Les producteurs de pommes alertent. Le puceron mauve gangrène la récolte 2025. C’est le cas à Mont-près-Chambord en Loir-et-Cher, l’une des capitales régionales de la pomme.
Olivier Hardouin, président de la FNSEA 41 est très inquiet pour la filière et l’emploi. Crédit photo Jean-Luc Vezon.
Par Jean-Luc Vezon.
Il est huit heures du matin sur l’une des parcelles plantées de Royal Gala de Patrick Croiset à Mont-près-Chambord. Betty Fidalgo, chargée de projets Fruits à la Chambre d’agriculture du Loiret, explique la situation à Patrice François directeur adjoint à la Direction Départementale des Territoires de Loir-et-Cher, et à Gilles Clément maire de Mont-près-Chambord et président de la communauté de communes du Grand Chambord : « Le puceron mauve – dysaphis plantaginea – empêche le cycle de murissement des pommes. Pour s’en sortir, il faudrait éclaircir à la main ce qui nécessite 150 heures par hectare ».
Pour Patrick Croiset et son fils Damien, la présence de l’insecte sur une bonne partie des 5 hectares de surface cultivée va se traduire par une perte d’exploitation de 55 000 € et une menace sur la pérennité de son exploitation. Difficile à absorber pour une exploitation qui réalise 300 000 € de CA(1) et doit faire vivre quatre personnes.
Déjà endettés notamment suite à la mise en place d’une tour antigel et d’un dispositif d’aspersion pour lesquels ils attendent désespérément l’aide régionale(2), père et fils sont acculés. « Nous n’avons pas plus accès aux solutions phytosanitaires et il n’y a pas d’autres solutions alternatives. C’est d’autant plus incompréhensible que nos concurrents belges ou italiens traitent les pommiers avec des phyto Sivanto ou du Movento », tempête l’arboriculteur en dénonçant ces distorsions de concurrence que les pouvoirs publics ont pourtant promis de revoir. « Aucune solution technique efficace n’est actuellement disponible, notamment suite au retrait de l’homologation du Movento. Malgré 6 passages d’insecticides, les molécules restantes se sont révélées inefficaces », précise Betty Fidalgo.
« On nous a dit : pas d’interdiction sans solution mais on n’y est pas. Nous n’avons les moyens de lutter contre les ravageurs de plus en plus nombreux avec le réchauffement climatique. Est-ce qu’on va tenir ? Sans soutien financier de l’état et/ou homologations de produits de traitement, c’est la mort de la filière », redoute Olivier Hardouin, nouveau président de la FNSEA 41 qui demande la mise en place d’un fonds national d’urgence par l’Etat et une politique régionale de soutien à l’agriculture plus conséquente à l’image d’autres régions françaises.
Au bout du rouleau
Alors quelle solution pour les deux exploitants mais aussi la dizaine de producteurs du Loir-et-Cher ? « Nous sommes dans la seringue. La récolte 2025 est foutue et celle de 2026 sera impactée car les arbres sont trop chargés en fruits et le puceron mauve qui hiverne reste présent dans l’arbre », lâche étranglé Patrick qui redoute de ne plus faire face à ses charges. Le spectre de la liquidation le guette, sans parler de gestes désespérés. On sait qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours.
Triste constat, invités par la FNSEA 41, aucun parlementaire(3) ne s’est déplacé, « signe du mépris de la profession par la société en général et les politiques en particulier », assène la FNSEA 41. Guillaume Pelletier (Reconquête), « conseiller départemental fantôme » du canton est lui « aux abonnés absents » depuis son élection, ce que regrette amèrement Gilles Clément, son prédécesseur.
« Nous allons agir pour alerter dans toute la région. Il nous faut de l’aide et que l’ANSES homologue rapidement des produits de traitement. Nous comptons sur vous pour faire remonter à la ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire cette situation dramatique », conclut Olivier Hardouin.
Alors que la société demande des productions saines et locales pour réduire l’empreinte carbone, l’État et la région laisseront-ils mourir une filière de production assurée par des agriculteurs passionnés par leur métier et leur terroir ?
(1) Dont 150 000 € pour les pommes vendues en moyennes 1 € le kilo aux GMS (50 %), à la ferme (25 %) et en tournées locales (25 %).
(2) Qui mobilise des fonds européens du FEADER.
(3) Seul Roger Chudeau (RN) s’est excusé, contraint par un problème médical.
Le puceron mauve bloque la croissance des pousses. Crédit photo Jean-Luc Vezon.
Une filière qui compte
La région Centre-Val de Loire est un bassin historique de production de fruits avec cinq productions majeures : pommes, poires, cerises, noix et cassis. La majorité de la production arboricole est réalisée dans les départements du Cher, de l’Indre-et-Loire et du Loiret. En 2013, la région comptait 236 exploitations pour une surface de 2 330 ha en production. La production de noix se développe surtout dans le Loir-et-Cher. L’arboriculture exige une main d’œuvre conséquente. Elle représentait 4 000 emplois directs en région sur 236 exploitations (2 330 ha).
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