Renforcer le financement des associations: une urgence démocratique ?

Ce mardi, l’amphithéâtre de l’ERTS* d’Olivet affichait complet pour la conférence organisée par le Mouvement associatif sur la situation financière des associations sous le coup des coupes budgétaires voulues par le gouvernement afin de redresser la situation du budget de l’état. Après un point sur la situation des associations en Région présentant les résultats de l’enquête régionale, un intervenant du CESE est venu rappeler la nécessité de repenser le financement associatif dans le cadre européen.

Par Gérard Poitou

Un constat alarmant

Présentation des résultats de l’enquête régionale par Sarah Bourgeade cl GP

On s’en doutait, la situation financière des associations en Région n’est pas bonne, l’enquête du Mouvement associatif auprès de 487 associations en Région qui y ont répondu vient le confirmer en précisant le détail de ces difficultés. L’enquête distingue dans ses conclusions entre les associations employeuses et non-employeuses ces dernières étant évidemment plus impactées par les restrictions budgétaires des collectivités qui touchent indifféremment toutes les associations à des degrés divers. La visibilité de la trésorerie se réduit et les solutions passent le plus souvent par trois choix: réduction d’activité, réduction des investissements, hausse des tarifs, mais le plus inquiétant concerne là encore les associations employeuses qui se voient contrainte de réduire leur masse salariale avec un impact à court terme sur l’emploi. Un véritable plan social semble se dessiner dans les mois à venir qui pourra toucher des milliers d’emplois tous secteurs associatifs confondus. On peut retrouver le détail de l’enquête sur le site du Mouvement associatif.

La dimension européenne

Martin Bobel Cese cl GP

Après ce constat conjoncturel, Martin Bobel, vice président national du Mouvement associatif et représentant de celui-ci au CESE, est venu présenter l’avis du CESE adopté à l’unanimité en mai 2024 “Renforcer le financement des associations, une urgence démocratique”. Ce rapport part d’un constat: la baisse de 41% de la part des subventions dans le budget des associations au profit des logiques marchandes (appel à projets, appel d’offres etc..). Cette diminution conduit les associations à une “gestionarisation” qui dénature leur action et contribue à une perte de sens déplorée par les associations. Comme pour la privatisation des services publics, la logique libérale de l’Europe remet en cause le principe de la subvention comme moyen d’action de la collectivité au service de l’utilité sociale. 

Le rapport du CESE établit un certain nombre de préconisations pour reconstruire le cadre de l’intérêt général auquel contribue très largement la vie associative: peut-on imaginer une société sans association ? Pourtant cette évolution libérale remet en cause la liberté associative au détriment d’une cogestion politique de la dépense publique. Et Martin Bobel d’appeler à une action forte du monde associatif qui regroupe les fédérations des différents domaines de l’action associative pour rappeler le rôle social incontournable du monde associatif et la nécessité de renforcer son financement.

Interview

GP Ne pensez-vous  pas que c’est un peu trop tard ?
Martin Bobel: C’est un peu tard mais mieux vaut tard que jamais. On a deux urgences, on a l’urgence budgétaire et celle-ci,Europe

il va falloir la gérer au mieux. Mais il va falloir que les associations s’organisent sur le sujet de l’infrastructure qui détermine leurs modalités d’action et leurs modalités de financement. 

GP Est-ce que vous ne croyez pas que le monde associatif s’est laissé contaminer par la logique libérale européenne? 

MB Evidemment on a été contaminé, c’est d’ailleurs de ça dont les associations témoignent, c’est qu’elles ont progressivement remplacé des gens qui étaient militants de leur cause, qui dédiaient leur vie pour leur cause par des gestionnaires et qu’il va falloir aussi dans le monde associatif faire un travail de déconstruction des cadres qui nous ont amenés à cette situation. C’est vrai qu’on a beaucoup été poussé pour devenir les meilleurs prestataires de services d’un service d’intérêt général. Cette problématique du marché a petit à petit envahi  le monde associatif et il va être difficile de revenir en arrière mais ce sujet fait toujours débat dans le monde associatif. Pour la première fois de  l’histoire, on a entre 15 et 25 ans de recul sur ce sujet du marché et la quasi-totalité des familles associatives dit la même chose. Donc je pense que c’est l’heure de profiter de ce constat général et collectif pour faire changer les lignes.

GP A quel point l’Europe ne fait pas l’unité sur cette question ?

MB En fait, on a deux opportunités qui sont globalement poussées par des contraintes dont on ne peut pas se réjouir.
La première c’est la montée des populismes en Europe. La montée des gouvernements d’extrême droite et la poussée des parties d’extrême droite en Europe qui inquiète parce que la plupart des parties d’extrême droite européens sont d’abord souverainistes. Et donc clairement l’Europe est inquiète pour sa solidité. Elle était inquiète pour sa démocratie depuis longtemps, mais là elle commence réellement à être inquiète pour sa solidité.Il y a donc un véritable enjeu de ramener la question citoyenne et de ramener la question des activités d’intérêt général en Europe.
L’autre opportunité, qui est aussi une contrainte, c’est la pression économique et la pression de la guerre. En gros, l’Europe se rend compte que sa politique économique, industrielle, est dysfonctionnelle parce qu’elle ne permet pas de préserver des activités en Europe : elle ne lui permet pas d’être protégée des rapports concurrentiels entre Trump et la Chine.

Donc il y a une révision sur fond de pression internationale. Je dirais que c’est le moment de s’y engouffrer pour que l’Europe bouge sur le sujet. Il y a un troisième élément contraignant qui n’est pas encore une vraie opportunité, qui est celui de la politique de la défense.

Aujourd’hui, on coupe  dans les politiques sociales pour financer des politiques de défense. Et là je pense qu’on fait une grave erreur. Si aujourd’hui un pays est résilient, c’est par son tissu social. Ce n’est pas un sujet corporatif d’associations, ça concerne toute la société et il faut en prendre conscience collectivement, il faut donc que ça parte des associations aujourd’hui.

Notre message au monde associatif c’est que il est temps de s’emparer de ce sujet de manière très collective et plus du tout sectorielle. Les associations ont toutes les mêmes problèmes qu’elle soient du milieu du service, de la culture ou du social, elles ont des problèmes similaires.

Propos recueillis par Gérard Poitou

*Ecole Régional du Travail Social

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