Après une conférence de presse devant les grilles, après un carnaval à quelques encablures, après un brasero nocturne devant le château, y’a pas à dire, en attendant l’ouverture du collège hors contrat et du lycée qui va avec, le domaine de Chalès est « the place to be » solognot du moment. Et encore c’était avant que de nombreuses associations et personnalités signent une lettre ouverte aux instances de l’État pour s’opposer à l’ouverture de la future structure pédagogique.
En mai dernier, une manif devant les grilles du domaine avait rassemblé des opposants au projet. Photo Magcentre
Par Fabrice Simoes.
Le domaine de Chalès, à Nouan-le-Fuzelier, n’en finit pas de faire parler de lui. Certains n’en pensent que du bien. Certains n’en disent que du mal. D’un côté on se flatte du festif. De l’autre on s’inquiète d’une appropriation culturelle un peu trop marquée à la droite de la droite. Par exemple, Chalès est « un investissement majeur de plusieurs millions d’euros pour la Sologne pour créer un lieu de vitalité pour nous tous » pour l’un de ses fervents supporters alors que pour d’autres Chalès est un projet où « ce qui se prépare ici est une école qui a pour objectif de fabriquer des cadres pour l’extrême droite ». Ni plus, ni moins, et d’ajouter : « Nous voulons une autre Sologne que celle que ces milliardaires ont décidé de construire à notre place… »

Un carnaval a été organisé voilà quelques semaines par le collectif Luttes Locales Centre. Photo CLC
Parce que les soirées de barbecues de sangliers, de cerfs et autres, les huîtres et le blanc bien frais, un soir d’été, ça peut faire la maille mais ça fait pas le tout. Même avec un orchestre et une organisation de qualité. Comme l’a si bien écrit l’un des maires du canton d’à côté de Nouan-le-Fuzelier, après une participation à un raout plus ou moins gastronomique au son des cors de chasse, « Chalès, c’est aussi et surtout une école qui ouvrira ses portes à la rentrée : l’Académie Saint-Louis. Un collège et un lycée, dans un château. Quel rêve ! » Sauf que si c’est un rêve pour les uns, à 14 000 balles quand même, c’est la vision d’un cauchemar éveillé pour les autres. Voilà quelques jours, juste avant le rendez-vous républicain et laïque de la fête nationale, une trentaine d’organisations et plus de 160 personnalités ont signé une lettre à destination du recteur, du préfet, et du procureur de la République de la région pour exiger qu’ils s’opposent à l’ouverture de l’Académie Saint-Louis sur le site solognot. Parmi les signataires : des représentants syndicaux, des associations, ou des élus comme Nicolas Sansu (PCF), Charles Fournier (Écologiste et Social), Christophe Marion (Ensemble pour la République), Marcellin Nadeau (GDR) ou le président de la Région François Bonneau et le maire de Blois Marc Gricourt. La structure serait le premier des internats catholiques, à la rentrée 2025, réfléchi par le milliardaire Pierre-Édouard Stérin fondateur des coffrets-cadeaux Smartbox qui ont fait sa prospérité.
Formation idéologique plutôt qu’instruction et pédagogie
Que le principal instigateur du projet soit un ultraconservateur anti-IVG, assez réceptif à la méthode Trump, exilé fiscal en Belgique et soit « au cœur d’une enquête sur le financement illégal de candidats du RN » selon Le Monde, n’est pas la raison première de cette levée de boucliers. Qu’il souhaite que sa fortune soit au service de ses idées, « le redressement de la France et de la promotion du Christ », entre autres, non plus. Un peu quand même. Que nenni, les associations, syndicats ou politiques sont montés au créneau pour protester « au nom de la protection de la jeunesse et du caractère non scolaire de cet établissement, au nom du respect des principes fondamentaux de notre République, au nom des intérêts fondamentaux de la Nation ». D’autant que les signataires ne manquent pas de souligner l’aspect réglementaire du futur établissement scolaire qui « doit se soumettre aux lois et règlements de la République, même pour un établissement privé hors contrat ». Ils ne manquent pas de faire remarquer que « force est de constater que ce n’est pas le cas ». Ils rejoignent ainsi l’auteur des Nouveaux seigneurs, le journaliste Jean-Baptiste Forray, qui écrivait dans son livre que la Sologne était « le laboratoire du séparatisme des ultrariches ».
Derrière le paravent transparent d’une éducation « catholique » se cache la volonté d’un retour à la morale, et la création d’une élite bien propre sur elle, bien dans le moule, costume-cravate, doigt sur la couture du pantalon. Un élu basé en Sologne, totalement immergé dans les fonds baptismaux de l’école de la République, s’en est d’ailleurs enthousiasmé : « Ici, en Sologne, les projets sont bien réels, et bien vivants. Et ils ont du sens, pour transmettre et valoriser notre art de vivre. Vive la Sologne ! Vive l’esprit français qui ne s’éteindra jamais ! » Alléluia et toutes ces sortes de choses…
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