Un nouveau Contrat d’Objectifs et de Performance sera présenté au Conseil d’Administration de l’AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes) cette semaine. Les deux tutelles, le ministère du travail et Bercy, font la chasse aux économies et la formation professionnelle n’échappera pas au plan gouvernemental de crise contre les déficits.
Par Philippe Voisin

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Les syndicats puissants et unitaires appellent à un mouvement de grève jeudi 26 juin avec un rassemblement devant le ministère du travail rue de Grenelle à Paris. C’est une note confidentielle révélée par l’Humanité qui a mobilisé les salariés. Ils sont près de 6.000 en France.
On apprend que « l’État prévoit de réaliser 1,4 milliard sur les services publics ». L’AFPA, qui a été transformée en EPIC, Établissement Public Industriel et Commercial en 2017, pourrait perdre sa subvention de 210 millions d’euros. Déjà en grande difficulté économique, le coup pourrait être fatal. Actuellement, toutes les régions sont dans le rouge sauf la Nouvelle-Aquitaine et la Normandie. Tous les emplois CDD sont bloqués. Des plateformes de formation industrielles ou logistiques équipées sont vides. Plus d’accueil téléphonique dans les centres régionaux.
Coïncidence, les grands portraits accueillants qui s’affichaient sur les grilles du château de l’Archette à Olivet ont été décrochés. L’heure n’est plus aux sourires.
“Nous avons fait nos preuves !”
On se demande pourquoi le gouvernement s’attaque à une institution qui a fait ses preuves depuis 1949, date de sa création après la seconde guerre mondiale pour reconstruire le pays en formant des ouvriers du bâtiment et des travaux publics. Aujourd’hui, avec 130.000 bénéficiaires dans tous les secteurs, c’est le premier organisme de formation professionnelle qualifiante. Un audit sur l’efficacité et sur les impacts économiques réalisé l’an passé révèle l’efficience et l’efficacité de l’AFPA. Il conclut qu’elle « génère des recettes importantes à travers un retour à l’emploi plus rapide et plus durable ». Un diagnostic confirmé par la cour des comptes qui reconnait le meilleur taux d’insertion des stagiaires, notamment pour un public éloigné de l’emploi.

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« Nous avons su nous adapter dans des circonstances difficiles, en accompagnant les reconversions comme dans les années 1970, au plus fort du chômage de masse » souligne Fanny Chapuis, DRH de la Direction Régionale Centre-Val-de-Loire qui se fait la porte-parole de ses collègues de l’encadrement, « combattifs et fiers de notre action de service public » ajoute-elle.
L’économie subit des transformations brutales que seul un organisme de formation puissant peut accompagner. « Nous avons fait nos preuves ! »
Mais on se souvient encore de cette période dorée quand la subvention de l’État s’élevait à un milliard d‘euros. Des salariés n’ont pas oublié les rumeurs d’indemnités de départ considérables versées aux cadres démissionnaires et les mauvaises habitudes prises avec l’argent facile. Les mêmes s’interrogent aujourd’hui sur l’utilité d’un siège parisien disproportionné.
Les contrats avec les conseils régionaux ont été réduits de moitié.
François Bonneau, le président de la région Centre-Val-de-Loire est membre du conseil d’administration de l’AFPA. Il se dit très préoccupé par l’avenir de l’organisme : « On ne peut pas prendre la place de l’État ! La formation n’est jamais rentable, c’est toujours un coup pour les collectivités mais on ne peut pas casser cet outil formidable ». Mais que peut-il attendre de son prochain rendez-vous avec la ministre du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet ?
Stéphanie Rist, députée de la première circonscription du Loiret qui soutient le gouvernement, n’a pas trouvé de disponibilité dans son emploi du temps pour évoquer ce problème. Il ne faut pas se mentir, les partis de gauche sont les plus sensibles à la situation de l’AFPA.
Dans l’Indre, tabula rasa.
(avec notre correspondant Pierre Belsoeur)

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2019, Gabriel Attal alors secrétaire d’Etat à la formation est à Châteauroux. Le site de l’AFPA,10 ha, est encore vivant. Il accueille des bâtiments d’hébergement et de formation en maintenance des engins industriels et en transport. Le plateau logistique poids lourds financé par la Région est intégré au centre.
2025, il ne reste plus aucune formation à Châteauroux. L’Etat via Pôle Emploi confie à l’AFPA des formations de trois mois pour le retour à l’emploi. L’association est devenue loueur de bâtiment pour le Greta ou les Compagnons d’Emmaûs dont les locaux d’hébergement ont brûlé en début d’année. On regarde avec désolation le plateau technique de logistique financé à hauteur de 500 000€ par des fonds publics régionaux. Cette période est semble-t-il révolue. Les subventions ont été divisées par 10 et l’Établissement Public doit répondre à des obligations statutaires liées à la concurrence. Aujourd’hui, le rapport entre marchés publics et privés est de 60/40.
Le projet d’implantation du Service National Universel auquel réfléchissait le ministre en 2019 a fait long feu, faute de financement de l’État. Tout comme l’hypothétique Centre de la Deuxième Chance, autre effet d’annonce gouvernemental.
La dette de l’AFPA est colossale et la région n’a plus les moyens de financer la formation des adultes. La vente de son patrimoine immobilier est envisagée pour en rembourser une partie. L’AFPA Châteauroux deviendra-t-elle un lotissement à proximité du centre ville ? C’est l’hypothèse la plus probable, émet l’un des derniers salariés du site Castelroussin. (Ils ne sont plus que deux, ils ont été jusqu’à 60 ! )
Seules deux formations fonctionnent encore dans l’Indre, il s’agit de monteur audio et opérateur video. Des formations financées grâce à un contrat entre l’AFPA et l’INA sur le site d’Issoudun.
Privatisation ?
Dans le pire scénario, des questions majeures vont se poser aux pouvoirs publics. Qui délivrera les certifications nationales des diplômes professionnels que seule l’AFPA est autorisée à délivrer ?
Qui va gérer l’énorme patrimoine foncier souvent mal entretenu faute de budget d’investissement ? 8 ha à Olivet, 10 ha à Châteauroux, 13 ha à Bourges…
Que vont devenir les villages des solutions nouvellement créés pour offrir un accompagnement à 360° aux publics en transition professionnelle ?
Qui va aider les plus éloignés de l’emploi à trouver des solutions pérennes pour leur insertion dans la vie active ?
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