Avec un personnage de commissaire de police intègre, Thomas Ngijol aborde dans Indomptables les problèmes de développement de son pays d’origine. Il décrit aussi une histoire familiale dont on ne comprend pas trop les aboutissements. Bien que le film soit agréable, on attendait plus de profondeur.

Le travail de la police n’est pas de tout repos dans ce pays compliqué. Photo Why Not Production.
Par Bernard Cassat.
Thomas Ngijol est né à Paris de parents Camerounais. Il ne connaît son pays d’origine que par des étés de vacances scolaires françaises passés là-bas, dans la famille. Il n’y a jamais vécu vraiment. Et ça se sent dans son film.

La police n’est pas toujours bien accueillie par la population. Capture bande annonce.
Son personnage, Billong, a du mal à trouver exactement sa place. Commissaire de police, ce qui est haut placé dans la police camerounaise, il dirige une équipe qui vient de perdre un de ses membres descendu par balles. Bien habillé à l’occidentale, parlant un français irréprochable, il tranche avec la population plus ordinaire qui l’entoure et surtout sur les malfrats chez qui il doit enquêter.

La ville de Yaoundé. Capture bande annonce.
Le pays est un vrai foutoir. De langues, d’organisation, d’infrastructures, de conditions de vie. Il est constamment confronté aux pénuries d’électricité, à la misère quotidienne des habitants de Yaoundé, la capitale, aux drogues très répandues et à la corruption, même dans la police. Pendant tout le film, ces aspects de pauvreté et de développement lui posent des problèmes. La police camerounaise n’hésite pas à enfoncer des portes sans mandat au petit matin, ou à pratiquer des interrogatoires musclés pour glaner quelques éléments. À un moment, Billong déclare que la violence de la police doit s’opposer à celle de la rue parce qu’il faut bien que quelqu’un fasse le boulot. C’est un peu sommaire pour se justifier ! Et ses discours moralisateurs à tout le monde, équipe comme malfaiteurs, sont assez dérisoires. Surtout celui sur les Camerounais, qu’il entoure d’un racisme sans doute sans deuxième degré, sur la bêtise des autres populations.

Le commissaire Billong chez lui. Capture bande annonce.
Mais c’est aussi le foutoir dans sa vie. Ses idées progressistes se heurtent à une attitude peu ouverte avec ses enfants, qui ne laissent rien passer. Et il a une grande famille, qui va encore s’agrandir. Les aînés s’affrontent à lui. Sa femme aussi. Et ses discours sont perçus comme hypocrites par ses proches, mélangeant à tout va tradition et modernité. On ne sait effectivement pas vraiment où il veut en venir avec ses enfants. Son attitude reste très répressive alors qu’il prône autre chose.

Discussion houleuse en famille. Capture bande annonce.
L’intrigue, tirée d’un roman, est mince. Restent les images de cette ville africaine, sans doute Yaoundé, sa terre rouge, sa misère et la négligence, presque à l’abandon, des structures. Rues anarchiques et bloquées, quartiers de sombres ruelles vaguement bétonnées, ordures qui trainent partout. Même le village d’origine, dont Billong parle avec sa mère, tombe en ruines.

De belles images nocturnes. Capture bande annonce.
Le propos de Thomas Ngijol est vraiment flou. Qu’est-ce qu’il veut nous dire ? Est-ce un discours sur son pays, sur la relation parents-enfants, sur la colonisation qui laisse un état catastrophique ? Tout mélanger n’est pas très efficace. Dommage, le personnage est intéressant, et sa grande silhouette dégingandée à l’écran plutôt réussie. Mais il est passé à côté de son sujet, s’il en avait un. Il a déclaré avoir mis dans son film beaucoup de sa propre vie et de l’histoire de sa famille. Il a insisté sur l’éducation et la transmission aux jeunes. On ne voit pas où ce message va se nicher. On comprend son agacement, sa fatigue, devant les difficultés du pays. Mais on imagine aussi les Camerounais, devant ce constat d’impuissance à changer les choses, plutôt furieux qu’un Européen vienne leur faire la leçon.
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