La SCOP, un modèle pour les entreprises de demain ?

Une SCOP, c’est une Société Coopérative et Participative dans laquelle tous les salariés sont les associés majoritaires. Elles sont de plus en plus nombreuses sur notre territoire. Mains dans la main 45, lancée en mars dernier, en est un parfait exemple. Alors que l’entreprise adaptée EACVL devait fermer pour cause de liquidation, elle a été relancée sous forme de SCOP.

Façade de la SCOP Mains dans la main 45. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Porte d’entrée de la SCOP Mains dans la main 45. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Par Jeanne Beaudoin.


Duralex ferait-elle des émules dans l’Orléanais ? À deux doigts de la disparition, le fleuron industriel français avait agité l’actualité au cœur de l’été 2024, braquant au passage les projecteurs sur la SCOP, modèle adopté par les salariés du verrier, basé à La Chapelle-Saint-Mesmin. Décriée par certains, présentée comme le modèle idéal face aux défis économiques de demain par d’autres, la société coopérative et participative s’inscrit pleinement dans le champ de l’ESS, portée par des salariés qui reprennent en main leur entreprise. C’est la voie qu’a choisie de suivre Mains dans la main 45, une entreprise adaptée dont les activités principales sont le conditionnement industriel, principalement dans le domaine de la cosmétique, mais aussi la préparation de commandes, les prestations de services et l’imprimerie. Cette SCOP, toute récente, est désormais en pleine croissance. Pourtant, son histoire a été pleine de remous. 

Une histoire pleine de péripéties

L’EACVL était une entreprise adaptée, située à proximité de l’établissement T’hand’M (anciennement la Couronnerie), et employait une centaine de personnes. En raison de difficultés logistiques, l’entreprise a dû déménager en 2018 dans d’immenses locaux à Ormes. Les espaces de 10 000 m² étaient très chers : 50 000 euros de loyer par mois. Face à ce coût difficile à supporter, les dirigeants ont mis la pression sur le personnel avec une logique de rentabilité exacerbée. 

Une situation difficilement tenable pour cette entreprise adaptée, alors que plus de la moitié des salariés sont en situation de handicap. Plusieurs employés évoquent même un management toxique, qui a conduit au départ d’une grosse partie de l’équipe d’encadrement. Sur onze personnes, il n’en restait que quatre. « La pression était là, il y avait les charges, le loyer, les salaires à payer. Alors, j’ai prévenu les anciens actionnaires en leur disant qu’il fallait partir, qu’on ne tiendrait pas », explique Marilyne Vannier, aujourd’hui gérante de la SCOP. Suite à un redressement judiciaire, l’entreprise quitte Ormes pour s’implanter à Saint-Cyr-en-Val, avenue de la Pomme de Pin, dans des locaux de 1 600 m². L’entreprise ne compte alors plus qu’une quarantaine de salariés. 

La SCOP de la dernière chance

Le redressement judiciaire dure 18 mois, durant lequel plusieurs clients de l’entreprise commencent à s’inquiéter. Plusieurs idées sont mises sur la table afin de sauver cette entreprise. « Il y a beaucoup de potentiels ici, ça ne peut pas s’arrêter comme ça, c’est pas possible », poursuit la gérante. « On a réussi à certifier cette entreprise ISO 22716, Agriculture Biologique, ça veut dire qu’il y a un savoir-faire qu’on ne peut pas laisser tomber. Sauf qu’à un moment on s’épuise ». Et effectivement, en novembre 2024, le tribunal prononce la liquidation. Mais les salariés de l’entreprise ne se laissent pas abattre. « On a tout mis en place, on croyait en notre projet, en la valeur des gens et en notre région. On a notre place », affirme Marilyne Vannier.

Après un mois de réflexion, l’idée de monter une SCOP a germé. Il reste alors 40 employés au sein de l’entreprise où chacun est alors accompagné selon son profil. Chaque salarié a le choix de rejoindre la SCOP ou d’être redirigé en ESAT à T’hand’M. Plusieurs étaient, par ailleurs, à l’âge de partir à la retraite. « Je me suis engagée à ne laisser personne sur le carreau », souligne Marilyne Vannier. Ce choix permet de repartir sur un nouveau modèle économique, avec une équipe restreinte, mais soudée et fiable.

Dans les locaux de Mains dans la main 45. Crédit : Jeanne Beaudoin.
Dans les locaux de Mains dans la main 45. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Entre novembre 2024 et mars 2025, plusieurs clients sont trouvés, des marchés sont décrochés. « Nous avons ouvert à six, puis très vite on est passé à 12 et maintenant, on est 40 », poursuit-elle. Certains salariés ne sont encore que temporaires. Mais l’objectif est de « réintégrer les anciens collègues qui le souhaitent au fur et à mesure. Tous les gens qui travaillent ici sont des anciens de l’EACVL, c’est une continuité cette boîte ». D’où le nom, « Mains dans la main », pour rappeler « qu’on est toujours restés soudés et qu’on est toujours là, malgré les difficultés ». 

Les meilleures conditions de travail possibles

Dans une SCOP, il n’existe pas de patron, tout le monde est salarié. « Moi, je suis gérante mais aussi employée, j’ai un contrat de travail. Tout le monde en a un et on est tous employés de la SCOP et sociétaire », explique Marilyne. C’est-à-dire qu’elle ne peut pas prendre de décision seule. Toute décision est sujette à un vote, comme lors du recrutement de nouvelles personnes. D’autant que l’objectif est d’augmenter le nombre de sociétaires. « C’est quand même plaisant d’être gérant, mais de ne pas avoir le pouvoir. Vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez, on a toujours nos garde-fous », se réjouit-elle.

Pour la plupart des gens qui travaillent au sein de cette entreprise, le plus important reste l’aspect social, le fait de se sentir utile, d’avoir une routine ou de bonnes conditions de travail. « Vous pouvez voir le changement de mentalité. Avec le passage de salariés à sociétaires, ils arrivent le matin investis, ils posent plein de questions. Et puis quand vous êtes employés, vous n’êtes pas toujours d’accord avec toutes les décisions qui sont prises de là-haut, comme s’ils ne connaissaient pas notre métier. C’est important de passer de l’autre côté, de dire ce qu’il faut faire. On se sent plus considérés », assure Marilyne, qui voit dans ce modèle l’opportunité de faire grandir l’entreprise à son rythme.


Plus d’infos autrement : 

Pour François Bonneau, le salut de la France passera par « un acte fort de décentralisation »

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

  1. Bien entendu les SCOP sont l’avenir de l’industrie non-capitaliste. La gestion des avoirs et des bénéfices produits par les producteurs eux-mêmes est la solution pour demain. Reste à déterminer et en moduler la répartition car “équitable” ne signifie pas “égalitaire”. Les responsabilités ne pèsent pas le même poids que le savoir-faire, et ce sera toujours la pomme de discorde…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    • matin 13°C
    • après midi 22°C
  • mercredi
    • matin 12°C
    • après midi 19°C
Copyright © MagCentre 2012-2025