Des élus aux influenceurs réacs, tout le monde s’accorde sur une chose : c’est le bordel. Époque révélatrice d’une France exténuée, tiraillée entre nostalgie et populisme, et leurs relents déversés dans le caniveau des réseaux sociaux.
Combien de temps encore avant que le pays ne retrouve un semblant stabilité politique ? ©Assemblée nationale
Par Fabrice Simoes.
Dans le Cher, les députés sont unanimes. Dans le Loir-et-Cher, les députés sont unanimes. Dans l’Indre-et-Loire, les députés sont unanimes et on ne parle même pas des députés de l’Indre, du Loiret et d’Eure-et-Loir. Pour faire court, les députés de la région Centre-Val de Loire, même pas de partis identiques, sont tout autant dépités qu’unanimes : c’est le bordel mon général. Que ce soit à Orléans, Tours, Bourges, Châteauroux, Chartres ou Blois, dans les villes-préfectures et les villes-sous-préfectures, les élus se disent fatigués d’entendre au petit matin un refrain gouvernemental qui ne fait pas autant recette que Sonny and Cher et leur « I Got You Babe ». Faut-il préciser qu’ils ne sont pas seuls ?
Le bal des fatigués
Alors que le conservatisme idéologique est de mise, tandis que le Thatchérisme économique est devenu dogme, la période est ainsi favorable aux discours populistes. Un gouvernement qui ne tient qu’à une poignée de voix. Un président omnipotent que la Droite classique et l’Extrême droite qualifient de gauchiste et que la Gauche traditionnelle inscrit comme monarchiste. Il n’en fallait pas moins pour que le trouble s’installe. Le coup de la dette a marché jusqu’au moment où il aura fallu mettre la main à la poche et/ou faire des économies. Faire un choix de société…
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Excellent moment pour certains, comme des Roger Gicquel du XXIe siècle, pour appuyer sur les craintes primitives et pulsionnelles. Depuis la révolte des « gilets jaunes », sans vraie pensée démocratique mais fausse révolution populaire, reflet d’une beaufitude crasse et d’une inculture généralisée, le travail est prémâché. Forts de sondages qui, hier, ne voulaient rien dire mais qui, désormais favorables, en deviennent significatifs, les mêmes en appellent à une dissolution de cette Assemblée nationale complètement à la ramasse. Dans son coin, le petit Jordan ne dit pas grand-chose, des fois que ce serait une bêtise. Pourtant, comme un chanteur de pacotille, il se voit bien en haut de l’affiche. Le cœur léger et le bagage mince, il est certain de conquérir Paris. Chez le tailleur le plus chic, il a fait faire ce complet bleu qui est du dernier cri. Il se voit déjà adulé et riche, signant des photos aux admirateurs qui se bousculent. Ce n’est pas une prophétie de Nostradamus, ce sont juste des paroles prémonitoires de Charles Aznavour. Un Arménien même pas de chez nous en plus. Tel un Iznogoud. Calife à la place du calife, il n’est pas loin de croire en sa bonne étoile. Une histoire où le fauteuil d’Haroun El Poussah lui est dévolu d’avance. Les sondages ne disent pas autre chose. On va voir ce qu’on va voir. Et tous les adversaires islamo-gauchistes, catholico-droitistes – non pas eux, on a dit pas les amis – d’être voués au supplice du pal. Un pieu vœu pour économiser les balles.
La bêtise 2.0
Sur les murs Facebook, sur les réseaux TikTok et autres machines à fabriquer la bêtise humaine, nouvelles portes des chiottes d’autoroutes et de bistrots des générations Y et Z, s’incrustent des graffitis à l’identique de leurs aînées. Nés avant leurs parents, les néo-sachants sont sûrs de tout. Surtout de rien. Ce n’est même pas un conflit de générations. Aux yeux de tous, si Roger versus 1975 ne déclare plus sa flamme avec un dessin phallique rarement de bonne qualité esthétique, c’est aujourd’hui Dylan, calibré 1990, ou Kévin 2000, qui s’y colle. Il nique sa mère et sodomise ses voisins, ses voisines et le monde entier tant qu’on y est. Le « en même temps » s’est transformé en « tout, tout de suite… ». L’empathie est une notion perdue à moins de la montrer en vidéo. Quant à une potentielle conscience politique, il ne faut pas attendre grand-chose de ce côté-là.
Finalement, sans savoir si la marmotte va ouvrir les yeux à Punxsutawney, et se mettre à enrober de papier d’alu une tablette de chocolat, au matin le sourire d’Andie MacDowell est autrement plus agréable que celui de Bruno Retailleau en train de jouer au faiseur de roi et de princes. Vous n’avez pas l’impression, parfois, de vous sentir seul ?
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