Labellisé par le ministère de l’Agriculture, le Projet Alimentaire Territorial (PAT) du Gâtinais-montargois promeut une alimentation locale. Dans le même temps, deux projets logistiques menacent des terres agricoles dans le Montargois. Ce qui soulève des contradictions entre engagement écologique et aménagement du territoire.
Ces terres nourricières que le Projet Alimentaire Territorial (PAT) souhaite préserver, mais que les projets logistiques menacent de grignoter – photo Pixabay
Par Izabel Tognarelli
Le 10 septembre, tandis que certains battaient le pavé avec pour mot d’ordre « Bloquons tout », des élus du Montargois présentaient aux journalistes une victoire symbolique pour le territoire : le Projet Alimentaire Territorial (PAT) du Gâtinais montargois vient d’obtenir la labellisation nationale de niveau 2. Ce tampon du ministère de l’Agriculture consacre trois années de travail collectif et marque l’entrée dans une phase pleinement opérationnelle. Porté par le PETR, qui regroupe 96 communes et 130.000 habitants (voir encadré), le PAT entend transformer la façon dont on produit, distribue et consomme dans le Montargois.
Une reconnaissance nationale pour le Gâtinais
Entamée en 2022, cette démarche vise à engager le territoire dans une « transition agricole et alimentaire bas carbone, par et pour tous ». Le projet repose sur un diagnostic minutieux, enrichi par trois ateliers d’écriture collective réunissant soixante-dix acteurs, et par des actions déjà visibles comme la promotion des producteurs locaux, l’accompagnement de la restauration collective ou les animations autour du « bien manger ».
Transformer l’assiette locale
Concrètement, cette labellisation valide un plan de trente-cinq actions pour les cinq années à venir. Six chantiers prioritaires dessinent la feuille de route : soutenir la transmission des exploitations agricoles, sensibiliser les habitants aux enjeux alimentaires, rendre les produits locaux accessibles au plus grand nombre, accompagner les cantines vers des pratiques plus responsables, promouvoir une agriculture bas carbone et, enfin, fédérer les acteurs autour d’un réseau alimentaire cohérent. Dit autrement, il s’agit de préserver les terres nourricières et réduire l’empreinte carbone des assiettes, tout en garantissant que chacun, des écoliers aux familles précaires, puisse accéder à une alimentation de qualité.
Vivre à la campagne, avec de l’espace et du calme : l’idéal rêvé… mais aussi le terrain de jeu favori des promoteurs en quête de foncier – photo Izabel Tognarelli
Quand le béton recouvre les terres agricoles
À lire ainsi, le PAT trace une trajectoire limpide : moins d’intrants, moins de transport, plus de lien direct entre producteurs et consommateurs. Pourtant, au moment même où le territoire affiche ce label, d’autres décisions viennent brouiller l’image. Le 1er juillet, l’Agglomération montargoise et la mairie d’Amilly ont toutes deux donné leur feu vert au projet Westea, un entrepôt logistique XXL qui va recouvrir plus de 17 hectares de terres agricoles à Amilly. À Ferrières-en-Gâtinais, un autre mastodonte s’annonce : l’Ecoparc, vaste zone de 40 hectares, doit accueillir, entre autres, une plateforme logistique de 70 000 m² pour Cultura, destinée à distribuer livres et papeterie dans toute la France. Les travaux ont commencé à la mi-mai.
L’inévitable paradoxe
Ces projets, portés par des intercommunalités – ainsi que par la mairie d’Amilly dans le cas de l’entrepôt Westea – et validés par des élus dont certains, siègent également au PETR, soulèvent une question délicate : comment concilier l’ambition de préserver les terres agricoles, affirmée par le PAT et reconnue par l’État, avec des choix d’aménagement qui continuent de grignoter le sol nourricier ? Ce paradoxe est d’autant plus frappant que la préservation du foncier agricole et de la ressource en eau figure explicitement parmi les priorités du plan d’actions.
Une cohérence à construire
Les élus invoquent souvent la nécessité de créer des emplois et d’attirer des investisseurs. Mais le signal envoyé est ambigu. Car derrière la communication officielle sur la transition alimentaire, les hectares de champs qui disparaissent sous le goudron rappellent que l’équilibre reste fragile. Si la reconnaissance nationale confère au territoire une légitimité nouvelle, elle oblige aussi à la cohérence, dans un contexte où l’artificialisation des terres est devenue un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi de souveraineté alimentaire.
S’il parvient à aligner ses ambitions agricoles et alimentaires avec ses choix d’aménagement, ce label pourra incarner un modèle de transition. Dans le cas contraire, il risque de n’être perçu que comme un ornement sur un territoire qui, dans les faits, continue à sacrifier ses champs au profit des entrepôts.
Le PETR du Gâtinais montargois
Le Pôle d’Équilibre Territorial et Rural (PETR) du Gâtinais montargois réunit quatre intercommunalités, soit 96 communes et environ 130.000 habitants. Il correspond ainsi au bassin de population du Montargois, structuré autour de plusieurs centralités :
– Agglomération montargoise et rives du Loing (AME), le cœur urbain, autour de Montargis, Amilly et Châlette-sur-Loing, qui concentre population et emplois.
– Communauté de communes des Quatre Vallées (CC4V), au nord, avec Ferrières-en-Gâtinais et Château-Renard comme pôles principaux.
– Communauté de communes Canaux et Forêts en Gâtinais (CCCFG), à l’est, organisée autour de Lorris, Châtillon-Coligny et Bellegarde.
– Communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l’Ouanne (3CBO), à l’ouest et au sud, avec Dordives et Courtenay comme centralités structurantes.
Le PETR a pour mission de coordonner les politiques publiques à l’échelle de ce territoire élargi. Il est notamment en charge du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT), qui fixe les grandes orientations en matière d’urbanisme, d’environnement, de climat, de mobilité et d’aménagement de l’espace.
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