Placé sous le thème de la Nouvelle-Orléans, le Grand PianO Festival a gardé son ADN : du piano classique, moderne, jazz ou autre, des lieux dispersés dans la ville et des invités exceptionnels. Le temps comme le public a répondu présent. Nola largement célébré, la Place de Loire soudain Trémé le temps d’une fabuleuse parade.

Victor Campbell, le Cubain de la Nouvelle-Orléans. Cl Marie-Line Bonneau
Par Bernard Cassat, photos Marie-Line Bonneau.
Vendredi Campo Santo, 18h30. Moitié vide au soleil, moitié pleine de spectateurs à l’ombre, la pelouse s’apprête à une longue soirée. Victor Campbell se démène au piano. Avec une énergie magnifique, dans un costume tout droit venu des Caraïbes, le Cubain très néo-orléanais swingue en lançant de grands sourires. Ça balance vraiment bien, surtout quand son ami James Andrews vient souffler dans sa trompette. Magnifiques musiciens et joyeux déconneurs, ils ont donné l’élan pour la soirée.

Baptiste Trotignon Cl Marie-Line Bonneau
Baptiste Trotignon a commencé par une ample mélodie solidement étayée par la main gauche, une musique comme il aime en jouer, pleine de technique discrète et de sensibilité qui éclate. On n’est jamais perdu, on le suit dans les méandres de son instrument qu’il possède à merveille. Il aborde Ravel (Pavanne) ou les Beatles, mais en les réécrivant. Il connait la musique sur le bout des doigts, finit par une impro incroyable, sorte de patchwork de petites citations de chansons ou de grands noms du jazz, trois notes de Brel ou deux de Monk. Formidable.
On le réentendra dans l’hiver avec son ami Arthur Teboul.
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La longue silhouette d’Ayo s’est profilée sur scène. Femme engagée, bavarde, elle s’est montrée comme en elle-même, voix douce mais ferme, musique structurée mais fluide. Elle nous raconte sa vie, ses choix, et ses messages vont droit au cœur. Elle s’est un peu éloignée du reggae de ses débuts, mais en garde quelques accents. Femme mondialiste, elle chante vraiment notre époque, d’heureux mélanges d’influences avec un ton personnel très affirmé. Elle nous a fait magnifiquement entrer dans la nuit.
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Et puis ce fut le show de l’Impératrice. Une batterie en hauteur, comme un autel d’une cathédrale de spectacle. Ils sont entrés les uns après les autres, cinq musiciens et la chanteuse à la fin, avec leurs points lumineux et des cascades de lumières derrière eux. Le batteur tout en haut, grand ordonnateur de cette musique inclassable, et son ami bassiste, constamment présent. Dans des effets grandioses de lumières, ils ont déroulé leur répertoire déjà bien connu. Flore Benguigui est partie avec sa légèreté et sa malice, remplacée par La Louve, plus agressive, plus rock. Musique du corps, qui rentre partout (95 décibels minimum !), ça dansait sur la pelouse. Peu de piano, mais beaucoup de fête.
Un carton plein pour cette soirée de festival. Musique au top, temps superbe, public au rendez-vous. What else ?

Victor Campbell, Place de Loire. Cl Marie-Line Bonneau
Samedi, soirée Nola sur la place de Loire. Victor Campbell a de nouveau donné le départ avec un set enthousiasmant. Très jazz d’abord, puis éclectique, s’amusant avec ses touches et ses diverses influences. Mais surtout dans une liberté réjouissante, passant du jazz au funk puis à la samba. Et quand, comme hier, James Andrew arrive et qu’ils se lancent tous les deux dans un classique de chez classique de la Nouvelle-Orléans, on croit entendre Satchmo dans ses grands éclats de rire. Ils sont adorables, tous les deux, et on se dit que ces musiciens accomplis ont un rapport au public qui n’existe pas en Europe. Grande liberté et proximité, ça marche !
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Sarah McCoy a pris la relève. L’Américaine qui a roulé sa bosse notamment à Nola a lancé son grand rire et ses doigts sur les touches. Gouailleuse, outrée, puissante mais pleine de failles, elle tourne autour du blues et de son spleen. Le sien ressort souvent, dont elle se moque par défi. Très rock parfois, quand elle abandonne le clavier et se lance au devant de la scène, sa prestation est toujours impressionnante. On se souvient d’elle il y a quelques étés au Campo Santo. Elle ravit toujours autant.

Pezet au chant et à l’accordéon, en leader de Cocodrile Gombo. Cl Marie-Line Bonneau
Cocodrile Gombo et son « bayou funky blues » ont pris la scène. Les locaux de l’étape se sont laissés posséder par l’esprit malin de la Louisiane. Comme toutes les musiques folkloriques du monde, on s’y retrouve vite. Musique pour danser, mais aussi, puisqu’elle est proche du blues, pour raconter les malheurs. Magnifiques envolées de Janjou en guitare héros, soutient indéfectible de Petit au sousaphone, Fred Pezet a lancé ses complaintes et conquis l’auditoire.

cl Marie-Line Bonneau
En fin d’après midi, une incroyable parade s’est mise en route au musée d’Orléans. Big Chief Darryl Montana a entrainé la Nola First Connection, dirigée par l’inénarrable James Andrews, dans les rues d’Orléans, comme pendant un mardi gras à Trémé ou au Carré français. Une pêche d’enfer dans cette fanfare parisienne de sept cuivres et deux percus, que le trompettiste dirigeait avec humour. Ça résonnait rue Parisie, puis le cortège est arrivé Place de Loire. Un très grand moment follement entraînant.
Et les RedFish ont clôturé le festival. Nouveau groupe orléanais de musiciens bien connus, autour de Baptiste Dubreuil aux claviers, Sacha Gillard à la clarinette basse, David Sevestre au saxo. Ils ont proposé un jazz rattaché à la Nouvelle-Orléans, festival oblige, mais aussi des morceaux intenses de jazz moderne, c’est-à-dire élaboré, avec des dialogues d’instruments et des envolées collectives vers les hautes sphères du plaisir musical. Une magnifique clôture par ce groupe à suivre.
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