À l’initiative d’Alain Fillon, amateur d’art orléanais, André Robillard, artiste fleuryssois, l’une des figures internationales de l’art brut, a pu se rendre le 19 septembre à Paris, au Grand Palais, à l’occasion de l’exposition « Art brut. Dans l’intimité d’une collection, Donation Decharme au Centre Pompidou ». L’une de ses œuvres était présentée aux cimaises. Deux Orléanais, Pascal Nottin, artiste peintre et sculpteur, Yvan Hesbois, peintre plasticien et auteur, faisaient partie d’un voyage organisé, l’art et le cœur sur la main. Récit et autres histoires.
Par Jean-Dominique Burtin.
Hommages multiples et médaille de Chevalier des Arts et Lettres

Y. Hesbois, P. Nottin, A. Fillon, André Robillard au Grand Palais. Photo DR
Bien des amateurs d’art de notre région se souviennent de marques de reconnaissance adressées au fil du temps à André Robillard aujourd’hui âgé de quatre-vingt-quatorze ans. Évoquons entre autres : une exposition avec Jean-Pierre Pincemin au Centre d’Arts contemporains d’Orléans, une autre avec Josef Nadj au Musée des Beaux-Arts d’Orléans. Il y eut aussi celle que lui consacra l’écrin de La Borne à Fleury-les-Aubrais. Citons encore une collaboration avec le duo belge La Jungle à l’Astrolabe, salle orléanaise des musiques actuelles, ou l’Atomic Spoutnik, un envoûtant voyage musical galactique du Tricollectif avec comme guide et chef d’équipage, l’artiste aux fusils, André Robillard. Rappelons enfin que Madame Sylvie Le Clech, alors directrice des Affaires culturelles de la Région Centre-Val de Loire remit, en novembre 2015, au CHD Daumézon, la Médaille de Chevalier des Arts et Lettres à André Robillard.

Sylvie Le Clech DRAC et André Robillard cl GP
« Lors de la visite, il a même parlé martien ! »
Pascal Nottin à propos de cette visite : « Nous avons été reçus comme des rois par les responsables de l’exposition du Centre Pompidou. Ce furent des moments uniques pour André Robillard. Lors de la visite, il a rencontré le public et chanté, joué de la musique et même parlé martien. »
Alain Fillon, créateur à Orléans d’un lieu de partage artistique intitulé « L’Artelier » : « Avec André Robillard, dont l’œuvre me passionne, nous nous connaissons depuis longtemps. Ce qui me plait dans ce voyage, c’est l’idée, c’est le plaisir simple que l’on peut offrir à cet artiste, un plaisir qu’à mon sens il lui faut et qu’il mérite. Oui, ce monsieur a une vie certes particulière et aujourd’hui il est presque heureux. À Paris, il a été reçu comme un petit prince et c’est avant tout la seule chose dont je suis enchanté. »

André Robillard. Musique à Paris. Photo Pascal Nottin.
« Jean Dubuffet a démarré ma vie. Ce machin d’œuvres a changé ma vie. »
Gérard Poitou, responsable de la rédaction et chef de la rubrique Culture de Magcentre : « André Robillard est un artiste dont l’histoire originale s’inscrit dans la lente reconnaissance de ce que l’on appelle l’art brut, dont il est sans doute l’un des premiers représentants décoré par la République. »
Entré à l’hôpital psychiatrique de Fleury très jeune, André Robillard y deviendra agent auxiliaire et y restera interné jusqu’à aujourd’hui. C’est dans les années 50 qu’il commence à discrètement ramasser des « machins » comme il dit, des objets les plus hétéroclites qui seront la matière première de la fabrication de ses fusils qu’il prend soin de nommer « Fusil russe rapide 256 », « Fusil lunaire Germany Vherner Von Braun », « Fusil russe C.C.C.C.P T.K.R 66 rapide ». Ainsi commence-t-il à bâtir son univers artistique clandestin.
Et Gérard Poitou de poursuivre : « C’est le psychiatre Paul Renard, découvrant dans les années 60 la production d’André Robillard, qui décida d’envoyer un fusil de fabrication Robillard à Jean Dubuffet, qui avait commencé à préserver et à collectionner les œuvres d’art brut (cette collection partira intégralement au musée de Lausanne, le ministère français de la Culture de l’époque n’ayant pas trouvé de lieu pour présenter cette collection…), et ce premier fusil enchante aussitôt l’artiste et théoricien de l’art brut. De cette rencontre avec Jean Dubuffet, André Robillard dira qu’ « il a démarré ma vie » en ajoutant « ce machin d’œuvres, ça a changé ma vie ! ».
« Mes parents sont encadrés, comme ça ils sont toujours là »
Soucieux de rendre compte de cette journée de septembre dernier et d’évoquer la joie d’André Robillard vers qui viennent des admirateurs qui le reconnaissent, Pascal Nottin nous livre quelques mots souriants d’André Robillard prononcés lors de rencontres avec les uns et les autres :
« La Saint-André c’est le 30 novembre, ça ne bouge pas c’est comme l’habitude !
Tu as une bonne mémoire, une mémoire d’éléphant !
Mes parents sont encadrés (dans un cadre) comme ça ils sont toujours là !
J’ai ma maison !
La mémoire ce n’est pas permis à tout le monde !
On a beau être rapide… les années vont plus vite que nous ! »
« La planète bonheur », poème de Christian Jamet dédié à André Robillard
Christian Jamet, écrivain, conférencier, historien de l’art et Orléanais, l’un des fidèles d’André Robillard a notamment publié chez Corsaire Editions un passionnant ouvrage intitulé « André Robillard ; l’art brut pour tuer la misère ». L’auteur vient aussi de publier, chez L’Harmattan, un recueil de poèmes intitulé « Lampyres de la lune ».
Que sont les lampyres ? Réponse de l’auteur : « Ces vers luisants fragiles qui brillent sous le regard de la lune ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Nouvelle réponse : « La poésie ne chasse pas la nuit : elle y trace des sentiers de lumière, offrant à qui la suit la promesse d’une présence, d’un réconfort, d’une beauté secrète. Témoins de nos blessures, gardiens de nos enfances enfouies, éclairs de l’invisible, les lampyres de la poésie se font aussi passeurs de nuit. »
Dans ce recueil, Christian Jamet écrit un très beau texte dédié à André Robillard. Le voici :
LA PLANÈTE BONHEUR
Dans son jardin
là-haut sur la lune
André fait pousser
des fleurs de lumière
Il les cueille
amoureusement
comme on glane les heures
dans le champ infini
des petits bonheurs
Les trilles d’un serin
saluant le jour
un ninas
une lettre
un coin de ciel bleu
et l’harmonica
joyeux
joue Les Fiancés d’Auvergne
et La Java bleue
Parfois
un Martien
invite à la fête
à l’auberge de la Galaxie
où André a plus d’un ami
Il voyage en fusée
au cœur de sa maison
navigue avec entrain
de Mercure à Neptune
rasant Jupiter
jonglant avec Saturne
les poches remplies
d’éclats de comètes
Heureux comme Ulysse
après son odyssée
il bricole un fusil
de guerre des boutons
avant de faire surgir
d’une boîte à couleurs
un rossignol des bois
ou un paon indien
un dinosaure pansu
ou un renard de Gien
Au café des Bosquets
il lève son verre aux planètes
et boit à leur santé une bière
si lente
si pleine d’histoires
qu’elle enjambe
les mers
tous les continents
du pays des spoutniks
à celui des peluches
On murmure que naguère
au clair de lune de la misère
une étoile du Grand Cœur
prenant André par la main
l’a mené
— loin des pleurs —
vers la planète Bonheur
des gardiens de l’enfance.
Michel Dubois : « Un homme attachant et plein de joie »

De G à D : Christian Jamet, A. Robillard, M. Dubois. Photo GLG.
Michel Dubois, sérigraphe et galeriste amateur d’art, découvreur de talents en devenir qui a toujours le geste de faire l’acquisition d’œuvres d’artistes qu’il aime et défend, évoque, répondant à notre sollicitation, une rencontre avec André Robillard : « En 2016, j’ai acquis une œuvre d’André Robillard et j’ai eu le plaisir d’être livré directement à la galerie Le Garage, par l’artiste, accompagné de Christian Jamet et d’Alain Clavaud Daubigny. Digne représentant de l’art brut, homme attachant et plein de joie de vivre, il nous a fait l’amitié de jouer, à l’improviste, un air d’harmonica. Nous le connaissons tous pour ses fusils faits de matériaux de récupération inspirés, je crois, par des souvenirs de chasse avec son père et dont il n’a pas conscience qu’ils deviennent des œuvres d’art. »
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