Arab Nasser, réalisateur, nous parle de “Gaza, il était une fois”.

Venu présenter son film Once upon A Time in Gaza mardi dernier aux Carmes, Arab Nasser nous a longuement parlé. Nous lui avons posé des questions sur le film, mais c’est évidemment la situation à Gaza qui a pris le dessus. Son film en parle avec humour, mais le réalisateur, entre colère et résistance, ne pouvait s’empêcher de parler politique.

Osama et Yahya dans la boutique de falafels. Photo Dulac.

Par Bernard Cassat

Le générique de Once Upon a Time in Gaza, un enterrement dans les rues, avec une foule qui pleure en portant un cercueil sur une superbe musique très Morricone, nous met dans l’ambiance. On se dit film de mafia transposé dans Gaza en 2007. Mais soudain, cut violent, écran télé et deuxième générique d’un film qui s’appelle Le Rebelle, avec un terroriste qui arrête un 4×4, puis fusillades, puis gros plan sur le héros qui enlève son turban avec un sourire à la soviétique. Et puis le premier film reprend ses droits et l’histoire commence.

Le Rebelle, film dans le film. Photo Dulac

Arab Nasser indique clairement son inspiration de départ. « Oui, Sergio Leone, un western transposé ici, à Gaza. De plus, le ministre de la culture en 2007-2009 avait décidé de faire un film d’action à Gaza, basé sur une histoire vraie. On a donc repris l’idée. » Et les quelques séquences du film Le Rebelle que l’on voit dans le film d’Arab Nasser font penser à de la propagande. « Non, reprend Arab. On n’a pas besoin de propagande. On croit en nos droits. Dans mon film comme dans le Rebelle, on recrée de la réalité. Il y a de la vie, de vrais caractères qui existent ici, des martyrs. On parle de la vraie vie, noire, difficile. Dans les deux films, les personnages ont le même mode de vie. Ils acceptent des choix qui ne sont pas les leurs. Ce ne sont pas leurs rêves, pas leurs ambitions. »

Choisir est un acte de résistance

Effectivement. Yahya, le vendeur de fallafels, explique à son patron et ami qu’il va arrêter de dealer parce que ce n’est pas sa vie. Osama comprend, et précise « parce que tu crois que c’est la mienne. Que c’est mon choix ? » Et quelques images plus loin, après un défoulement de danse qui brise la lourdeur de cet instant, du décor, de sa vie, il est tué par le policier corrompu, le ugly, le truand. « Depuis que nous sommes sous occupation, on a plus que jamais le devoir de montrer notre oppression. On n’a jamais le pouvoir de choisir, ils décident pour nous, tous. L’UE, les Arabes, les Israéliens, tous. On n’a le choix de rien. Ce n’est pas normal, et ce n’est pas légal non plus. Aucune loi ne peut permettre cela. »

Le flic corrompu, le truand. Photo Dulac

Arab Nasser insiste. « Tout le monde est en résistance. Quand ma mère nettoie la maison, elle est en résistance. Quand mon père va chercher tous les jours des bidons d’eau, il est en résistance. C’est pour ça qu’on continue. » Mais tout le monde porte l’oppression et ses blessures. Osama, au début du film, va voir le médecin pour obtenir une ordonnance de pilules qu’il va dealer ensuite. Et il raconte qu’il porte en lui les traces de toutes les escalades de la violence, depuis l’intifada. Comme tous les Gazaouis. « On ne peut pas couper l’histoire et repartir à partir d’octobre 23. Non. C’est une histoire complète, commencée il y a longtemps, dont on parle. Chaque jour, c’est pire que la veille. »

De l’humour et de l’intelligence, et pourtant…

La manière d’Arab Nasser de parler de son pays, c’est le cinéma, la fiction, dans laquelle il met beaucoup d’humour et d’intelligence. « Il y a trop longtemps que l’on souffre. Il faut trouver les moyens de dire une histoire douloureuse en faisant sourire. » Pourtant Arab a en lui une immense colère. Mais aussi, « d’une certaine manière, ça me fait rire. C’est le langage de Gaza. Pour vivre, on a besoin de rendre tout ça plus facile, de regarder la réalité avec humour, parce qu’il y a trop longtemps que l’on souffre. »

Le tournage du film dans le film. Photo Dulac

Ses films précédents (Gaza mon amour, Dégradé) étaient construits plus classiquement. Mais ce dernier est fait « à l’image de la vie plus qu’en suivant des règles de cinéma. Les personnages sont proches de gens bien réels. Mes amis, mes frères. Il y a quelque chose d’eux dans le film. Ils rêvent tous. » Mais Arab et son frère Tarzan restent malgré l’urgence du message, malgré tout le malheur accumulé, des cinéastes dans l’âme et Palestiniens avant tout. « Je pense que vous ne cernez pas vraiment ce qui se passe là bas, le génocide. Vous voyez de petits reportages, les infos à la télé. Mais ils tuent les enfants, ils tuent les journalistes, les docteurs. La situation réelle, vous ne pouvez pas l’imaginer. »

Arab et Tarzan Nasser photographiés à Cannes par Harald Kirchel. Photo Wikipedia/Kirchel

Et même si Trump, cité au début du film, déclare que « ça pourrait être si magnifique sans les Palestiniens », le film se termine sur ce qu’ils croient tous. « Ça va finir », ils en sont persuadés. Le cauchemar va finir, l’horizon ne sera plus un mur. Avec son look de Pirate des Caraïbes, Arab Nasser joue magnifiquement à mélanger la réalité et la fiction. Parce que pour résister, il choisit d’avoir le choix.

 

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