La Loire autrement : quand Orléans sentait le sucre

Le Festival de Loire célèbre à sa façon l’histoire de la marine de Loire. Magcentre vous propose à cette occasion une autre histoire, celle qui liait le sort des esclaves de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) à la prospérité de la bourgeoisie commerçante orléanaise au XVIIIe siècle.



La Rédaction.


Le siècle des Lumières a vu s’établir à Orléans une activité fort lucrative : le raffinage et le commerce du sucre de canne. Utilisant un procédé venu des Pays-Bas, pas moins d’une quarantaine de raffineries, au plus fort de cette nouvelle industrie polluante, ont fait d’Orléans la capitale française et européenne de la production d’un sucre blanc alors très recherché. Si Voltaire ne manquait pas de dénoncer les conditions de vie des esclaves* dans les plantations de canne à sucre (« C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ! » Candide 1759), la Loire faisait d’Orléans le port arrière de Nantes enrichi par le très fructueux commerce triangulaire, fournissant la main d’œuvre africaine asservie en échange des produits coloniaux. Et cette richesse « ruissela » grâce au sucre jusqu’à Orléans.

Pains de sucre raffiné (musée de la Marine de Loire) cl GP


Cette histoire du sucre, peu connue, ne fut pas sans conséquence sur l’histoire contemporaine. Le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte après son abolition par la Révolution française amena au soulèvement des esclaves et à une insurrection qu’une expédition militaire tenta d’écraser avec l’envoi en 1801 d’un contingent de 30 000 soldats. La défaite de ce corps expéditionnaire conduisit à l’indépendance d’Haïti en 1804, ce qui n’empêcha pas la France, vingt ans plus tard, d’imposer à son ancienne colonie une indemnisation des colons et propriétaires qui s’élevait au montant astronomique de 150 millions de francs-or, dette colossale que l’île finit seulement de rembourser en 1952, ruinant toute possibilité de développement pour la première république proclamée par d’anciens esclaves, et faisant d’Haïti l’un des pays les plus pauvres de la planète…

Cette histoire nous rappelle quelques principes fondamentaux pour notre époque : l’universalité des idéaux de liberté et d’égalité ,l’exigence de justice.
Jean-Marc Ayrault Président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage

*On dénombre alors plus de 500 000 esclaves à Saint-Domingue

Image de une : extrait de Henri-Louis Duhamel du Monceau, L’art de raffiner le sucre…, op. cit., planche iii, 1781-Cnum – Conservatoire numérique des arts et métiers [http://cnum.cnam.fr]

Magcentre vous propose de découvrir cette page méconnue de l’histoire orléanaise, en partenariat avec la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage, dans le cadre d’une conférence organisée avec deux éminents historiens, Emmanuel Brouard et Pierre Serna, animée par Jean-François Leborgne. En ouverture de la conférence, l’ensemble la Rêveuse interprétera un air du chevalier de Saint-Georges, ancien esclave et compositeur de musique du XVIIIe siècle, ainsi que quelques pièces de ses contemporains pour voix et instruments.

Mercredi 24 septembre à 17 h au Centre Universitaire Dupanloup 1 rue Dupanloup Orléans

Participation libre, il est indispensable de s’inscrire en adressant un mail à redaction@magcentre.fr

Une initiative de  Anne Cécile Chapuis, Philippe Voisin, Thérèse de la Fournière, Jean-François Leborgne et Gérard Poitou

Avec le soutien de la Région Centre-Val de Loire et de l’association Loire Vistule


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Commentaires

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  1. Combien de richesses qui continuent d’alimenter le pouvoir des riches se sont ainsi faites sur le dos d’êtres humains ? Il y a là une belle recherche à faire sur qui à Orléans profitait ( au delà de ceux qui travaillaient pour gagner de quoi vivre) ce la sueur des esclaves .
    Merci à Magcentre de rendre visible ce qui est encore trop souvent caché.

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