« WOKE », un cri de liberté et de résistance

Woke, c’est une pièce de théâtre mise en scène par Virginie Despentes, coécrite avec Julien Delmaire, Anne Pauly et Paul B. Preciado. C’est un cri de résistance, un joyeux bordel, un refus de résignation joué par un casting de douze acteur·ices hors normes. Une pièce qui était présentée cette semaine au CDN d’Orléans.

Lorsque les acteur-ices quittent définitivement la scène, il reste des lettres géantes. On peut lire "Woke" et "Antifalove". Crédit : Jeanne Beaudoin.
Lorsque les acteur·ices quittent définitivement la scène, il reste des lettres géantes. On peut lire “Woke” et “Antifalove”. Crédit : Jeanne Beaudoin.


Par Jeanne Beaudoin.


« L’idéologie woke », une formule inventée par les réactionnaires afin de décrédibiliser une prise de conscience grandissante qui s’oppose aux injustices et aux discriminations subies par les minorités. Ce terme, initialement péjoratif, sert à enfermer et discréditer les mouvements sociaux antiracistes, anti-impérialistes, queer, anticapitalistes, écologistes ou encore féministes. Dans la pièce, cette idéologie est détournée et devient une force. 

« Woke » pour contrer l’insulte

« Nous avons appelé la pièce WOKE car c’était devenu l’obsession de l’extrême droite et des laïques nationalistes », explique Virginie Despentes. Une obsession qui s’est transformée en une véritable répression, notamment depuis le retour de Trump aux États-Unis. Rappelons que d’après le New York Times, celui-ci a envoyé en janvier dernier une liste de 200 mots à éviter (parmi lesquels : racisme, diversité, santé mentale…) dans les documents gouvernementaux ainsi que dans la recherche, soi-disant pour combattre « l’idéologie woke des agences de l’État ». Cette obsession contre le « wokisme » se manifeste également depuis plusieurs années en France, parfois même jusqu’au sommet de l’État. Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’Éducation, l’a même qualifié de « nouvel obscurantisme ». 

Virginie Despentes revient ainsi sur cette vision réactionnaire, complètement hors sol, selon laquelle le wokisme serait un mouvement à combattre. Un mouvement qui serait plus dangereux que « la raréfaction de l’eau potable, l’empoisonnement de l’air, de la terre, la confiscation délirante de nos vies par les ultrariches, le rachat des domaines de la culture et de l’information par les intégristes, le racisme institutionnel ou la violence meurtrière des policiers du néolibéralisme ». Cette pièce remet ainsi sur le devant de la scène la démesure de cette obsession.

Lors de la pièce, plusieurs journalistes entrent et envahissent l'espace. Crédit : Arnaud Bertereau.
Au cours de la pièce, plusieurs journalistes entrent et envahissent l’espace avec leurs questions. Crédit : Arnaud Bertereau.

Des activistes de la paix

Cette pièce, écrite dans un contexte de guerre en Ukraine, au Congo et au Soudan, de génocide en Palestine, ou encore de soulèvements contre la réforme des retraites, se présente comme un exutoire. Elle souligne l’importance de continuer à créer et à s’exprimer, malgré le contexte politique répressif. Aucun·e des auteur·ices ne se revendique woke. Iels dénoncent plutôt le fait d’être pris·es dans un discours qui les chosifie et nie leur singularité. L’objectif est ainsi de retourner le stigmate, de répondre avec ironie, poésie et joie.

Pour donner vie à cet hymne à la paix, les artistes ont été soigneusement choisi·es. Iels viennent « de la fièvre des ballrooms, de la performance queer, du théâtre expérimental, du cabaret burlesque, du rap hardcore ou encore du cinéma underground ». Des voix qui partagent, avec le texte, une tendresse bouillonnante et radicale et qui, une fois réunies, offrent une performance joyeuse, révoltée et, surtout, jubilatoire. On retrouve ainsi Sasha Andres, Félix Back, Poline Baranova Kiejman, Casey, Mata Gabin, Soraya Garlenq, Ambre Germain Cartron, Félix Maritaud, Mascare, Soa de Muse, Miya Péchillon et Clara Ponsot. 

Une pièce irrespirable, poussée à l’extrême

Sur scène, on retrouve quatre doubles fictionnels des auteur·ices. Iels tentent d’écrire ensemble une pièce autour de la liberté de créer dans un contexte d’oppression. Progressivement, des personnages émergent, muses ou démons, pour partager des prises de parole aussi bien poétiques qu’engagées. Une pièce qui fait autant rire que réfléchir. Ce n’est pas seulement un exutoire : le spectacle devient une prise de conscience profondément queer, antiraciste et anticapitaliste. 

Si la pièce commence sobrement et donne envie de rire à gorge déployée, l’ambiance devient petit à petit irrespirable, jusqu’à ce que la fumée envahisse la scène et le théâtre entier. Comme si la scène prenait feu. Une manière de représenter la situation politique actuelle, qui devient oppressante et suffocante, où les libertés semblent perdre leur place.

L'oracle vient annoncer l'avenir. Crédit : Paulin Rachel.
L’oracle vient annoncer l’avenir. Crédit : Paulin Rachel.


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About Lambada, entre danse et utopie européenne. 

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