Camions, Seveso et artificialisation : la pilule passe mal à Amilly

À Amilly, un projet logistique de grande ampleur suscite la colère des riverains, à six mois des élections municipales. Sur un terrain agricole reclassé, l’entreprise Westea prévoit l’implantation d’un entrepôt de 76 000 m², réparti en six cellules d’environ 12 000 m² chacune, pour une emprise totale de 17 hectares.

Sur place, un panneau planté au bord d’un champ signale l’enquête publique – photo Izabel Tognarelli


Par Izabel Tognarelli.


Pour saisir l’échelle, l’emprise du terrain représente 80 % de la surface de l’île de la Cité à Paris ou encore 1,5 fois la surface occupée par la Cité de Carcassonne intra-muros (qui représente environ 11 ha), soit environ 24 terrains de football. Quant à la hauteur du bâtiment, elle atteindrait 16 mètres, soit l’équivalent d’un immeuble de cinq étages.

La première maison se trouve à 20 mètres et, du point de vue de l’extrémité de son terrain, à six mètres de l’emprise de celui de l’entrepôt. L’entrée des poids lourds est prévue à une cinquantaine de mètres de cette maison. Tout le hameau sera impacté et, au vu du trafic de camions que cet entrepôt XXL est susceptible de générer, le bourg d’Amilly le sera aussi, ainsi que toutes les communes par lesquelles les camions vont arriver, en provenance des principaux axes routiers.

Un classement Seveso qui inquiète

L’entrepôt est classé Seveso seuil bas, un mot qui, forcément, réveille des inquiétudes. Laurent, membre du collectif, travaille dans la sécurité incendie. Il tempère : « Cela représente 500 palettes de produits inflammables ou d’aérosols (qui sont également inflammables) ou encore des comburants (produits qui s’auto-enflamment à une certaine température). Ça peut aussi être des produits phytosanitaires, mais stockés, et non manipulés comme à AZF Toulouse. Et ce ne sont que 500 palettes sur un entrepôt qui peut en contenir peut-être 100 000. C’est donc une part congrue. » À ses yeux, ce « Seveso seuil bas » est surtout une option pour attirer d’éventuels locataires. « Rien ne dit qu’on n’atteindra jamais le plafond. Le vrai problème, ce sont les nuisances : circulation, bruit, pollution. »

La proximité des habitations et des écoles

Le projet touche directement les riverains : les premières maisons sont vraiment très proches. Pascal B, dont la maison est la plus impactée, alerte sur la sécurité routière : « Il y a déjà beaucoup de gens qui circulent ici. Avec tout ce trafic de camions prévu, la visibilité sera réduite : cet endroit va devenir accidentogène. » Myriam, autre riveraine immédiate, pense quant à elle aux enfants qui, en voiture ou en bus, vont être amenés à croiser tous ces camions sur le chemin de l’école et des activités sportives.

Si le projet se réalise, ce hameau de 145 habitants pourra dire adieu à sa tranquillité – photo Izabel Tognarelli

Un emplacement jugé « absurde »

Pour les opposants, l’implantation même du projet pose problème. Laurent insiste : « De nos jours, toutes les bases logistiques qui se trouvaient “à la campagne” ont été abandonnées par les logisticiens qui font reconstruire ailleurs, en bordure d’autoroutes. À Amilly, il faudra dix à quinze minutes pour rejoindre l’A77. Des sites plus proches existent, pourquoi choisir ici ? » Pascal D. , autre riverain, complète : « Sur la dorsale logistique française, de Lille à Marseille et de Brest à Strasbourg, la quasi-totalité des entrepôts sont installés près des échangeurs, des ports, des aéroports. Ici, on veut tout faire passer par une départementale déjà saturée et un rond-point microscopique qui dessert déjà l’hôpital, les écoles, les équipements sportifs et les zones résidentielles. C’est un non-sens. »

Une méthode qui crispe

Mais ce qui ne passe vraiment pas, c’est la méthode. Déjà, les riverains se sentent dans le flou total quant à savoir si des locataires se sont déjà manifestés et sont prévus pour ce projet. Et puis il y a les délibérations, présentées au vote de l’Agglomération montargoise mais aussi au conseil municipal d’Amilly le 1er juillet 2025, en pleine torpeur estivale : « Les élus n’avaient pas tous les éléments factuels : ils n’ont pas mesuré l’ampleur du projet », estime Pascal D.. Il faut dire que le dossier de demande d’autorisation environnementale et de permis de construire fait près de 800 pages une fois compilé…

Des inquiétudes pour l’eau potable

Enfin, le hameau est voisin d’un point de captage d’eau. Laurent souligne : « La Chise, usine de traitement des eaux, alimente près de 14 000 habitants : le bourg de Saint-Germain, une partie d’Amilly et de Montargis. Sur dossier, tout est prévu pour qu’il n’y ait pas de souci, sauf que le zéro défaut n’existe pas. S’il y avait un problème, l’impact serait énorme. »

Ces riverains tiennent à préciser qu’ils ne sont pas hostiles au développement économique : ils demandent une implantation cohérente et sûre.

La consultation publique s’achèvera le 4 octobre, en pleine campagne municipale, alors que le maire sortant d’Amilly, favorable au projet, ne briguera pas de nouveau mandat. Un cadeau empoisonné pour son successeur, quel qu’il soit, estiment les opposants. « Ce genre de projet n’apporte pas de richesses. Sur le coup, il amène de l’argent, ensuite, ce ne sont que des ennuis », conclut Pascal D.

L’opposition au projet s’organise, dans une catégorie de population qui a l’habitude de voter – photo Izabel Tognarelli

Associations et écologistes montent au créneau

L’UPAME, association présidée par Elif Gokhan, des Citoyens du Montargois, s’est engouffrée dans la brèche et argue d’un défaut d’information des élus (pour des pièces non transmises avant le vote). L’association demande à la Préfète d’annuler la délibération ou de suspendre la procédure de consultation publique.

Dans un communiqué, le groupe local des Écologistes dans le Gâtinais dénonce quant à lui une artificialisation massive des sols, « une aberration à l’heure où l’État affiche l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050 ». Jusque-là, ces champs étaient confiés en « occupation précaire » à un agriculteur. Il y cultivait des céréales destinées à la méthanisation, pratique qui déjà fait l’objet de critiques récurrentes dans le débat agricole et énergétique, mais au moins ces terres pouvaient-elles revenir à une vocation alimentaire. Ce ne sera plus le cas une fois cet entrepôt construit.

La prochaine réunion publique se tiendra le vendredi 24 septembre à 18h00, salle des Terres Blanches à Amilly.


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