À la découverte des Vosges #1 : cap à l’ouest

De Grand, ancienne cité gallo-romaine d’exception, à Domrémy, la ville natale de Jeanne d’Arc, en passant par Mirecourt, la patrie des violons… Visites insolites à l’ouest des Vosges.



Par Bénédicte de Valicourt.


Grand, une cité gallo-romaine d’exception

Vue de l’immense mosaïque qui repose encore sur les murs antiques – @ CD 88-JL


Direction Grand, à côté de Neufchâteau, une ville de 7 000 habitants labellisée « Ville d’Art et d’histoire ». À la fin du Ier siècle ap. JC, c’était une ville gallo-romaine qui, à son apogée, comptait 20 000 habitants et s’étendait sur 50 hectares. Difficile à imaginer quand on pénètre dans ce qui n’est plus aujourd’hui qu’un petit village endormi de 350 habitants. Il y avait là de vastes demeures, des thermes, des aqueducs souterrains, un amphithéâtre (toujours là) et une enceinte ponctuée de plusieurs portes et de tours, dont la section ouest est encore visible aujourd’hui. À l’époque, la ville était à l’écart des grandes routes et il n’y coulait aucune rivière, ce qui a demandé la construction de dizaines de kilomètres de galeries souterraines et le creusement de plus de 300 puits.

Pourquoi nos ancêtres se sont-ils installés là ? Jusqu’à aujourd’hui le mystère reste entier, malgré les fouilles qui ont encore lieu chaque été. Seule certitude : à partir du Ve siècle, avec les invasions barbares, la ville a périclité. Un parcours de deux kilomètres dans le village, suit le chemin des bâtiments ré-enterrés. Le petit musée présente de belles découvertes archéologiques. Mais le clou du spectacle est sans conteste une immense mosaïque de 232 m², quasiment intacte. Ornée de nombreux motifs géométriques et de quelques animaux, c’est l’une des plus importantes conservées en Europe. Elle a été découverte en 1883 par le conservateur du musée départemental des Vosges, Félix Voulot, dont la curiosité fut aiguisée par la présence de petits cubes de calcaires dans un jardin où l’on voulait construire un bâtiment. Il entreprit aussitôt des sondages et en quelques semaines, il dégagea le site qu’il fit classer aux monuments historiques. Avant de faire recouvrir en 1884 la mosaïque d’une charpente qui repose encore actuellement sur les murs du bâtiment antique. À quoi servait cet imposant édifice ? Était-ce une basilique, un temple ou la salle de réception d’une riche demeure ? Là encore mystère.

Le 8e amphithéâtre du monde romain

Ce qui n’empêche pas d’aller l’admirer comme le bel amphithéâtre encore en partie debout. « Il a été construit à la fin du Ier siècle, quasiment en même temps que le Colisée de Rome et consolidé au IIIe siècle avec du calcaire tendre, explique Pauline Hilaire, médiatrice culturelle. Il est plus grand que celui d’Arles et c’est le 8e amphithéâtre du monde gallo-romain sur 200 dans le monde avec une capacité estimée d’environ 18 000 spectateurs. »

L’amphithéâtre de Grand – cl BV


Pour en prendre toute la mesure, il faut descendre dans l’arène. De là, nous avons une belle vue d’ensemble du bâtiment et nous pouvons tester l’acoustique, ce que ne manque pas de faire notre guide. « Grâce aux murs de 6 mètres de haut et à la forme de l’arène, on entendait aussi bien d’en haut où se tassaient les plébéiens que d’en bas et des tribunes des patriciens », explique-t-elle. Il se donnait ici à la fois des jeux et des combats d’animaux sauvages locaux (ours, sangliers, loups, cerfs) que l’après-midi des combats de gladiateurs. « Ceux-ci coûtaient très cher et les gladiateurs n’étaient jamais mis à mort par le peuple contrairement à ce que l’on voit dans les films. Les vaincus mouraient pour racheter leur honneur », ajoute-t-elle. Comme le reste de la cité, l’amphithéâtre a été abandonné et est devenu une carrière de pierre. Et il faudra attendre 1846 pour qu’il soit classé monument historique et 1960 pour que des archéologues s’y intéressent à nouveau. Avant qu’entre 1993 et 1995 soient installés des gradins en iroko pour protéger l’ouvrage en pierre calcaire, lui restituer sa forme et y donner des spectacles.

Site archéologique
4, rue de la Mosaïque, Grand.
Le site est fermé de la mi-novembre à la mi-mars.
www.grandgalloromaine.vosges.fr

Domrémy, le village natal de la Pucelle


Jeanne d’Arc, héroïne de l’histoire de France, largement préemptée ces dernières années par l’extrême droite française, est née à Domrémy, un joli village pas très loin de Grand. Avant d’y arriver, la route passe devant la basilique Sainte-Jeanne d’Arc sur le coteau de Bois-Chenu, qui domine la vallée de la Meuse. Sur son parvis, le monument Jeanne et ses voix du sculpteur André-Joseph Allar, réalisé en 1894. Le tout est très kitch et XIXe siècle. Non loin de là, en plein village, la maison natale de Jeanne et son jardin où la jeune fille aurait entendu des voix à l’âge de 13 ans. Avant de partir rejoindre le Dauphin à 16 ans habillée en homme et d’être condamnée comme sorcière par le tribunal ecclésiastique et de mourir brûlée vive sur le bûcher à Rouen en mai 1431 à l’âge de 19 ans.

« La maison en pierre qui a été modifiée au cours des siècles atteste que Jeanne est née dans une famille de laboureurs, des riches paysans à l’époque, explique Pauline Hilaire. Le père était conseiller municipal du village d’à côté ». On y entre par la chambre dite « natale » dont le plafond est du XIXe siècle. À côté, la « chambre des frères » aurait abrité Jacquemin, Jean et Pierre, même si rien ne l’atteste. Enfin, à l’arrière, la « chambre des sœurs », Jeanne et sa sœur Catherine dont on ignore l’âge. C’est la pièce la plus ancienne de la maison et elle possède une petite fenêtre qui donne sur l’église toute proche. C’est notamment ce détail, donné par Jeanne lors de son procès, qui a permis l’identification de la maison comme étant bien celle de son père.

Pauline Hilaire et l’église de Domrémy cl BV


C’est plutôt sommaire et il n’y a pas de meubles, les historiens n’ayant aucune idée du mobilier du XVe siècle chez les laboureurs en Lorraine. À côté, le centre d’interprétation retrace la vie de Jeanne à Domrémy et, plus largement, la vie des habitants au Moyen Âge. Sans oublier le contexte historique (sur fond de guerre de Cent ans) et les raisons pour lesquelles la future Jeanne d’Arc s’est engagée et les combats qu’elle a menés pour « bouter hors de France » les envahisseurs anglais. De quoi dépoussiérer l’image de cette icône féminine populaire qui continue d’inspirer aussi, on l’oublie souvent, des écrivains, des artistes, des dessinateurs de mangas et des publicitaires.

Site de la maison natale de Jeanne d’Arc
2 rue de la Basilique, Domrémy-la-Pucelle
www.maisonjeannedarc.vosges.fr

Mirecourt, patrie de la lutherie

Musée de Mirecourt cl BV


D’où vient l’une des guitares adorées de Georges Brassens ? De l’atelier Gérôme à Mirecourt, qui est depuis trois siècles un haut centre de la lutherie et de l’archèterie, d’où sortaient 150.000 à 200.000 instruments par an jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il reste 10 ateliers en activité dont l’atelier Gérôme, trois générations de luthiers qui, s’il a fermé ses portes en 1994, sert encore de couveuse pour de jeunes luthiers sortis de l’école. Il est également ouvert aux visites, en complément du musée de la Lutherie et de l’Archèterie françaises, tout proche. C’est le seul musée français, consacré à la facture des instruments à cordes, qu’elles soient frottées (violon, alto, violoncelle, contrebasse) ou pincées (guitare et mandoline). On peut notamment y écouter de la musique et des témoignages d’artistes ou y admirer et y essayer les instruments, dont le violon inventé au milieu du XVIIe siècle à Crémone (Italie) qui s’est imposé peu à peu dans toute l’Europe, d’abord dans le peuple puis dans la musique savante en lieu et place de la viole. Mirecourt abrite encore aujourd’hui l’unique école nationale de lutherie française. Et même si l’activité à Mirecourt, qui a accueilli au milieu du XIXe siècle plusieurs fabriques qui employaient jusqu’à une centaine de personnes chacune, s’est sérieusement réduite, la ville reçoit encore des artistes du monde entier plus ou moins célèbres qui y font fabriquer leurs instruments.

Musée de la lutherie et de l’archèterie,
Cours Stanislas et Atelier du musée. Atelier Gérôme, 12 quai Lebreuil à Mirecourt.
www.musee-mirecourt.fr

 

Mirecourt cl BV


Le visiteur peut d’ailleurs suivre le Sentier des luthiers : un parcours urbain pour découvrir comment la facture instrumentale a marqué l’histoire de la ville. Un tour de Mirecourt, qui vaut en soi le détour, s’impose également. De la rue Chanzy et ses authentiques halles, au musée de la Musique Mécanique et au jardin botanique du Montet.

Carnet de bord

Où dormir

– L’Évidence à Neufchâteau. Un hôtel 3* sans charme particulier mais proche de Grand. On peut aussi y dîner.

Hôtel-restaurant-brasserie L’Évidence
2 rue de la Première Armée française
88300 Neufchâteau
levidence88.fr

Où manger

– La Marmite

Cuisine semi gastronomique à deux pas de la maison natale de Jeanne d’Arc. La Marmite, 3 rue Jeanne d’Arc à Greux. Tél. :06 36 50 66 55
lamarmite-88.fr

À suivre…

Plus d’infos autrement :

L’Aisne, un département plein de ressources, à découvrir #1

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