En cette année internationale des coopératives, l’Observatoire de l’ESS -l’Economie Sociale et Solidaire- organisait le 17 septembre dernier, à la Maison Régionale de l’ESS à Fleury-les-Aubrais, à l’attention de ses partenaires et des médias, son 3ème petit déjeuner avec pour thématique: « Les coopératives, un modèle d’avenir ».
Par Eric Botton
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L’occasion de rappeler les fondements de ce modèle, mais aussi de présenter les chiffres clés régionaux et l’étude instructive réalisée à ce sujet par la Caisse d’Epargne (elle-même structure coopérative). Le tout assorti des témoignages éclairants de la Coopérative d’Activités et d’Emploi « Odyssée Création » et de l’URSCOP, l’Union Régionale des Sociétés Coopératives et Participatives (ou encore Sociétés Coopératives de Production). Avec en arrière-plan l’enjeu important d’assurer une meilleure connaissance de ce modèle, encore largement minoritaire, pour pouvoir développer celui-ci et les valeurs originales qu’il porte.
Un modèle mal connu
La plupart de nos concitoyens connaissent bien aujourd’hui la création d’entreprise (plus d’1 million de nouvelles entreprises créées en France en 2024 – source INSEE), et la variété des statuts pour lesquels il est possible d’opter : SA, SARL, SAS, SASU, EURL… Mais l’on pense moins souvent, comme le rappelle Anne-Sophie Nateaw, Chargée d’études à la CRESS Centre-Val de Loire, au modèle coopératif, pourtant déjà ancien, issu de la Loi du 10 septembre 1947 votée au lendemain de la Libération, qui fêtera donc ses 80 ans en 2027, et dont les salariés se retrouvent associés majoritaires au sein d’une entité autonome, gérée par ses membres et indépendante sur le plan juridique.
« Le modèle coopératif permet aux femmes et aux hommes qui y participent de construire des biens communs au service d’une économie performante et d’une société plus juste et plus durable » nous indique Nébia Kharbi, Directrice Economie Sociale à la Caisse d’Epargne Loire Centre, en présentant l’étude menée par ce réseau bancaire auprès d’un échantillon représentatif de 5000 personnes, confirmant que le modèle coopératif reste encore méconnu, bien que conforme aux aspirations des français. Car c’est bien de valeurs qu’il s’agît de mettre en avant au travers du choix de la coopérative, et au moment où l’on parle de taxe Zucman et de solliciter la contribution des plus aisés : autonomie, responsabilité, démocratie, égalité, équité, solidarité et partage de la valeur. Loin du modèle capitaliste encore dominant, au service exclusif de ses actionnaires. Là où seulement 1% de la population mondiale possède près de la moitié des richesses, tandis que les 50% les plus pauvres de la planète (environ 4 milliards d’individus) n’en possèdent que 2%…
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Et Caroline Dumas, Directrice de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire, d’ajouter en réponse aux affirmations de Patrick Martin (Président du MEDEF depuis juillet 2023) relatives au fait qu’il ne peut pas y avoir d’entreprise sans actionnaires : « En fait si ! En revanche il ne peut pas y avoir d’entreprise sans parties prenantes, et notamment sans salariés ».
Aujourd’hui, les coopératives représentent de façon stable en France 10% du PIB, même si leur nombre a augmenté d’environ 10% en 5 ans et atteint désormais près de 22.500, représentant 1,3 million de salariés (près de 5% de l’emploi salarié), et 31 millions de sociétaires, pour un chiffre d’affaires de 381 milliards, équivalent au PIB du Danemark. Pour notre seule région (en 3ème place du classement national), ce sont pas moins de 1.250 établissements, représentant plus de 15.000 salariés. Enfin, au niveau mondial, il existe plus de 3 millions de coopératives représentant 1 milliard de membres (12% de l’humanité), et 281 millions de salariés (près de 10% de la population active mondiale). On le voit ici, le poids des coopératives est loin d’être négligeable, et cela concerne tous les secteurs d’activité, même s’il existe principalement 3 secteurs phares : l’agriculture et agro-alimentaire, les banques et assurances, le commerce de détail.
Un modèle efficace
En outre l’étude nous apprend que la coopérative est considérée comme un modèle efficace pour répondre aux besoins essentiels de notre société, en termes de santé, de précarité, de logement, de vieillissement et d’autonomie (seniors, handicap), d’éducation, d’alimentation, de travail et d’emploi, d’environnement. D’autre part, dans le contexte géopolitique que nous connaissons aujourd’hui, la moitié de l’échantillon interrogé estime que le modèle coopératif peut contribuer à renforcer la stabilité et la souveraineté économique française et européenne face aux incertitudes mondiales. L’objectif clairement affiché aujourd’hui est donc de développer ce modèle. Mais de quelle manière ?
Sans doute d’abord en communiquant et en parlant davantage, en n’hésitant pas notamment à saisir les occasions qui marquent, telle le récent sauvetage de la société Duralex passée sous statut SCOP. Caroline DUMAS le souligne : « Le message n’est pas suffisamment porté par le mouvement coopératif, les coopératives ne se montrent pas suffisamment ensemble, il faut donner davantage de visibilité aux coopératives et plus généralement à la ‘marque’ ESS ». Cela pourrait passer en particulier par une meilleure formation et éducation des jeunes sur l’existence de ce modèle coopératif, et pas seulement sur le modèle traditionnel de l’entreprise avec actionnaires, en utilisant davantage le dispositif pédagogique de la CJS par exemple, la Coopérative Jeunesse de Services, où des groupes de jeunes de 16 à 18 ans sont accompagnés durant l’été pour créer et développer leur entreprise coopérative. Et cela pourra peut-être aussi passer par la nouvelle génération des 18-35 ans, porteuse d’espoir à ce niveau, en quête de sens, et dont l’étude fait ressortir qu’elle plébiscite les valeurs coopératives et les juge indispensables pour bâtir un monde meilleur.
>Le prochain petit déjeuner est fixé au mois de décembre et abordera le sujet de la transition écologique (étude réalisée en partenariat entre l’ADEME et ESS France sur la thématique de « l’Economie Sociale et Solidaire dans les scénarii de l’ADEME »).
Trois questions à Caroline DUMAS, Directrice de la CRESS Centre-Val de Loire depuis 20 ans :
MC En 20 ans, comment a évolué l’ESS en région et les coopératives en particulier ?
CD Quand j’ai commencé, il y avait tout juste 20 SCOP, aujourd’hui il y en a 86 ! Les institutionnels et la majorité du grand public connaissent maintenant ce secteur de l’Economie Sociale et Solidaire, mais les acteurs de l’ESS doivent s’affirmer davantage encore.
MC Comment êtes-vous structurés aujourd’hui ?
CD Nous sommes une association Loi 1901 qui compte 40 membres. Il s’agit de têtes de réseau, de structures régionales, d’autres Fédérations… et nous comptons actuellement 9000 entreprises relevant du secteur de l’ESS en région.
MC De quels moyens disposez-vous pour accomplir vos missions :
CD Nous sommes actuellement une équipe de 11 professionnels et nous appuyons sur un budget annuel de 700k€, provenant de l’Europe, de l’Etat, de la Région, de la Banque des Territoires, des cotisations des membres et de la vente de prestations de service.
Pour en savoir plus :
Loi de 1947 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000684004
SCOP : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F31328
CRESS : https://www.cresscentre.org/
CAE : https://odyssee-creation.coop/odyssee-creation-en-bref/
URSCOP : https://www.les-scop-idf.coop/l-annuaire/centre-val-de-loire-fr
CJS : https://lafabriquecooperative.fr/cooperatives-jeunesse-de-services/