Bernard Lanchais prenait les jouets au sérieux

Le grand designer castelroussin vient de disparaître dans une quasi-indifférence. Ses jouets sont pourtant vendus dans le monde entier… où il ne passait pas inaperçu.

Bernard Lanchais et le fameux Bubble Go dont 800 000 exemplaires sont éparpillés dans le monde entier. (Photo Pierre Belsoeur)


Par Pierre Belsoeur.


Nul n’est prophète en son pays. Bernard Lanchais vient de vérifier l’adage, ou plutôt ne s’est pas étonné de voir le nombre de chaises vides de l’église Saint-André, enfermé qu’il était dans le cercueil où l’avait conduit l’abominable maladie de Charcot. C’est pourtant un Berrichon illustre que l’on a porté en terre. Ils ne sont pas si nombreux les concepteurs de jouets qui ont passé des contrats avec la firme Walt Disney ou avec Smoby, le premier constructeur de jouets français. Bernard Lanchais en a créé pendant cinquante ans, des jouets. Sans quitter l’Indre, sauf pour parcourir le monde des salons spécialisés où il était connu comme le loup blanc. États-Unis, Chine et un peu partout en Europe, ce qui sortait des Ateliers Bernard Lanchais était une référence et donnait lieu à des contrats d’exclusivité.

16 millions de jouets

Tout cela sortait de l’étage d’un immeuble de Châteauroux où le créateur avait installé ses collaborateurs. Il avait inventé la formule « Vivre et travailler à l’étage » puisque son appartement se trouvait au milieu des studios transformés en ABL (Ateliers Bernard Lanchais). Né en 1950, Bernard a eu un parcours linéaire vers la création. Il fit ses « Humanités » au lycée Jean Giraudoux de Châteauroux, passa dans le Haut Berry pour entrer dans le monde de l’Art (École nationale des beaux-arts de Bourges), avant d’intégrer l’École supérieure de design industriel Camondo à Paris. Et puis, vite fait bien fait, dès 1971, il créa son premier jeu. Pour Hachette s’il vous plaît. Toutefois, le jeu « Les Bandes dessinées » sous contrat avec Hergé, trois ans plus tard, fait décoller sa carrière puisqu’il en sera vendu 800 000 exemplaires.

Pionnier de l’impression 3D

Dès la fin des années 80, Bernard Lanchais a compris l’utilité de l’invention américaine de l’impression en 3D. Une aubaine pour un designer de modéliser immédiatement les pièces de ses nouvelles créations. Une nouveauté qui n’est certainement pas étrangère au développement de toute une gamme de jouets destinés à l’éveil de la motricité. Il s’agissait de faire utile, joli et de garantir une sécurité totale. Pourtant un jouet ABL débutait toujours avec un crayon et une feuille de papier. Les anciennes maquettes ABL étaient constituées d’une mousse rigide dans laquelle les designers et modélistes sculptaient les futurs objets. C’est d’ailleurs dans cette matière qu’a été créé Bubble Go arrivé sur le marché en 2001 et qui a remporté le Grand Prix du jouet. Mais ce porteur modulable, produit vedette d’ABL, a connu deux nouvelles versions en 2010 et 2016 et cette dernière a reçu le label du design 2016.

« L’avantage avec les imprimantes 3D, expliquait-il l’an dernier à Yvan Bernaer, avec qui il a écrit le livre « Les Jouets de votre enfance »(1), c’est de pouvoir réaliser des formes plus fines que celles obtenues avec les méthodes anciennes. C’est aussi de pouvoir ajuster les pièces facilement. »

La maladie a cassé le jouet

Le sort a pourtant été sévère avec celui qui s’est efforcé toute sa vie de faire naître des sourires sur les visages des enfants. Voici quatre ans, Bernard a commencé à ressentir les premiers problèmes articulaires. Il a lutté, sans se plaindre contre l’engourdissement neuronal de son corps ; l’esprit restait vif, mais les gestes ne suivaient plus. Il a espéré un traitement miracle, inventé aux États-Unis, mais la maladie est allée plus vite. On ne sait toujours pas guérir la maladie de Charcot.

Ses jouets ont permis à nos enfants d’apprendre la vie, source d’imagination et d’imitation. Et si la marque ABL figure toujours dans les rayons de magasins de jouets, Bernard Lanchais fut et demeure « un méconnu familier ».


(1) « Les jouets de votre enfance » est publié par les éditions La Bouinotte qui nous ont donné l’autorisation de reproduire quelques illustrations contenues dans ses 120 pages (29€)


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Commentaires

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  1. Il continuera à vivre d’une certaine manière dans les jouets que nos enfants utiliseront de moins en moins à cause des écrans…

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