« Deux pianos » : le thriller romantique passionnel d’Arnaud Desplechin

Avec « Deux pianos », Arnaud Desplechin compose une œuvre où musique, amour et folie s’entrelacent. Charlotte Rampling, François Civil et Nadia Tereszkiewicz s’y affrontent dans un thriller romantique qui résonne comme une bouleversante partition tragique.

François Civil incarne Mathias, virtuose au comportement autodestructeur – Crédit Emmanuelle Firman/Why Not Productions


Par Asmaa Bouamama.


« Deux pianos », le nouveau film du réalisateur Arnaud Desplechin, fidèle au registre grave, tiraillé et mystérieux du cinéaste français, met en scène un trio d’acteurs qui convoquent chacun des rôles torturés. Charlotte Rampling, François Civil et Nadia Tereszkiewicz, tous les trois portent une histoire secrète qui tourne autour de la musique, de l’amour et de la mort, mais surtout de la passion sous toutes ses formes, comme souvent dans le registre d’Arnaud Desplechin, et du tragique.

Trois acteurs dans leur grand art, François Civil dans son rôle le plus grave

Charlotte Rampling est une pianiste obsessionnelle, rigide et orgueilleuse, qui préfère mettre un terme à sa carrière de pianiste prestigieuse plutôt que de montrer son talent s’effriter sous la maladie qui la saisit. Elle est particulièrement autoritaire avec son partenaire de piano joué par François Civil, qui revient de plusieurs années passées à l’autre bout du monde pour des raisons énigmatiques. Lui, joue un musicien solitaire et torturé, qui flirte avec une décadente auto-destruction et la folie, il est un jeune homme secret qui fuit sa propre vie.

Nadia Tereszkiewicz et François Civil livrent une performance convaincante – Crédit Emmanuelle Firman/Why Not Productions


Le long métrage oscille entre thriller psychologique et passion romantique entre François Civil et Nadia Tereszkiewicz qui, elle, incarne une jeune femme rangée avec mari et enfant, et qui sera grandement perturbée par les retrouvailles accidentelles avec son ancien amour, François Civil. On découvre ce qui, des années auparavant, les a séparés tragiquement. François Civil est pris dans sa propre folie lorsqu’il croise partout dans la ville, un enfant qui ressemble à celui qu’il était, jusqu’à ce que le film révèle les dessous du mystère haletant. On retrouve une ambiance digne d’un « blockbuster de l’émotion » comme le dit François Civil. On retrouve le climat du thriller et de la romance à suspense du cinéma français comme celui de François Ozon. Le film est un chef-d’œuvre de névroses extrêmes sur grand écran.

Un « Blockbuster de l’émotion »

Chaque personnage porte une charge émotionnelle intérieure telle que les trois acteurs ne se sont jamais rencontrés pour discuter de leurs scènes avant de débuter le tournage. « Il fallait que chacun arrive avec son secret », confie le réalisateur. Comme dans la plupart des scénarios d’Arnaud Desplechin, les personnages semblent ne jamais se rencontrer ni se comprendre, c’est un bal explosif de tourments, de désirs et de passions parfois morbides qui agissent en chacun d’eux. Ils ne font que se perdre ou s’effleurer dans les rares moments où on entrevoit une rencontre possible, voire une fin heureuse qui arrive peu dans le cinéma d’auteur français.

Charlotte Rampling en professeure exigeante – Crédit Emmanuelle Firman/Why Not Productions


C’est un film sur la fuite de soi, de l’autre, sur l’auto-destruction, l’inéluctable, le tragique, les états d’âme que rien ne console sauf quelques brèves joies ordinaires ou ironiques. Sur l’orgueil aussi, qui parfois est le principal coupable de tous les malentendus. Le réalisateur confie même qu’il s’est inspiré des phrases populaires sur l’amour impossible comme celles du psychanalyste Jacques Lacan qui disait « Il n’y a pas de rapport sexuel » ou encore « L’amour c’est donner quelque chose que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ».

Arnaud Desplechin s’inspire de la fuite, de l’impossibilité permanente de l’amour et de la rencontre, en refusant la dépressivité de ce constat et, toujours, en révélant une certaine grâce et une beauté à ce qu’il y a de tragique dans les rapports humains. C’est un film grandiose, très émouvant, bouleversant à la fois musicalement et dans le jeu des trois acteurs. On retrouve le grand Desplechin comme l’un des plus grands cinéastes français.


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Commentaires

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  1. Merci Asmaa pour cet excellent papier qui transforme la perspective de voir ce film en impérieuse nécessité. A vous lire, on imagine une intrigue romanesque faite plutôt pour la littérature que le cinéma, ce qui pique d’autant la curiosité. Pour ce qui est de l’amour, il me semble qu’il faut être au moins septuagénaire, une fois apaisée la violence des désirs, des tourments intérieurs, de la jalousie et des emprises de la possession, pour qu’une fois dissipés tous les malentendus, on acquiert la certitude qu’on a vraiment aimé cet homme ou cette femme avec qui on vit encore, de manière fusionnelle, et dont on sait désormais que c’est la mort prochaine qui, cette fois, vous en séparera pour toujours. Il vous reste encore beaucoup de temps pour vivre et aimer.

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