Dans la jolie vallée d’Abondance, près de la Suisse, la contrebande a longtemps fait partie de la vie des villageois. Une fête le 9 août dernier a fait revivre ces temps où gabelous et douaniers jouaient à cache-cache dans les montagnes du Chablais.
Frontière franco-suisse à Châtel – Morgins. Crédit J-Luc Vezon.
Par Jean-Luc Vezon.
À Abondance, il y a les vaches qui permettent la production du délicieux fromage AOC au lait cru, les sommets qui font la joie des randonneurs ou les pistes de ski toutes proches des Portes du Soleil. Il y a aussi un lointain passé de contrebande où l’on faisait passer en Suisse viandes et victuailles (très chères chez les Helvètes) et où on faisait passer en douce des produits et denrées recherchées en Haute-Savoie : sel, chocolat, café, tabac, montres et même de l’essence jusque dans les années 60.
« La contrebande fait partie de l’histoire locale depuis le passage du sel au XVIIIe siècle quand la Haute-Savoie faisait partie du royaume de Piémont-Sardaigne », explique Jérôme Phalippou l’ancien douanier, devenu illustrateur de BD et historien du sujet. L’homme à l’origine de la Maison de la douane de Châtel, où l’on peut découvrir les traditions grâce à un centre d’interprétation, est intarissable sur l’histoire de la contrebande en vallée d’Abondance.
Organisée par la mairie avec le soutien d’une association locale, la fête de la contrebande a permis de les faire revivre durant une journée avec notamment la simulation de visites (fouilles) des contrebandiers, l’exposition de véhicules allant faire le plein en Genevois ou l’organisation d’un quiz.
L’illustrateur et dessinateur Jérôme Phalippou a fait d’importantes recherches sur l’histoire de la contrebande en vallée d’Abondance. Crédit photo Jean-Luc Vezon.
Les touristes très nombreux y ont appris des anecdotes étonnantes comme les cochons saoulés à la gnôle pour qu’ils ne grognent pas durant les traversées où les véhicules dont la jauge était interchangeable, ce qui permettait de ramener de l’essence de Suisse en affichant une jauge vide au retour et pleine à l’aller.
Les femmes participaient à ces activités illégales en cachant biens ou denrées dans leurs corsages, jupes ou chignons. Leur fouille était alors réalisée par les épouses des douaniers. Ces derniers connaissaient parfaitement leur territoire ou penthière ; ils devaient être capables de dessiner à main nue les chemins de leurs zones pour traquer sans coup férir les contrebandiers qui risquaient une lourde amende.
Suite à l’ouverture de l’espace Schengen, les contrôles systématiques à la douane franco-suisse ont disparu et la douane de Châtel a fermé en 2009. Les contrebandiers d’hier ont laissé place aux trafiquants de drogues, de contrefaçons ou aux passages de billets tandis que les saisies sont réalisées par la douane volante.
Dans la vallée d’Abondance, au bord du lac de Vonnes, à deux pas de la frontière, la Vieille Douane de Châtel et son centre d’interprétation, ouverts en 2012 grâce au travail de recherche de Jérôme Phalippou, témoignent avec force de ce passé où ces Hauts-Savoyards étaient tous un peu contrebandiers.
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