À quelques mois des élections municipales à Tours et alors que la majorité d’union de la gauche dirigée par Emmanuel Denis fait son bilan, les droites locales continuent de se chercher. Tentative de panorama à l’instant T.
Les droites locales peinent encore à s’unir à quelques mois du scrutin municipal à Tours. ©37°
Par Joséphine.
Le gang des parachutés
Passons rapidement sur le candidat du RN, Aleksandar Nikolic, député européen, conseiller régional et porte-parole du parti. Parachuté à Tours en mai dernier, Nikolic ne connaît que peu les réalités locales, faisant son tout premier tractage à Tours… la semaine dernière, avant d’être interviewé une heure durant sur Val de Loire TV. Jusque-là, dans son agenda très rempli, il s’était contenté de quelques capsules vidéos sur les réseaux sociaux, plaquant de manière artificielle sur Tours les obsessions frontistes du moment.
Pour l’instant, Nikolic fait donc le service minimum et s’appuie sur quelques bons petits soldats – Lionel Béjeau, un ancien membre de la majorité Bouchet passé au lepénisme ; Lisa Garbay, très jeune candidate aux dernières législatives et Jean-Guy Protin, un retraité issu du canal historique –, mais reste à voir si une véritable dynamique s’enclenche, permettant de recruter au-delà du cercle restreint des notables RN, notamment à Tours Nord où le parti enregistre des scores solides. La stratégie restera quoi qu’il arrive assez simple : taper sur la majorité plurielle d’Emmanuel Denis, tenter de se qualifier au second tour et incarner ainsi une véritable opposition afin de s’installer durablement dans le paysage local.
Un peu moins à droite
Un peu moins à droite, mais pas de beaucoup, on retrouve un autre parachuté, l’actuel député et conseiller départemental de Loches, Henri Alfandari, cadre du parti Horizons. Arrivé sur le tard en politique, issu d’une famille de magnats des cliniques privées – le groupe Saint-Gatien –, Alfandari pensait mettre tout le monde d’accord en annonçant par surprise sa candidature au printemps dernier. Sauf que… tout ne s’est pas passé comme prévu et désormais « le Duc », comme certains l’appellent, ne rassemble autour de lui qu’un attelage disparate de notables locaux en rupture de ban. Parmi eux, le très droitier et très catholique Thibault Coulon, ex-LR-manif-pour-tous et ex-membre de la majorité Bouchet entre 2014 et 2020. Il y a aussi le non moins droitier Arnaud Roy, ex-villiériste et soutien de la candidature macroniste de Benoist Pierre à la municipale de 2020.
Pour équilibrer un peu l’image conservatrice d’Alfandari, épinglé lors d’un meeting en 2024 pour avoir déclaré préférer le RN à LFI, lui qui a ensuite voté sur cette législature 62% du temps comme le RN, on retrouve sur la liste les insubmersibles Mélanie Fortier (PRG) et Pierre Commandeur (Modem). Tous les deux sont d’anciens proches de la majorité de François Bonneau à la Région et de Jean Germain à la mairie de Tours mais sont passés à droite en 2020, siégeant depuis sur les bancs de l’opposition municipale. Sans oublier non plus l’ex-PS devenu macroniste – et un temps député de Tours –, Philippe Chalumeau.
L’éternel outsider
Benoist Pierre est lui aussi candidat pour les municipales, encore un poil moins à droite que les deux précédents. Ex-PS, ex-LREM, ex-Territoires de Progrès, il est désormais membre d’Horizons mais sans l’investiture officielle du parti qui lui a préféré Henri Alfandari. Candidat largement défait aux municipales de 2020 et à la législative de 2024, Benoist Pierre a d’ailleurs figuré pendant quelques semaines sur la liste d’Henri Alfandari avant d’en claquer la porte avec fracas. Très isolé pour l’instant, il a pour unique soutien de poids celui de Barbara Darnet-Malaquin. Cette dernière, membre de la majorité municipale à Tours entre 2014 et 2019, avait démissionné de son poste d’adjointe à l’éducation après avoir été publiquement traitée de « pourrie » par Christophe Bouchet. Barbara Darnet-Malaquin avait alors rejoint la candidature de Benoist Pierre pour les municipales 2020 puis s’était ralliée au second tour à… Christophe Bouchet. Élue ensuite conseillère départementale de Tours-Sud avec pour binôme Olivier Lebreton (LR) en 2021, elle a été la suppléante d’Olivier Lebreton à la législative de 2022 puis la suppléante de Benoist Pierre à la législative 2024. C’est bon, vous suivez ?
Dynamique unitaire et candidats paumés
En parallèle du premier trio de candidats de droite, il y a aussi une dynamique unitaire…à droite. Car depuis quelques mois, avec la perspective d’un embouteillage de candidatures, certains ont eu l’idée d’initier un processus de désignation d’un candidat unique, histoire d’aller à l’élection en bon ordre de bataille. En a résulté une charte avec un contenu programmatique a minima et la promesse de se ranger derrière le grand vainqueur du processus. Sauf que pour l’heure, les cinq signataires de la charte n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le mode de sélection de leur champion, chacun avançant ses pions en attendant que la situation se décante.
On retrouve donc parmi les signataires une vieille gloire de la période Jean Germain : Alain Dayan, ancien adjoint au commerce. Ex-PRG, ex-PS, ex-soutien d’Emmanuel Denis en 2020, il en est devenu un adversaire acharné, tout colère de ne pas avoir obtenu de place sur la liste il y a cinq ans. Désormais membre de Place Publique mais en rupture avec les orientations stratégiques du parti de Raphaël Glucksmann à Tours – en négociation avec Denis –, Dayan avait de toute façon annoncé sa candidature pour les municipales dès…mai 2024.
On a ensuite Bertrand Rouzier, ancien membre de la très confidentielle formation Génération Écologie, le groupuscule de Delphine Batho. Il est désormais proche de la non moins groupusculaire Convention de Bernard Cazeneuve. Ancien membre de la majorité d’Emmanuel Denis en 2020, Rouzier en est parti rapidement sans avoir obtenu une position à la hauteur de ses ambitions. Très discret pendant des années, il tente depuis quelques semaines de percer en faisant le buzz, notamment après l’épisode de son escalade à un arbre qui allait être coupé pour laisser passer la deuxième ligne de tram.
La droite-sourire-Colgate
Les macronistes, eux, sont peu nombreux à Tours et c’est Loïc Guilpain qui a été désigné « Pilote de campagne » (sic) par le parti. Brouillé avec Benoist Pierre, sans véritable envergure pour être lui-même candidat, Guilpain a également signé la charte unitaire. Des confidences de son entourage le donnent comme très courtisé par les barons locaux LR Philippe Briand et Frédéric Augis qui veulent que Guilpain se range derrière la candidature d’Olivier Lebreton.
Réputé bon animal politique assez à l’aise en campagne, Olivier Lebreton justement, prépare sa candidature municipale depuis un moment, ayant rompu avec Christophe Bouchet dès février 2024. Multipliant les punchlines en Conseil municipal, mettant en scène sa marche au pouvoir avec la sortie d’un livre – « Itinéraire d’un homme libre » –, sa tactique est de capter la lumière et de s’imposer comme le principal opposant à Emmanuel Denis. Lebreton s’est choisi comme lieutenant le jeune Romain Brutinaud, patron de l’UDI37, ancien soutien de Bouchet en 2020 et assistant parlementaire de la sénatrice Françoise Gatel, devenue ministre déléguée depuis quelques mois. Pariant sur le renouvellement générationnel pour trancher avec ses adversaires plus grisonnants, Lebreton pourrait intégrer sur sa liste plusieurs jeunes premiers issus du très droitier micro-parti « Nouvelle Énergie », dont la sulfureuse Ambre Louisin, venue du RN et de Reconquête. Cela permettrait à Lebreton à la fois de rassurer sur sa droite et d’aller draguer au centre en adoucissant son image, lui qui s’est fait une réputation clivante par ses prises de position réactionnaires. Mais depuis quelques semaines, la candidature patine un peu, Lebreton se voyant reprocher sa tendance à la jouer solo, surtout par rapport à ses camarades LR qui ne lui ont pas pardonné d’avoir enjambé la dernière législative.
Règlements de compte à LR
Et justement, pour compliquer le tout – si, si, c’est possible –, vient se rajouter la question de l’investiture officielle LR pour les municipales. En fait, malgré les sourires de façade, le parti affronte une énième guerre interne, cette fois entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez. Et cette guerre a également connu une bataille tourangelle. Principale victime ? Olivier Lebreton. Mais aussi les barons historiques Philippe Briand et Frédéric Augis, tous plutôt du côté de Wauquiez.
Car en fait, en Touraine, c’est plutôt la tendance Retailleau qui est majoritaire. Et c’est donc le très conservateur et pieux Brice Droineau qui a été désigné chef de file pour les municipales il y a quelques jours et non Olivier Lebreton. Droineau, ancien de l’équipe Bouchet de 2014 à 2020 et conseiller départemental de Tours Nord, aura pour mission de proposer un candidat à la commission d’investiture nationale LR, mais cela ne veut pas dire qu’il sera lui-même candidat. C’est même « peu probable, vu son manque de carrure et de notoriété », analyse un petit camarade. Mais, choisi pour sa proximité avec Retailleau, il y a peu de chances pour que Droineau propose le nom de Lebreton. Et il n’y a pas davantage de chances pour qu’il propose de rallier la candidature Alfandari, comme certaines rumeurs le laissaient entendre il y a peu, les Républicains ne voulant absolument pas faire d’Alfandari l’homme fort de la droite tourangelle.
Ainsi, Marion Nicolay-Cabanne, membre de LR, ex-première adjointe de Christophe Bouchet et rare figure à rester loyale aux personnes et à sa ligne politique pourrait être celle qui fait la différence. Restée en dehors des écuries des barons historiques du parti Philippe Briand et de Jean-Gérard Paumier, fidèle au parti au point d’accepter d’être la suppléante de la candidature sacrificielle de LR aux législatives 2024 – moins de 6% au premier tour –, Nicolay-Cabanne a réussi à obtenir la signature d’une dizaine de membres de LR-Tours qui s’engagent déjà à suivre, comme elle, Christophe Bouchet. Dans ces conditions, on voit mal comment Brice Droineau et la commission nationale des investitures des Républicains ne suivraient pas cette dynamique, en achevant ainsi Lebreton et Alfandari.
Vieux pots et vieilles confitures
Vient donc enfin Christophe Bouchet, celui qui fait désormais office de favori dans la dynamique unitaire. À l’aise financièrement, avec pas mal de temps libre, Christophe Bouchet ronge son frein depuis des années, n’ayant jamais digéré sa défaite de 2020, accusant le Covid et l’abstention de lui avoir coûté la victoire promise. Preuve que les signaux passent au vert pour lui, il vient de lancer officiellement un site internet, un nom de liste, un code-couleur et il publie depuis cet été des capsules vidéo mettant en avant les grands axes de son futur programme. Il a également inondé de tracts les boîtes aux lettres du centre-ville.
Reste maintenant à savoir si toutes ces candidatures iront bel et bien au bout, notamment celle de Benoist Pierre, ou si Olivier Lebreton et Alain Dayan accepteront de s’effacer dans le processus unitaire. Un temps donné tout proche de jeter l’éponge, Henri Alfandari semble vouloir aller au bout, il vient d’ailleurs d’inaugurer son local de campagne, se mettant en scène dans une vidéo, repeignant la pièce principale, juché sur une échelle. Elle promet, cette campagne.
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