Mouvement du 10 septembre : une colère visible partout mais massive nulle part

Loin du raz de marée annoncé sur les réseaux sociaux, le mouvement du 10 septembre a malgré tout laissé son empreinte. Entre blocages de rond-points et cortèges syndicaux, ses acteurs espèrent avoir semé les graines d’une révolte sociale durable.

Cortège 10 septembre Orléans
Le mouvement citoyen Indignons-nous s’est fait entendre ce mercredi à Orléans. Photo Magcentre


Par Mael Petit.
Photos par les correspondants en région


La date avait été annoncée tout l’été sur TikTok, Telegram, Facebook ou encore X comme un jour de rupture. « Bloquons tout », à savoir paralyser le pays et relancer une colère populaire en sommeil depuis la mobilisation contre la réforme des retraites. En Centre-Val de Loire, le 10 septembre n’a pas déclenché la paralysie espérée, mais il a laissé entrevoir un paysage social fragmenté, matérialisé par des blocages épars et des cortèges syndicaux bien présents. Un mélange d’improvisation et de colère qui dit beaucoup des forces et des limites de cette mobilisation.

Un mouvement insaisissable

Sur le pied de guerre dès l’aurore, toutes les rédactions avaient fait chauffer le café en quantité pour se tenir prêtes à débouler sur les premiers points chauds, scrutant les réseaux sociaux à la recherche de la moindre vidéo de blocage. Particularité de ce mouvement décentralisé, on ne savait à quoi s’attendre en cette journée de rentrée sociale. Alors que ça bougeait déjà fort dès le matin sur Paris, avec des scènes d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, la région restait sobre avec quelques points de blocage spontanés résultant d’appels sur les réseaux sociaux ou de mouvements citoyens réunis en amont en assemblées générales pour définir les moyens d’action. De Tours à Châteauroux, en passant par Chartres ou Blois, la mobilisation a pris la forme de petits foyers de contestation, parfois tendus, parfois festifs, mais toujours éphémères. Seulement trois interpellations dans la région – une à Nogent-le-Rotrou et deux à Bourges – où les tensions sont montées aussi vite que redescendues. Les forces de l’ordre, mobilisées en nombre sur les axes et points stratégiques, ont empêché que ces actions ne s’installent dans la durée. Résultat : une colère visible, mais morcelée, et sans capacité de blocage généralisé.

La complexe cohabitation avec les syndicats

Cette dispersion traduit aussi une tension de fond. Le mouvement « Bloquons tout », à l’image des dernières contestations citoyennes, est né en dehors des dynamiques de contestations sociales traditionnelles, porté par des boucles Telegram et des vidéos virales mais au bassin d’audience limité. Or dans la rue, les syndicats sont revenus au premier plan. Comme à Orléans, où leur présence a même cristallisé les crispations : drapeaux et banderoles en tête de cortège, collectifs citoyens relégués à l’arrière, sentiment de confiscation chez certains. « La CGT cherche à récupérer la lumière du mouvement du 10 septembre », s’agaçait même un membre du mouvement citoyen Indignons-nous Loiret. « Nous ne sommes pas contre nous afficher à leur côté mais nous avions la responsabilité de ce rassemblement, rétorque Pascal Sudre, secrétaire départemental CGT 45. Cette incompréhension ne remet pas en cause notre volonté de collaborer avec eux sur les prochaines actions à venir ». Se présente alors un dilemme plus large : comment garder l’horizontalité et la spontanéité qui ont fait le succès sur les réseaux, tout en s’appuyant sur des organisations capables de donner un cadre et du poids ? Pour l’heure, cette cohabitation ressemble davantage à un frottement qu’à une alliance, alors que les tensions orléanaises se traduisaient par des éclats de voix et quelques insultes, mais surtout par une fracture tant visuelle que sonore dans les rues d’Orléans. La CGT avançait seule à l’avant, les Indignés se tenant volontairement à distance.

L’ombre des Gilets jaunes

Cela n’est pas sans rappeler l’épisode des gilets jaunes qui avait bousculé les syndicats historiques au démarrage de leur mobilisation. Entre mépris et inimitié, les deux camps ne se sont jamais rejoints sur le terrain de la lutte sociale. Les Gilets ringardisant même, au moins pour un temps, le mouvement syndical. Au regard des actions menées ce 10 septembre – dans les gestes, les lieux et parfois les visages – les réminiscences de 2018 n’étaient jamais très loin. Les rond-points des Propylées à Chartres et Michel-Hoguet à Nogent-le-Rotrou ont retrouvé quelques figures d’antan, Bourges a revu surgir ses habitués des blocages matinaux, tout comme à Tours où les manifestants, particulièrement mobiles, ont joué avec les forces de l’ordre. Le discours contre la vie chère et les grandes surfaces, les blocages sur les rond-points rappellent aussi la première séquence des Gilets jaunes. Mais le jeu des comparaisons s’arrête là. Le mouvement « Bloquons tout », à l’origine nébuleuse, apparait d’abord comme une initiative de la gauche radicale, alors que l’extrême droite reste à l’écart. La faible mobilisation ce mercredi sur Montargis, par exemple, vient le rappeler.

Les jours prochains diront si cette colère parvient à prendre racine et s’installer dans la durée, ou si elle ne restera qu’une étincelle sociale qui peine à s’ancrer dans la rue.


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Commentaires

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  1. Tout cela ressemble beaucoup aux journées d’action syndicale pourtant fort critiquées par les organisations plus spontanées issues de la culture des réseaux sociaux. Cela relativise également l’impact mobilisateur desdits réseaux dans un contexte de « fatigue démocratique ». De toute évidence, le mouvement a été surestimé en raison de l’effet loupe d’internet, tant du côté de la place Beauvau que des rédactions des grands médias.

  2. 3 000 à Tours hier soir ce n’est pas aussi négligeable que ce que vous laissez entendre.
    Reste que cela apparaît plutôt chaotique. Les mots d’ordre du mouvement Bloquons Tout, comme par exemple le retrait d’argent, ne semblent pas avoir été suivis d’effets.
    La question est de savoir si d’ici le 18, les organisations syndicales vont parvenir à organiser des assemblées générales dans les entreprises et transformer la colère en une mobilisation durable.

  3. Ah la “RESPONSABILITE”( Sudre de la CGT) !
    Souvenons du même mot assené par Borne et autres “responsables gouvernementaux” ou des “responsables politiques” comme Faure du PSC- Parti social-capitaliste.
    Ainsi les choses sont claires: quelque soit le prétexte : éviter les débordements ou faire passer des budgets qui tuent des gens, ou maintenir sous oxygène un système économique et politique ce qui compte c’est que tous ces gens là puissent rester pour les uns dans leur fauteuil Napoléon ou Louis, pour d’autres pas trop loin du dit fauteuil et pour les courroies de transmission (actuellement) d’assurer le maintien de l’ordre.

  4. Suggestion faite aux députés (représentants du peuple) qui ont le sentiment d’avoir été élus par celles et ceux qui hier ont participé au mouvement : rejoindre leur place à l’assemblée et en bloquer l’accès c’est à dire déclarer ensemble qu’ils ne bougeront pas de leur siège tant qu’en face la mascarade n’aura cessé. Chiche !

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