Samedi 5 juillet, en journée de clôture du festival Les Nouvelles traversées de l’Abbaye de Noirlac, à Bruère-Allichamps dans le Cher, l’ensemble orléanais de musique ancienne La Rêveuse a créé « Tempus Fugit ». Ravissement vif et temps suspendu.
Faste du costume en lever de rideau. Photo JDB.
Par Jean-Dominique Burtin.
Douce performance musicale dansée et théâtrale
Il y avait foule ce samedi après-midi sur les gradins du Dortoir des convers de l’abbaye pour assister à la nouvelle création de
La Rêveuse. Cette dernière est passée comme un songe dans ce merveilleux cadre cistercien. À n’en pas douter, toutes les planètes étaient alignées pour le succès espéré et attendu : beau temps, ombre pourvue de fraîcheur pour les visiteurs de l’abbaye qui, après s’être enchantés des atours du site – à savoir cellier, cloître, église abbatiale, chauffoir, réfectoire, jardins de Gilles Clément, fabuleuse allée des tilleuls, arbres remarquables plantés après la Révolution – ont pu profiter de ce délicieux et piquant nouveau spectacle de La Rêveuse.
De fait, au Dortoir des convers, l’une des scènes du festival à la belle acoustique et à la superbe charpente en chêne du début du XVIIIe en berceau plein cintre, La Rêveuse, ensemble orléanais de musiciens virtuoses, radieux et innovants de poésie, nous a offert l’un de ses tours les plus enjoués faisant appel à la musique ancienne, à la ravissante performance théâtrale, à la danse, à la chanson. Une petite allusion au rock s’ajoute aux œuvres de Marin Marais (Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont), Buxtehude (Passacaille), Purcell (Cold Song) et Desmaret.
Surprises et plaisir d’artistes agissent comme un filtre
En guise d’instruments précieux à la précision d’horloger évoquant la fuite et le cours du temps, voici violon, théorbe, viole de gambe, percussions à peau, bols japonais, psaltérion. Tout ce collège d’instruments contribue à un spectre musical enchanteur et cyclique. Dans ce spectacle, délicate ronde de surprises, une vidéo piquante de beauté et à l’humour délicieux ne peut que captiver. Place ainsi au détournement évolutif et subtilement humoristique de la toile Le Printemps, de Botticelli. Il s’agit d’un grand halo de personnages animés, d’une projection servant de fond de scène au spectacle. À noter que les Grâces de la toile à la finesse féerique céderont même, un court instant, la place à la Marilyn Monroe d’Andy Warhol !
Lorsque Marilyn vampe Botticelli. Photo JDB
Ce samedi, toujours sur la scène de l’espace du Dortoir des convers, belle place est offerte à la danse de cour emplie de charme et d’élégance, ainsi qu’à des envolées contemporaines interprétées par un danseur funambulant avec bonheur et arabesques, en des costumes de facture luxuriante, riante ou résolument humble de neutralité, sur le fil des mélodies. Sa belle apparition est, du reste, magique et fastueuse, évoquant
le Ballet du temps dansé par Louis XIV dans la salle des gardes du Louvre en 1654.
Fluide habilement déroulé de scènes charmantes
Ici, La Rêveuse, ensemble de musiciens de talent, mimes sonores offrant une piquante et dansante pièce d’appeaux inattendue, enchaîne de manière fluide, une petite heure durant, des scènes évoquant heures minutes secondes saisons et univers. À l’issue de toute cette savante, précautionneuse, souriante et talentueuse comédie poétique, un petit tour de cabaret ponctue cette création avec la chanson. Sitôt que le coq chante je chante aussi”, un régal pour point d’orgue par ailleurs donné en rappel.
En la salle capitulaire de l’abbaye, à l’issue émouvante de la première du spectacle, une chaleureuse rencontre s’est tenue entre l’équipe artistique et le public. En aparté, David Sanson, responsable des rencontres de Noirlac et
Florence Bolton, directrice artistique de La Rêveuse, soulignant le début enthousiaste d’un compagnonnage artistique de trois ans, évoquent la possibilité d’un prochain programme qui devrait voir le jour en 2027. La Rêveuse devrait ainsi y faire œuvre avec Grégory Jolivet, grand maître de la vielle à roue en Berry et au-delà. Tous s’appuieront sur des œuvres baroques mais aussi sur du Bartók et du Piazzolla et du Vincent Bouchot, ce dernier s’employant avec passion à composer pour des instruments anciens à forte contrainte.
Dans ce futur programme devrait ainsi percer, comme dans Tempus Fugit et d’autres créations de La Rêveuse ouverte à tous les arts, un sentiment musical en prise sur notre monde, sur l’urgence climatique, sujet par ailleurs central pour Noirlac situé en milieu naturel sensible. Par conséquent, voici que s’affirme une fois encore, outre l’art de servir à merveille le patrimoine musical, le souci de magnifier le rapport de la musique ancienne et du sociétal. Ainsi évolue un ensemble de musique à l’imagination féconde et toujours en prise sur l’art et l’air de notre temps. Avec talent, invention, et une présence chargée du plaisir de la transmission.
En savoir plus :
L’équipe de Tempus fugit
Pierre-François Dollé, danse
Cyrille Métivier, violon
Florence Bolton, viole de gambe
Benjamin Perrot, théorbe
Michèle Claude, psaltérion et percussion
Conception : Florence Bolton, Benjamin Perrot, Pierre-François Dollé, Vincent Bouchot
Chorégraphies, danse baroque et contemporaine : Pierre-François Dollé
Mise en scène : Vincent Bouchot
Création musicale originale : Vincent Bouchot
Création vidéo et scénographie : Antonin Bouvret
Création lumière et régie : Stéphane Bottard
Collaboration artistique : Didier Girauldon, Constance Larrieu
Musiques baroques de Marin Marais, Henry Desmarest, Dietrich Buxtehude, Henry Purcell
Ce spectacle sera entre autres repris le 23 janvier 2026 dans le cadre de la programmation de la Scène nationale d’Orléans.
Plus d’infos autrement :
« Tempus fugit », le nouveau spectacle de La Rêveuse