En passant par Avignon #3 (fin)

Près de 1 800 spectacles (IN + OFF) différents laissent le choix au public sillonnant les rues avignonnaises, où l’on croise festivaliers, visiteurs d’un jour, et le soir avignonnais et avignonnaises résidant extra-muros et qui malheureusement ne mettront jamais les pieds dans une salle de spectacle. Raisons financières et probablement culturelles. Quelques idées pour les programmateurs de notre région.



Par Bernard Thinat.


« Prière aux vivants » de Charlotte Delbo

Marie Torreton a puisé dans les écrits de la résistante communiste, arrêtée en 1943 et partie vers Auschwitz dans « le convoi des 31 000 » dont 230 femmes, lesquelles revinrent 49. Elle écrira 6 livres pour raconter l’innommable. Plus tard, elle achètera une maison de campagne dans le Loiret, une ancienne gare, dans le Gâtinais.

Marie Torreton, dans Prière aux vivants – Photo Thomas O’Brien


Deux parties dans le récit de Marie Torreton, seule en scène : l’arrivée à Auschwitz, la faim, la soif, les femmes mortes qu’on traîne sur des civières, l’appel quotidien, la solidarité entre femmes, l’attente, toujours l’attente… Puis une seconde partie où après un passage dans un camp agricole où elle se procure auprès d’une jeune gitane, un exemplaire du Misanthrope, son transfert à Ravensbrück et la libération le 23 avril 1945.

Beaucoup d’émotion se dégage du récit de Marie, lors de la première partie. Bien que le spectateur, trop habitué aux informations abominables en provenance d’Ukraine, du Soudan, et surtout de Gaza où le génocide se poursuit quotidiennement et inlassablement dans le silence des nations européennes, finisse par ne plus s’émouvoir devant ces récits atroces. Et c’est sans doute cela le plus terrible.

« Album » de la Cie Lela (Bourges)

Sur le plateau, Laurent Sauvage, un des plus grands acteurs de sa génération. Lola Molina, une des deux directrices artistiques de la Cie, lui a remis ce texte lumineux que l’artiste nous livre de sa voix grave, sur fond musical rock, dans une mise en scène de Lélio Plotton.

C’est l’histoire d’un homme qui pourrait être Laurent Sauvage lui-même, qui rencontre à Berlin Est une jeune femme refusant de lui parler. Plus tard, ils affronteront physiquement les fascistes dans la rue, elle disparaîtra dans un incendie quelque part en forêt, une mésange l’accompagnera et au final, il se produira dans son dernier concert rock. Magnifique !

Laurent Sauvage, dans Album – Photo B.T.

« Mon père cet arabe » de et par Linda Chaïb

L’artiste évoque la mémoire de son père, mort de l’amiante, méprisé de tous y compris du médecin, ne revendiquant jamais rien, « on n’est pas chez nous » disait-il, et elle de répliquer « Et quand ils étaient chez nous, ils ne réclamaient rien ? ». Neuf enfants dont cinq filles, elle ne parlera que de ses sœurs rusant pour sortir le soir, avouant à son père qu’elle ne croyait pas en dieu. L’émotion vous prend à la gorge… Par la Cie « El Ajouad ».

« La Jeune fille et la mort »

D’un quatuor de Schubert. Un avocat reçoit chez lui un médecin. Son épouse pense reconnaître la voix de celui qui l’a torturée et violée quinze ans auparavant, lors de la dictature des militaires en Amérique du Sud. La suite sera glaçante, terrible, les non-dits entre les deux époux vont exploser. Performance exceptionnelle de la femme, l’artiste Isabelle Matras. Par la Cie toulousaine « L’espace d’un moment ».

De la danse aussi en Avignon

« Fragment(S) » par la Cie « c-jay art » basée en Auvergne, est une création chorégraphique de Jade Janisset mariant danse contemporaine et hip hop. Ils et elles sont huit sur le plateau, en parité, agités de tremblements en cascade par moments, c’est à une véritable tornade chorégraphique à laquelle le public assiste, médusé par tant de virtuosité. Ovation finale !

Quant aux Goguettes en trio mais à 4, tout le monde ou presque connaît. Superbes en concert !

Dans « L’Art d’avoir toujours raison », deux artistes/universitaires analysent les discours des politiques, leurs affiches, et expliquent aux spectateurs et spectatrices qui voudraient se présenter à une élection, comment gagner. C’est absolument jubilatoire.

Au cours du spectacle, ils demandent au public de leur livrer les mots qui seront lors des prochaines présidentielles, les thèmes favoris des candidats : tout y passe, de l’éducation à la santé, de l’immigration à l’insécurité, des impôts à l’écologie. Tous les thèmes ont été criés par la salle, tous sauf un : la culture ! C’est triste, mais c’est ainsi !


À lire :
Détour par le Festival d’Avignon #2

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