Greffe fécale : traitement d’avenir ou dangereuse mode ?

La transplantation de microbiote fécal (TMF) connaît ces dernières années une popularité grandissante et suscite un intérêt considérable tant dans la communauté scientifique que parmi le grand public. La greffe de selles laisse-t-elle entrevoir de réels bénéfices thérapeutiques ou s’agit-il d’un phénomène de mode sans fondement scientifique solide  ?

Transmettre des matières fécales d’un individu en bonne santé à un patient malade, une idée qui trace son chemin. ©Pixabay


Par Jean-Paul Briand.


Le corps humain est un écosystème complexe. Il abrite des milliards de micro-organismes, dont une part considérable réside dans notre intestin. Cet ensemble, le microbiote intestinal, joue un rôle fondamental dans de nombreuses fonctions vitales, allant de la digestion à la régulation de notre système immunitaire, mais il n’est encore qu’en partie compris. Sa diversité et sa composition varient d’un individu à l’autre. Elles sont influencées par des facteurs génétiques, l’alimentation, l’environnement et l’usage de médicaments.

Un vaste champ de recherches expérimentales

De nombreuses maladies sont associées à un déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose). On pense que le microbiote est probablement impliqué dans nombre de maladies bien au-delà de l’intestin. Une pléthore d’études explore le potentiel de la TMF pour diverses affections allant du syndrome du côlon irritable, aux maladies inflammatoires de l’intestin, aux troubles métaboliques et du spectre autistique. Les indications potentielles de la TMF en sont encore à un stade très précoce d’investigation et des études contrôlées d’efficacité sont indispensables avant de proposer la TMF dans ces contextes. C’est encore un vaste champ de recherches expérimentales. Afin de restaurer cet équilibre, la « greffe de selles » ou transplantation fécale est une approche thérapeutique très prometteuse pour certains médecins mais qui suscite beaucoup de scepticisme chez d’autres…

Un traitement actuellement validé que pour une seule indication

Cette idée de transmettre des matières fécales d’un individu sain à un patient malade n’est pas nouvelle. Des textes de médecine chinoise datant du IVe siècle y font allusion. Cependant, ces dernières décennies la TMF a connu un regain d’intérêt scientifique et clinique. Il ne s’agit pas d’une véritable greffe, mais plutôt d’un transfert de flore bactérienne. La méthode consiste à introduire dans l’intestin d’un patient malade une flore bactérienne saine apportée par les selles d’un donneur en parfaite santé. Elle peut s’effectuer en hospitalisation avec une sonde naso-gastrique ou au cours d’une coloscopie mais aussi en ambulatoire, si l’état du patient le permet, avec un simple lavement ou des gélules. Facile en apparence, la procédure n’est pas simple car elle exige d’obtenir des selles avec un haut niveau de sécurité chez des donneurs n’ayant aucune perturbation de leur microbiote. Le bilan des donneurs est donc très important car léguer un agent pathogène à un malade peut être grave, voire mortel. Il y a déjà eu des décès liés à des greffes mal sécurisées.

En France, la seule indication validée de la TMF est les infections récidivantes par la bactérie Clostridioides difficile (anciennement Clostridium difficile). Son efficacité est désormais établie par de nombreuses études cliniques rigoureuses, avec des taux de succès supérieurs à 90%.

Des dérives délétères

Stimulée par l’engouement médiatique, la TMF est devenue une stratégie thérapeutique très séduisante mais qui n’a pas encore de preuves scientifiques robustes. L’intérêt déraisonnable pour la greffe fécale engendre des dérives avec des « TMF fait maison » et des pratiques médicales non autorisées pour des indications non validées. Une étude récente effectuée par une équipe de biologistes de l’Université de Chicago alerte sur les effets délétères de la greffe fécale. Elle recommande une grande prudence dans son utilisation dans l’attente d’une compréhension plus complète de ses effets à long terme. En France, le microbiote fécal est considéré comme un médicament et sa préparation comme son administration sont soumises à des réglementations strictes. C’est d’ailleurs pour encadrer cette pratique que le « Groupe Français de Transplantation Fécale » (GFTF) a vu le jour, regroupant médecins et pharmaciens autour de cette thérapie émergente et que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) émet régulièrement des recommandations pour effectuer les TMF.

La TMF est complexe à organiser, elle dépend du donneur et n’est pas standardisée. Elle présente un risque non négligeable d’échanges de micro-organismes pathogènes. La transplantation fécale n’est pas un traitement comme les autres et sa balance bénéfice/risque est incertaine. Ses promesses sont encore au conditionnel…

« La merde a de l’avenir. Vous verrez qu’un jour on en fera des discours. » Louis-Ferdinand Céline


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Commentaires

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  1. Merci Jean-Paul, on en apprend tous les jours !! J’adore la citation de Louis-Ferdinand Céline …………. You’ve made my Day !

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