l’adversité. Mais le plus intéressant pour nos lecteurs venait en après-midi.

Vive le Gâtinais libre ! (On ne le répétera jamais assez) – photo Izabel Tognarelli

Merci Jean-Mi !

Envoyées par leurs rédactions respectives, l’une pour Magcentre, l’autre pour la presse anglo-saxonne, deux journalistes sont en route pour Mormant-sur-Vernisson. Elles ont pris les chemins de traverse, afin d’éviter un éventuel flot de véhicules. Elles auraient pu élargir la boucle et passer par le bourg d’Amilly, où une trentaine de personnes manifestaient elles aussi, contre les extrêmes (de droite et de gauche : balle au centre), soutenus par Jean-Michel Blanquer, sorti pour l’occasion de son placard (doré), mais qui n’avait pas pu venir en personne ce jour-là : « J’peux pas, j’ai piscine ! ». Alors il s’est fendu d’une homélie, par vidéo interposée.

A Montargis, les forces de gauche étaient au complet – Photo Izabel Tognarelli

« Nous sommes journalistes ! » (Gimmick prononcé avec le sourire)

Arrivé à Mormant-sur-Vernisson, notre duo de choc se présente, sourire en bandoulière : « Nous sommes journalistes ! » Notre interlocuteur fait un geste apaisant des deux mains : « Oh là, pas de souci. » Ah bon ? Qui a dit qu’il y en avait un ? Il nous indique un parking réservé aux médias.

En chemin, une silhouette féminine se dessine, à pied, sous le soleil ardent. Notre proposition de covoiturage est spontanée. Elle nous explique qu’elle est du village et qu’elle rejoint une amie, chargée de l’organisation. Nous nous présentons et amorçons un début de conversation. Mais à l’annonce de nos fonctions de journalistes, notre interlocutrice s’était fermée. Elle demande à descendre bien avant l’entrée (« J’peux pas, j’ai Grand Frais ! »). Dont acte, nous ne sommes pas là dans un esprit de coercition.

Nous atterrissons alors sur un champ fraîchement fauché. Un bénévole nous indique l’emplacement exact où il souhaite nous voir « parquer » (ce doit être un anglicisme) notre voiture. Les directives sont précises et notre guide ne nous lâchera pas tant que la voiture ne sera pas « parquée » (ou « parkée » ?) exactement dans l’axe.

Cap vers l’entrée dédiée à la presse, du moins, celle qu’on nous a indiquée. Sacs fouillés pour des raisons de sécurité ; formule réitérée : « Nous sommes journalistes ! » De toute façon, l’appareil-photo signe la fonction. « Vous devez passer par l’autre entrée, pour recevoir un badge. » L’autre entrée, c’est… celle que nous venons de quitter. On sourit, on soupire, on reste.

L’inspection visuelle ne suffit pas : palpation obligatoire. Par 30°C, heureusement en vêtements légers (la doudoune épaisse aurait été très louche !), on tourne le dos à l’agent(e) de sécurité, bras en T : aisselles et haut des cuisses vérifiés. Si on cherche les personnes mal intentionnées, c’est plutôt sur le bas des jambes qu’il faut être vigilant. Et si la loterie de l’ADN m’avait dotée d’une enveloppe masculine ? On n’ose l’imaginer. Bref, nous sommes passées, prêtes à entrer dans le vif du sujet.


À lire :
Montargis-Mormant, tensions autour d’un meeting d’extrême droite

Carton plein à Mormant – Photo Izabel Tognarelli

Opération « Chapeaux de Paille »

Surprise : tout le monde porte un chapeau de paille. Mais oui, on vous l’avait dit ! Sauf qu’avant de partir, vous aviez longuement hésité devant vos trois pauvres couvre-chefs estivaux. Le grand chapeau des rizières ? Trop exotique. La capeline géante ? Trop diva. Le petit en paille bleu marine ? Disparu (hélas, vous l’aimiez bien pourtant). Résultat : tête nue, seule dans une mer de militants tous à l’unisson avec leurs chapeaux de paille et leurs drapeaux tricolores, vous faites tache…

Et voilà Jordan, fraîchement rentré des Émirats : à peine le tarmac foulé qu’il est déjà à Mormant. Il connaît les mots qui vont toucher le plus grand nombre. Il promet même « davantage de nucléaire » : pour davantage de voitures électriques ? (non, range ta question, elle est hors sujet !) Il parle d’une Europe des libertés, notamment celle d’expression, et aussi de liberté de dire la vérité (dixit), salué par des « hou ! » et des « ouais ! ». En fond sonore, les tubes des années 80 remixés sont particulièrement bien étudiés pour dynamiser les foules.

À l’écran, Marine et Jordan s’enlacent. Pour elle, c’est bain de foule, bouquet de fleurs, au revoir en fanfare. Rideau.

Trop blanche pour certains, trop à droite pour d’autres

Une fois les discours terminés, cap sur les militants. Nous nous présentons à un jeune homme très oxfordien avec son costume et son chapeau de paille. Poli, il décline : « J’peux pas, j’ai poney. » Nous nous tournons alors vers deux très jeunes femmes. Elles sont belles, intelligentes, et nous les écoutons avec un intérêt non feint. Étudiantes en droit, assistantes parlementaires, elles racontent les harcèlements subis dans leur enfance : toujours trop blanches, alors que l’une d’entre elles est métissée (mais, comme elle nous le dit, « ce n’est jamais assez ») ; trop à droite (à la fac, et déjà au lycée, il peut être difficile d’avoir une opinion autre que de gauche). L’une d’elles s’inscrit dans le sillage familial tandis que l’autre a eu le déclic avec la séparation de ses parents : sa mère vote désormais comme elle, tandis que son père, d’origine marocaine, n’est pas tenu au courant des convictions politiques de sa fille.

Comme les discours, le bain de foule était retransmis sur écran géant – Photo Izabel Tognarelli


Il est temps, à présent, de rentrer. Avant de boucler cette folle journée, on retourne place du Pâtis, prendre la température. On écoute les paroles universalistes d’Edwy Plenel. On se dit que la prestation des « drag queens » aurait mis Viktor en transe (avec un e, ne pas se tromper). Mais on se dit que, pour ceux dont les convictions sont vraiment opposées à celles de l’extrême droite internationale, il ne suffit pas de pousser la chansonnette : l’énergie vitale se puise dans le cœur et dans les tripes ; c’est là que se trouve la source de la force et du courage décuplés.


Plus d’infos autrement :

À Montargis, le cœur de la République bat encore !

Commentaires

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  1. Très bon compte-rendu. Je n’étais ni d’un côté ni de l’autre, n’étant pas pour les extrêmes, et n’étant pas là du week-end (j’étais aux Médiévales de Guérande qui ont lieu chaque premier week-end de juin tous les ans et qui valent vraiment le détour même si ce n’est pas en Centre-Val-de-Loire [néanmoins direct jusqu’à La Baule sans correspondance le week-end ou avec une en semaine via l’Interloire, puis finir en voiture, transports en commun ou à pied]). Mais on sent bien dans votre récit les deux ambiances. On se demande bien ce qu’est venu faire Edwy PLENEL, mais bon…

    J’espère que vous n’êtes pas trop fatiguée ni stressée par ce que vous avez vécu sur place d’un côté. Parce que franchement, ça ne fait pas envie pour la liberté de la presse si on vous traite de la sorte. Par parenthèse, l’extrême-gauche façon LFI et EELV canal historique ne valent aucunement mieux.

    Chapeau l’artiste en attendant pour votre compte-rendu, plein de vie et avec une belle dose d’humour.
    Bien à vous,

  2. Thomas , renvoyer l’extrême droite et les écologistes dans le même camp des ennemis de la liberté et notamment celle de la presse , relève d’un aveuglement qui ouvre grandes les portes du pouvoir aux enfants de Pétain …
    Merci à Izabelle Tognatelli pour son éclairage sortant des sentiers battus !

  3. Attention, je n’ai pas parlé de tous les écologistes, mais de ceux affiliés à EELV canal historique, bref, ceux qui sont cul et chemise avec LFI, La France Indigne. Pas les autres. Eux ne sont absolument pas des ennemis de la liberté, notamment de la presse, bien au contraire. J’ai dû mal m’exprimer.

    Mais quand on voit certains boycotter des médias simplement parce qu’ils ne pensent pas comme eux et qu’ils ne sont pas «bien-pensants» ou «politiquement correct», ça fait peur. La défense de la liberté de la presse doit être totale et non à géométrie variable. J’ai défendu becs et ongles les «i>TÉLÉ» et le referais si c’était à refaire. Je défendrai de la même manière les journalistes de CNEWS le cas échéant. Pour info, ils se sont réjouis de la censure de C8, prétextant à tort que la chaîne était uniquement le trublion qui a fait plusieurs (trop nombreuses) fois polémique, oubliant qu’il y avait moult autres émissions de qualité sur cette chaîne. Et ils réclament à corps et à cri celle de CNEWS, en vain puisque sa convention a été renouvelée ! Idem pour certains autres médias. CQFD !

    «Je ne suis d’accord en rien avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous ayez le droit de le dire» (attribué à tort à François-Marie AROUET dit VOLTAIRE alors qu’en fait c’est une écrivaine Anglaise qui s’appelle Evelyn Beatrice HALL qui a utilisé cette formule pour résumer la pensée Voltairienne dans l’un de ses livres). Voilà ma façon de penser et voir la liberté d’expression, pour peu bien sûr que les propos ne tombent pas sous le coup de la loi.

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