Enzo, un beau film calme sur une tempête intérieure

Laurent Cantet et Robin Campillo, des complices de toujours, finissaient le scénario d’Enzo lorsque Laurent est décédé. Robin a réalisé le film sans son ami, mais dans la lignée de ce qu’ils voulaient tous les deux. Le résultat est lumineux, délicat, intelligent et passionnant. Plein de la fureur du monde, il parle autant à notre réflexion qu’à notre ressenti en mettant en scène des acteurs rayonnants.

Eloy Pohu est Enzo. Capture bande annonce.

Par Bernard Cassat

Enzo plonge dans le bouillonnement intérieur d’un adolescent en plein désarroi existentiel. Famille, sexualité, travail, avenir, lutte de classe et anxiété du monde en guerre se croisent dans sa tête et affolent tous ses sens et son caractère.

Enzo (Eloy Pohu) vit pourtant dans un milieu très favorable. Fils d’une famille très aisée, il n’a pas accroché à l’école et a choisi de suivre une formation de maçon. Il est pourtant attiré par le dessin et continue à en faire. Ses parents, mère (Elodie Bouchez) ingénieure et père (Pierfrancesco Favino) professeur, aimants et très attentifs à leur fils, vivent dans un cadre idyllique sur les hauteurs de La Ciotat. Mais Enzo ressent très fortement la déception que son choix de faire une formation de maçon apporte à ses parents, surtout son père. Sa mère arrange les angles, mais la relation père-fils est totalement bloquée. Sa seule explication, Enzo l’exprime curieusement. Il veut construire ce qui restera après la mort. Les corps disparaissent, mais pas les maisons. A aucun moment n’affleure l’idée d’une transgression de classe. Il ne choisit pas la maçonnerie pour des raisons politiques.

Les parents d’Enzo, joués par Pierfrancesco Favino et Elodie Bouchez. Capture bande annonce.

A la fin du film, en vacances avec sa famille à Naples, il appelle son ami ukrainien au milieu de ruines romaines, ce qui reste. Tout le scénario est construit sur des rapprochements comme celui-là. Avec finesse, la narration apporte des petites touches pour construire les personnages. Un piquenique dans les Calanques sort les parents de la famille et ils formulent leur contrariété devant le choix du fils. Le père tente plusieurs fois de parler avec lui, mais se contente de ramasser son linge sale pour le mettre dans la machine à laver.

Vlad (Maksym Slivinskyi) et Enzo discutent pendant une pause. Capture bande annonce.

Sur le chantier où Enzo est apprenti, les rapports sont plus rudes. Son patron actuel est pris dans les obligations de l’entreprise, mais reste un homme compréhensif. Et l’amitié qui se développe avec deux ukrainiens pose assez vite à Enzo la question majeure de l’affolement des sens. Vlad lui raconte la situation de la guerre. Beau gosse, il prend dans l’esprit d’Enzo une place de plus en grande. Ce qu’il lui raconte, ses amis tués au front, sa loyauté envers son pays qui va l’appeler, touche Enzo au plus profond, au moment où il ressent les hormones nouvelles de son corps d’ado. Sa copine d’école semble assez attachée à lui. Mais on voit à l’image la distance qu’il garde avec elle, même seuls et presque nus au bord de la piscine. Alors que le corps de Vlad l’attire ouvertement. Celui-ci arrête rapidement une caresse. Ça ne suffira pas. Enzo aura besoin d’une bagarre pour admettre qu’il n’y a pas réciprocité dans le désir.

Pour apprendre les gestes, l’apprentissage rapproche aussi les corps. Capture bande annonce.

Dans chaque domaine, l’entourage d’Enzo répond avec intelligence. Mais ça ne l’empêche pas d’être totalement perdu. Une promenade solitaire et nocturne, très sombre, sur les falaises des calanques, replace Enzo en plein dans ses troubles. On distingue à peine dans l’image sa silhouette soulignée d’un trait de lumière. Il est face aux étoiles, face à l’infinie complexité du monde comme tout adolescent, mais aussi entouré de sa beauté. Sublimes images qui synthétisent sans simplifier.

Seule matière ou Enzo excelle, le dessin… Capture bande annonce.

Enzo refuse tout ce que lui propose l’évidence, l’école, l’éducation bourgeoise comme son frère, l’avenir. Il ne peut pas faire autrement, ce n’est pas une attitude pensée, choisie, mais instinctive. Il trouve chez Vlad des armes pour affronter ce monde plein d’incertitudes. Le film de Robin Campillo capte puissamment le désarroi actuel, et pas seulement celui des adolescents modernes.

 

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