À Vierzon, la liberté d’expression semble avoir ses limites. Lorsqu’un journaliste local ose questionner les idées et la cohérence d’une liste d’opposition, il devient aussitôt la cible de ces « défenseurs » bien particuliers de la démocratie. Bienvenue dans la démocratie, version 2025.
Illustration ©Pixabay
Par Fabrice Simoes.
Tout part d’un principe de base : comme chacun le sait, à moins de bosser pour les médias Bolloré et consorts, tous les journalistes sont de gauche, même les journalistes sportifs et Michel Drucker. Dans le Cher, à Vierzon, des membres ou soutiens d’une liste candidate aux prochaines municipales ont ainsi pris en grippe l’un de ces gauchistes désignés, par ailleurs large contributeur à un blog personnel qui cible l’actualité locale. Tant que, sur sa page privée du réseau social, étaient postés des poèmes, des photos artistiques, des images de la vie de tous les jours, celles d’artistes qui passent dans une salle locale comme celles de poubelles restées sur les trottoirs, ou encore celles d’incivilités, c’était tout bon. Tant qu’étaient dénoncés ce qui était, selon lui, les errements de la municipalité actuelle dirigée par une maire communiste, c’était encore mieux.
Las, il a aussi trouvé à redire sur les arguments et développements de cette liste d’opposition, dans la lignée du rassemblement des Droites. Pour ces farouches défenseurs de la liberté d’expression, parangons de la démocratie, c’est nettement moins bien… Ils viennent donc d’enchaîner plainte officielle et « dénonciation » écrite tant à la hiérarchie qu’à la direction du groupe de presse qui l’emploie. Une manière de mettre en doute la probité du professionnel aux dépens de ses idées personnelles. Chez ces gens-là, on ne sépare pas l’homme de l’artiste.
La nouvelle vague de « citoyens éclairés »
Malgré des signes qui ne trompent personne, la liste vierzonnaise est à l’image d’une ribambelle de ces néo-politiciens sortis du bois depuis quelques mois ou semaines. Ils ne veulent pas être catalogués d’extrême droite. Pourtant toutes les cases sont cochées. Rejet de l’immigration, fait. Projet autoritaire, fait. Rhétorique antisystème, fait. Pour ces citoyens pas si lambdas que ça, on est passé de dédiabolisés à décomplexés, désinhibés et sans filtre. Désormais passés de victimes un jour, victimes toujours, ils appuient sur la négation du réel et la peur du néant. Forts de leur implantation dans l’auto-déclarée aristocratie de la finance, tout autant que dans le monde feutré de la bourgeoisie provinciale, et grâce aux idées populistes omniprésentes infusées dans le monde ouvrier, les nouveaux hérauts, plus droitistes que la droite, se posent en défenseurs de l’Occident et refont l’histoire. Pétain n’est plus collaborationniste mais redevient Maréchal. Benito n’était pas facho non plus puisque, en parlant d’eux-mêmes, ils pensent représenter « cette droite qu’ils veulent diaboliser en ânonnant à tous les vents qu’elle est forcément « fasciste », double imposture s’il en est quand on sait d’où venait Mussolini. » Quant au RN, c’est à peine s’il est issu du FN fondé par des miliciens déclarés.
Imbibés au populisme
Cette droite qui se veut multiple s’appuie, on ne le dira jamais assez, non pas sur un vrai courant d’idées mais sur du poujadisme exacerbé associé à l’inculture des sachants des plateformes digitales. Elle compte sur les princes des ronds-points, les seigneurs des barrages filtrants de la dernière décennie, sur les nouveaux riches de la petite bourgeoisie au blouson sans manches de marchands de vin dans les foires-expositions, pour vomir un flot de vérités modifiées et d’à-peu-près certifiées conformes. Toute réponse à ce qui ne lui est pas favorable, à tout discours discordant, passe par du whataboutisme et un renvoi à une idéologie de gauche, voire d’extrême gauche, y compris venant d’apparentés MoDem.
Après la mise en avant, dans l’actualité, de tous ces petits ploutocrates aussi indécents que parvenus, plusieurs solutions sont possibles. On peut s’indigner jusqu’à la mort, à la manière de Stéphane Hessel. On peut coller des affiches sur les murs et des baffes sur des joues, ou l’inverse. On peut devenir citoyen du monde et rejoindre les rangs de l’utopie. On peut se mettre au rhum-coca (avec modération) ou encore recommencer à fumer (le tabac c’est mal). Heureusement, on peut imaginer tant de choses. Mais pour combien de temps encore ? Car comme Pierre Desproges l’assurait, si « la compagnie d’un stalinien pratiquant » ne le mettait pas en joie, la présence à ses côtés « d’un militant d’extrême droite » assombrissait « couramment sa jovialité monacale ». Et comme les premiers sont de moins en moins nombreux, alors que les seconds ont désormais pignon sur rue et ne se donnent aucune restriction, ça craint un brin ! Vous avez dit brun ?
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