Le CDN d’Orléans au Festival d’Avignon avec Affaires familiales

La directrice du Centre Dramatique d’Orléans, Émilie Rousset, a frappé très fort avec « Affaires familiales », spectacle issu de témoignages réels et retransmis sur le plateau théâtral. Plongée au cœur de la justice familiale, dans un dédale d’invraisemblances judiciaires.



Par Bernard Thinat.


Il y en a qui font théâtre de rien, et qui au final rendent un spectacle où il n’y a rien ! Toute autre est la démarche d’Émilie Rousset, directrice du Centre Dramatique national d’Orléans, laquelle après avoir réuni une série de témoignages sur un sujet qu’on nomme communément sociétal, les restitue pour en faire théâtre.

La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, située de l’autre côté du Rhône, face à la cité papale, est quasiment un havre de paix en ces temps de festival, de foule et de canicule, à l’ombre des hauts murs érigés à partir de l’élection pontificale d’Innocent VI en 1352. C’est cette Chartreuse qui accueille en résidence des artistes, que Tiago Rodrigues, le directeur du festival, a proposée à Émilie Rousset pour présenter sa dernière création, « Affaires familiales ».

Affaires familiales – Photo Christophe Raynaud de Lage


Le public orléanais avait, en mai dernier, découvert « le Procès de Bobigny : reconstitution », faisant revivre l’affaire de 1972 qui entraîna trois ans plus tard, le vote de la loi Veil légalisant l’Interruption Volontaire de Grossesse. Le public orléanais – du moins celles et ceux qui ne se satisfont pas d’un théâtre traditionnel, mais on sait que la tradition, y compris dans le domaine théâtral est chère à une certaine petite bourgeoisie orléanaise – avait découvert cette forme de théâtre propre à la metteuse en scène, un théâtre qui rompt avec la norme habituelle où les artistes sont sur le plateau et le public en face, de l’autre côté de ce qu’on appelle le 4ème mur.

Dans « Affaires familiales », si Émilie Rousset ne brise pas le rapport entre artistes et public comme dans le Procès de Bobigny, elle utilise le système bifrontal qui met le public face à lui-même, les artistes se situant au milieu, pris en tenaille d’un côté comme de l’autre par spectateurs et spectatrices.

Affaires familiales – Photo Christophe Raynaud de Lage


« Affaires familiales » regroupe des procès concernant la famille, le code familial, la parentalité des pères et mères, le mariage hétéro et homo, PMA et GPA, rôles des policiers, juges, avocats, experts, au travers de témoignages multiples qu’Emilie Rousset est allée chercher en France, Espagne, Portugal et Italie, chez des avocats, avocates spécialisées en droit de la famille, ainsi qu’auprès de pères ou de mères. Pour les restituer sur le plateau par une équipe de sept artistes au talent fou. Et les deux heures quinze provoquent un choc autant artistique qu’émotionnel et politique.

Sans tout révéler, un mot sur la dernière affaire du spectacle, celle qui a connu son épilogue judiciaire en janvier 2025. Une femme, après des violences conjugales avait, lors de son divorce, été condamnée aux torts, à la fois par la juge aux affaires familiales, en appel et en cassation, au motif qu’elle refusait à son mari, toute relation sexuelle, alors que la notion de devoir conjugal n’existe pas dans le Code civil napoléonien. Donc, c’est la Cour Européenne des Droits de l’homme qui, après trois années de réflexion, a condamné la France et donné raison à cette femme. Il y a donc aujourd’hui jurisprudence.

Lors des saluts à la Chartreuse – Photo B.T.


On peut alors se demander pourquoi en France, la question du « devoir conjugal » n’est jamais apparue dans les débats du Parlement, dans un pays qui en 50 ans a légalisé l’IVG, aboli la peine de mort, créé le Pacs, le mariage homosexuel, la PMA y compris en dehors des couples hétéro. Mais évoquer ce qu’il y a de plus intime dans un couple, ah non ! On aura attendu l’avis de la CEDH.

Standing ovation à l’issue de la représentation.

Lors d’une tournée en France, le spectacle s’arrêtera au théâtre d’Orléans du 3 au 12 décembre.


Plus d’infos autrement :

Au Festival d’Avignon, « Affaires familiales » d’Émilie Rousset encensé par la critique

 

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