Ambiance de fin de règne à Luynes

Le troisième mandat du maire LR de Luynes Bertrand Ritouret est loin d’être un long fleuve tranquille. Crises, procédures judiciaires, bad-buzz, critiques au sein de sa majorité… décidément, à l’approche des municipales de mars 2026 et à l’heure du bilan, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander de tourner la page Ritouret. Et avec le retour dans quelques jours du festival local « A l’assaut de l’Amérique », la polémique sur la politique culturelle et associative du maire est relancée.
 

La ville de Luynes vue du chateau – sce Wikipédia

 

Par Joséphine.


2024 : annus horribilis

Avocat, maire depuis 2008, notable tourangeau affilié aux Républicains et vice-président de Tours Métropole en charge du très sensible dossier de la distribution d’eau, Bertrand Ritouret la prend de toute part depuis quelques mois, l’eau.

La série noire commence à l’été 2024, quand Bertrand Ritouret veut faire valider par le Conseil municipal le renouvellement de la convention qui lie la ville au Cirque Georget, une structure installée sur un terrain communal depuis des années. La discussion et le vote au sujet de la convention, a priori simples formalités, se déroulent quelques heures seulement après la révélation par la presse de la mise en détention provisoire d’Hervé Georget – un des responsables du cirque – suspecté d’agressions sexuelles et de viols sur mineurs. En fait, c’est un élu de la majorité qui révèle l’affaire à l’ensemble du conseil ce soir-là, provoquant la sidération de l’assemblée et de nombreuses prises de parole. Mais Bertrand Ritouret, uniquement concentré sur le renouvellement de la convention, n’a pas un mot d’empathie pour les victimes présumées, choquant les élus, y compris au sein de sa propre majorité. Contraint d’ajourner le vote sous la pression du Conseil, Bertrand Ritouret n’obtiendra finalement qu’une reconduction provisoire de la convention au cours d’une séance tenue à huis clos la semaine suivante.

A l’automne 2024, patatras, c’est la très active association Anticor41 qui annonce avoir saisi le Parquet de Tours pour des soupçons d’irrégularités dans la gestion de biens publics à Luynes. En cause, toujours cette fameuse convention avec le cirque Georget, les conditions d’attribution et les contreparties financières ne respectant pas la loi selon Anticor. Parallèlement, l’association écologiste One Voice portait plainte contre Bertrand Ritouret et le gestionnaire du cirque Georget pour des atteintes à l’environnement. One Voice accuse la Mairie d’avoir laissé le cirque et ses activités s’installer à proximité d’une Zone de Protection Spéciale de la nature. Curage non-autorisé d’un cours d’eau aboutissant à une augmentation du risque d’inondation, piétinement de la flore par le public, pollutions, perturbations de la faune, déversement d’eaux usées dans une fosse, dégradation de berges… la liste établie par l’association est longue. Réagissant à l’époque par communiqué, Bertrand Ritouret réfute les accusations d’Anticor41 et de One Voice, les estimant « sans fondement et diffamatoires », fruit d’un coup politique à l’approche des élections municipales.

Puis, quelques semaines plus tard, monsieur le maire est interpellé en plein Conseil municipal, sommé de s’expliquer sur une jolie plus-value foncière réalisée par Hervé Georget à Luynes. En cause, le rôle de Bertrand Ritouret qui a proposé – et obtenu – que la Métropole rachète pour 45 000 euros un terrain qu’Hervé Georget avait acquis 20 000 euros deux ans auparavant. Balayant les interrogations d’un revers de main, le premier édile avait alors expliqué que le prix payé est celui estimé par les services du Domaine et que l’opération était indispensable car c’est sur ce terrain que sera bâti un futur office du tourisme.

C’est quoi ce cirque ?

Au cœur des interrogations à Luynes donc, les multiples activités de la famille Georget et son lien avec la Mairie.

En fait, à la fin de la décennie 2000, le cirque de la famille Georget traverse des difficultés financières. N’ayant plus d’emplacement fixe, le cirque négocie avec la mairie de Luynes l’occupation temporaire d’un terrain communal, inondable, afin d’y organiser un spectacle de Noël. Le partenariat fonctionne bien et, au bout de quelques années, le cirque s’installe définitivement sur Luynes. Une convention est alors établie avec la commune à l’été 2014, sans d’ailleurs passer par une procédure qui aurait permis à d’autres associations de postuler à l’utilisation du terrain. A la signature de la convention, en plus du chapiteau, la famille Georget installe un mobile-home qui sera raccordé par les services municipaux au réseau d’évacuation des eaux usées puis à l’électricité. Petit bonus, un local technique et un petit kiosque présents sur le terrain communal sont aussi utilisés par le cirque.

La même année, une autre association montée par les Georget voit le jour. Il s’agit des « Narvalo’s Bikers », structure qui se donne pour but d’organiser à Luynes un événement gratuit ayant pour thème la culture américaine, événement dont la première édition se déroule en 2015, prenant la forme d’un festival baptisé « A l’Assaut de l’Amérique ». Sans convention proprement dite avec la ville, les organisateurs bénéficient tout de même de la communication de la mairie et de la mise à disposition de matériel, d’agents et d’autorisations administratives. Et indéniablement, le festival devient rapidement un succès. Se déroulant désormais pendant quatre jours sur un site élargi à dix hectares, il mobilise 200 bénévoles, une vingtaine de restaurateurs, une petite centaine d’exposants et revendique 50 000 visiteurs.

Force donc est de constater que les difficultés financières des Georget se sont envolées ces dix dernières années. Le chiffre d’affaires de l’activité cirque est estimé à environ 500.000 euros par an jusqu’en 2024, et côté festival, certains bons connaisseurs du milieu de l’événementiel parlent d’un chiffre d’affaires d’au moins 500.000 euros par édition.

Et grâce à ce dynamisme économique retrouvé, les Georget se mettent à investir. Plus de deux millions d’euros seront consacrés à partir de 2018 à la diversification des activités familiales : trois hangars de stockage sont ainsi acquis à Luynes et Chinon. Par ailleurs, les Georget achètent un quatrième hangar de stockage et lancent un parc d’attractions en… République Dominicaine, pays réputé pour son climat… et pour sa fiscalité.

Un partenariat win-win pour Luynes ?

Jusqu’ici, juste une success-story à la Tourangelle, direz-vous ? Oui, mais certains à Luynes s’interrogent sur ce qu’a gagné la commune dans ce partenariat avec les Georget, partenariat renouvelé par une convention en 2019 puis brièvement en 2024 pour les activités circassiennes.

Bien sûr, Luynes a pu étoffer son offre culturelle avec des spectacles de cirque accessibles à la population. Il y a aussi le rayonnement pour la commune grâce à l’activité « école de cirque », avant que le scandale des accusations pour viol n’éclate et que le cirque quitte Luynes fin 2024. Puis, il y a le festival surtout, et ses retombées locales avec les dizaines de milliers de visiteurs.

Plus prosaïquement, la convention « activité cirque » prévoit une contrepartie pour la ville de Luynes et ses habitants sous la forme d’entrées gratuites et de réductions pour les spectacles des Georget, contrepartie estimée à 10 000 euros, soit 2% du chiffre d’affaires probable du Cirque. Le chapiteau est également mis à disposition gracieusement pour des événements de la Mairie, mais certains esprits chagrins y voient plutôt un outil à disposition de la communication de Bertrand Ritouret, par exemple au moment des cérémonies de vœux ou lors de son élection officielle en 2020, sur la piste même du cirque, sous les caméras de nombreux médias nationaux éblouis par le caractère insolite de l’événement.

L’activité festival, elle, ne donnant pas lieu à une convention ne… donne pas lieu à contrepartie. Les dizaines de milliers d’euros de bénéfices de l’événement repartent donc dans la trésorerie de l’association, association d’ailleurs à but non lucratif. Cette absence de contrepartie est d’autant plus étonnante que la municipalité met aussi des moyens sur le festival et que ce dernier occasionne des nuisances non-négligeables (bruit, embouteillages, dégradation de l’environnement…).

Des critiques à l’assaut de la Mairie

C’est donc face à cette asymétrie dans le lien entre les activités de la famille Georget et les intérêts de la ville de Luynes que des élus d’opposition et des figures du monde associatif multiplient les critiques.

Est-ce que la stratégie de rayonnement est efficace ? Pas vraiment, vu que la commune perd des habitants depuis 10 ans. Est-ce que le partenariat permet de faire rentrer de l’argent dans les caisses singulièrement vides de la commune ? Pas directement, et les effets induits sur l’économie locale sont très difficiles à évaluer et limités à quelques commerçants et hébergeurs. Est-ce que la mairie déploie de tels partenariats pour faciliter la vie associative et culturelle comme elle le fait avec l’entreprise et l’association des Georget ? Pas franchement, l’école de musique et les associations sportives s’estiment sous-dotées, l’état des équipements sportifs n’est pas bon et l’association de parents d’élèves luynois bataille toujours pour trouver un local afin d’entreposer son matériel.

D’autres acteurs culturels locaux s’offusquent également de la place que prend le Festival dans la communication de la Mairie, notamment dans le magazine, sur le site internet de la commune, ainsi que sur le site « Petites cités de caractère », donnant l’impression que les autres initiatives locales ne comptent pas. Sans même parler des critiques sur l’imaginaire porté par le festival : grosses motos, drapeaux confédérés, musique country dont le renouveau est fortement lié aux milieux conservateurs états-uniens, présentation folklorisée des populations amérindiennes, valorisation de l’armée US… Bref, ce ne sont pas vraiment quatre jours d’ode au progressisme, on l’aura compris.

Rétropédalage et politique

En tout cas, depuis quelques mois, l’ambiance est devenue particulièrement glaciale et tendue au Conseil municipal, malgré la tentative de Bertrand Ritouret et des organisateurs du Festival d’éteindre l’incendie. Une charte environnementale a ainsi été mise en avant pour l’édition 2025, en réaction notamment à la plainte de One Voice et une convention a enfin été signée entre la Mairie et les Narvalo’s Bikers. Cela dit, le contenu de la convention signée en juillet dernier interpelle sur de nombreux points. Le tarif de location des dix hectares de terrain proposé par la commune est très faible – estimé par certains à six fois inférieur au prix du marché – alors que le Festival sous-loue assez cher les emplacements pour les stands ou les places de camping. Et puis, certains s’interrogent sur les coûts de remise en l’état des terrains et sur la facture d’eau et d’électricité du Festival… qui va payer ? Narvalo’s Bikers ou la commune ?

Bertrand Ritouret, lui, reste droit dans ses bottes et même s’il n’a pas encore dit s’il briguerait un quatrième mandat en mars 2026, les candidats au poste de maire se bousculent au portillon. La socialiste Temanuata Girard, proche de François Bonneau et élue à la Région, s’est déjà déclarée, ainsi que le divers-droite Antoine Maquin, membre de la majorité actuelle, sans même compter d’autres listes dites citoyennes qui se structurent peu à peu. Et ce qui est déjà certain, c’est que les questions culturelles et associatives seront au cœur de la campagne.

Sources presse :

Commentaires

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  1. je me demandais justement pourquoi autant de bénévoles aident à l’organisation pour un organisateur qui de son côté s’enrichit grâce à cet événement.

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