Entre Briare et Montargis, la vie de bateau

Leur maison sur l’eau tient sur quelques mètres carrés, mais ils ont chaque jour la possibilité, s’ils le souhaitent, de changer d’horizon. Il y a ceux qui cabotent de marinas en ports, et ceux qui stationnent beaucoup plus longuement. Rencontres avec des touristes, un capitaine de port, mais aussi, un Écossais qui rêve de passer sa retraite en France.

Le soleil décline sur la marina de Montargis, déposant des reflets dorés sur l’eau tranquille du canal – photo Izabel Tognarelli


Par Izabel Tognarelli.


Depuis près de deux mois, Joëlle et Guy, retraités originaires du Territoire de Belfort, voguent au fil de l’eau à bord de leur bateau transportable. Partis de Decize pour une grande boucle par le canal du Nivernais, l’Yonne, la Seine, puis les canaux du Loing et de Briare, ils rentreront d’ici quatre à six semaines à Decize, par le canal latéral à la Loire.

Des routards des canaux

À chaque halte, le rituel est rodé : jeter l’ancre, sortir les vélos, explorer les environs. Leur embarcation est modeste ; ils y vivent comme au camping, dehors dès que la météo le permet. Voilà trente ans qu’ils repartent ainsi presque chaque année, avec toujours le même bateau amélioré au fil du temps et qui leur a déjà ouvert toutes les voies navigables de France, du canal du Midi à la Bretagne.

La navigation, pourtant, a changé. Le changement climatique se fait sentir : canicules, sécheresse et herbes invasives compliquent la route. Les herbes s’enroulent autour de l’hélice, bouchent les grilles de refroidissement, forçant parfois l’arrêt. Qu’il soit hors-bord ou in-board, un moteur peut y rester. « De la Seine à Montargis, de gros bateaux passent encore et contribuent à nettoyer le canal, mais plus loin, il faut ralentir », explique Joëlle.

Leur escale de quatre jours à la marina de Montargis fut un coup de cœur : « Les vacances en bateau, c’est une vraie déconnexion. Le temps passe plus lentement : une semaine vous paraît un mois. Quand on a besoin de décompresser, ce sont de vraies vacances, » résume Joëlle, avant que le couple ne reprenne la route.

Une parenthèse hors du temps, rythmée par le clapotis de l’eau et les escales improvisées (ici, à proximité de l’embarcadère de Châtillon-Coligny) – photo Izabel Tognarelli

Oh Capitaine ! Mon Capitaine !

Initialement, nous avions prévu de rencontrer Franceline Gelin, capitaine du Zia, bateau touristique proposant des mini-croisières sur le canal de Briare. Finalement, nous sommes restés à discuter avec Yoann Decour, capitaine des ports de Montargis et Briare pour la société Marinov. À Montargis, il gère arrivées, départs, facturation et accueil des visiteurs pour l’Agglomération montargoise. Il veille sur cette petite communauté flottante où claquent des pavillons français, mais aussi allemands, suisses, australiens, néo-zélandais ou britanniques. « L’an dernier, en juin, au moment de l’inauguration, on n’avait qu’un seul bateau », se souvient-il. « Aujourd’hui, le port est plein à 95 %. Devant la marina, on compte 22 emplacements fixes, mais en répartissant bien, avec le quai Tabarly et le port de commerce, on peut monter à une cinquantaine d’anneaux. »

Le temps de notre conversation à la marina de Montargis, Yoann s’est occupé de l’entrée de deux bateaux – photo Izabel Tognarelli

L’apéro comme boussole

Ici, le brassage social se vit au quotidien et ne se limite pas aux passeports. « Sur le port, qu’on soit cadre supérieur ou employé, tout le monde partage le même quotidien », souligne Yoann. Une fois par mois, un apéro-plaisanciers réunit les résidents longue durée : « Chacun a des compétences différentes : le port, c’est justement un système d’échange : certains sont d’anciens électriciens, d’anciens informaticiens. D’autres ont beaucoup voyagé, dans le monde entier : ils ont un savoir à transmettre. Un ancien chauffeur poids lourd va avoir des compétences en mécanique. Sans compter les anciens mariniers, devenus plaisanciers : ils ont de quoi donner leur avis sur de nombreux sujets. » La navigation fluviale, rappelle-t-il, n’a rien à voir avec la Côte d’Azur et ses emplacements à prix astronomiques : « Ici, c’est très abordable. »

Le vrai luxe, c’est le temps. La plupart des plaisanciers sont retraités — même si on croise quelques jeunes gens à l’esprit bohème —, sans horaires ni agenda. Les journées s’étirent au rythme du canal, entre bricolage, discussions sur le quai et coup d’œil aux prévisions météo.

« Et à présent, si on allait voir John ? » lance soudain Yoann. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de ce jeune retraité écossais.

John a sillonné le monde, mais c’est la France qui est l’élue de son cœur – photo Izabel Tognarelli

John, l’Écossais tombé amoureux de Montargis

Neuf mois déjà que John vit à la marina de Montargis, avec pour colocataire Charlie, son énergique et sympathique croisée beagle. Il connaissait déjà l’endroit pour y être passé dix ans plus tôt : il n’y avait pas encore de marina. Depuis, il a travaillé en Afrique, au Canada, aux États-Unis, et acheté son propre bateau. C’est ici, dans cette petite ville du Gâtinais, qu’il se sent bien.

John ne tarit pas d’éloges sur le travail des jardiniers et des équipes municipales : « Montargis est une très belle ville. Je suis impressionné par le travail qui a été réalisé ici et par le soin qu’on y apporte. Le port n’est pas tout à fait fini ; il a encore un aspect industriel. Mais il suffit de faire quelques centaines de mètres et la ville apparaît dans toute sa beauté. » Une de ses amies, venue garder Charlie, s’est exclamée : « J’ai cru que je venais dans un village, mais en fait, c’est l’un des plus beaux endroits que j’ai vu en France. Au moins tu me laisses dans un bel endroit ! ».

Dans le ballet des amarres, la marina de Montargis révèle son quotidien : entraide, gestes précis et convivialité – photo Izabel Tognarelli

Des détails qui comptent

Allons, allons, John, il y a bien des petites choses qui ne vont pas ! « C’est vrai, il faudrait une laverie. La plus proche est à Amilly et transporter du linge à vélo, c’est compliqué ». Voilà qui est frappé au coin du bon sens et qui devrait pouvoir s’arranger. Mais John, il y a forcément autres chose… « Dans les douches, il faudrait des porte-manteaux et de quoi s’asseoir ; et aussi des badges, pour que les plaisanciers y aient accès en dehors des horaires de la capitainerie ». Rien qui ne puisse s’arranger. « Ah, et davantage d’échelles de sécurité, une chute dans l’eau peut arriver, y compris pour un promeneur ». Voilà qui devrait aussi pouvoir s’arranger. Mais John, il doit bien y avoir un manque quelque part ? « Il faudrait songer à un poste d’amarrage adapté aux péniches hôtels car c’est connu, ce genre de clientèle dépense beaucoup et il y a de très bons restaurants à Montargis ». Voilà qui devrait faire débat au Conseil communautaire. Mais John, enfin… il y a bien un vrai défaut, quelque chose qui ne va pas ? Un silence. Puis : « Ici, je me suis fait de très bons amis, en grande majorité des Français. Mais quand j’ai rempli ma demande de visa, je me suis trompé de case et l’administration refuse de le prolonger. J’aime la culture française, la gastronomie française : ici, j’aime tout. Je suis triste à l’idée de quitter la France ». Il ne reste plus qu’une quinzaine de jours. Fichu Brexit…

Commentaires

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  1. Superbe reportage ,il est vrai que le port est bien situé et très agréable. Nous connaissons bien le port, ayant passé l’hiver jusqu’à debut juillet à Montargis pour ensuite rejoindre Montceau-les-Mines.
    Dommage que des personnes comme Jon ne puisse pas rester en France toute l’année à cause de son visa.
    Bateau Nemo

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