Personnage rwandais controversé, Protais Zigiranyirazo est décédé le 3 août dernier à Niamey, au Niger. Son inhumation, prévue à Orléans le 28 août, suscite l’indignation des associations de mémoire et de soutien aux rescapés du génocide. Le maire a pris un arrêté pour interdire l’inhumation.
Photographies de victimes du génocide au Centre du mémorial du génocide à Kigali Gisozi (Rwanda). Source wiki Adam Jones, Ph.D.
Par Mael Petit.
À Orléans, la mémoire des victimes du génocide rwandais refait surface à travers la polémique. Ce mardi 26 août 2025, le maire Serge Grouard a réitéré son opposition ferme à l’inhumation de Protais Zigiranyirazo, dit « Monsieur Z », dans le Grand Cimetière municipal. Décédée le 3 août à Niamey au Niger, la figure centrale du régime génocidaire rwandais devait y être enterré ce jeudi 28 août en présence de près de 400 proches. Une perspective que l’édile a jugée « incompréhensible et inacceptable ».
Un homme au passé lourd
Pour beaucoup, le nom de Protais Zigiranyirazo reste indissociable du pire. Ancien préfet de Ruhengeri (nord du Rwanda) dans les années 1970-80, beau-frère du président Habyarimana et protagoniste de l’Akazu, ce cercle occulte accusé d’avoir orchestré le génocide des Tutsi en 1994, il a été décrit comme une des personnalités clés du régime meurtrier. Arrêté en 2001, il fut condamné par le Tribunal pénal international pour le Rwanda à 20 ans de prison, avant d’être acquitté en appel en 2009. Une décision technique, motivée par des erreurs de procédure, mais jamais perçue comme une réhabilitation morale. Ajoutons à ce passif son nom cité dans l’assassinat, jamais élucidé, de la primatologue américaine Dian Fossey en 1985. De quoi nourrir une réputation sulfureuse qui ne s’est jamais effacée.
Le refus du maire
« L’annonce de son inhumation sur le territoire communal … apparaît incompréhensible au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés », s’offusque Serge Grouard. Initialement autorisée en raison de « la méconnaissance » du CV funeste du défunt, l’inhumation a finalement été interdite en urgence par un arrêté du maire. Tout en pointant les actes Zigiranyirazo, M. Grouard souligne que cela constituerait « une offense à la mémoire des disparus ». L’édile avance surtout deux éléments dans son argumentaire : le respect dû aux rescapés du génocide et la prévention de graves troubles à l’ordre public. Car au-delà du choc symbolique, la crainte est réelle de voir une sépulture se transformer en lieu de pèlerinage pour les partisans d’un régime dont la seule évocation continue de raviver les plaies.
C’est d’ailleurs ce que craignent des associations de survivants. Ibuka France a d’ailleurs salué la décision municipale, rappelant que l’acquittement de 2009, « pour des motifs strictement procéduraux et non à la suite d’un débat sur le fond », n’efface en rien le rôle historique et politique de Zigiranyirazo dans la tragédie rwandaise. Pour l’organisation, accepter son inhumation sur le sol français reviendrait à banaliser l’innommable « en portant atteinte à la mémoire du génocide des Tutsi au Rwanda ». Même son de cloche du côté du Collectif des Associations pour la Protection des Survivants du Génocide (CPCR), qui appelle « les autorités d’Orléans » à « faire preuve d’une extrême vigilance … pour empêcher que sa tombe ne devienne un lieu de glorification pour les génocidaires ».
Ces cris d’alerte ont finalement poussé la mairie à réagir. Car il s’agit ici d’affirmer que la France – et notamment Orléans – ne peut offrir un lieu de recueillement à ceux dont les noms restent liés à l’un des crimes les plus atroces du XXᵉ siècle.
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