Au cours d’une conférence de presse, le président des États-Unis, jamais avare de frasques déconcertantes, annonçait que le paracétamol était à l’origine d’une véritable épidémie d’autisme. Cette accusation a été démentie par l’OMS, par l’Agence européenne des médicaments et les experts scientifiques. Mais pourquoi le nombre de cas d’autisme augmente ?
image d’illustration (Pixabay)
Par Jean-Paul Briand.
« Si vous avez rencontré une personne autiste, vous avez rencontré « une » personne autiste ». La formule, attribuée au professeur Stephen Shore, lui-même autiste, rappelle qu’il n’existe pas « un » autisme, mais une infinité de variations d’un mode d’être au monde.
La médecine parle désormais de trouble du spectre de l’autisme
Afin de prendre en compte toutes les formes d’autisme, la CIM10 de l’OMS, souligne l’étendue des manifestations autistiques : difficultés de communication et d’interaction sociale, comportements répétitifs ou intérêts restreints, mais aussi parfois, des compétences remarquables en mémoire, en logique ou en perception sensorielle. Le spectre s’étend de formes très sévères, nécessitant un accompagnement constant, à des formes dites « de haut niveau », où l’intelligence et l’autonomie sont préservées. En 2025, la médecine ne dit plus : « trouble autistique », mais parle désormais de trouble du spectre de l’autisme (TSA).
Une prévalence en hausse mais pas une épidémie
La prévalence des TSA progresse à l’échelle mondiale dans tous les groupes d’âge. Une analyse mondiale révèle qu’en 2021, une personne sur 127 serait atteinte. En Europe, les chiffres officiels oscillent entre 1 % et 2 % de la population. Mais une étude récente dénonce que 89 à 97 % des adultes autistes âgés de plus de 40 ans ne sont pas diagnostiqués en Europe. En France, la Cour des comptes dans son rapport de 2017 a estimé que le pays compte 700 000 personnes autistes dont seules 75 000 ont été diagnostiquées. Cette prévalence en hausse n’est pas le signe d’une épidémie mais plutôt d’une meilleure connaissance des TSA : critères diagnostiques élargis, sensibilisation accrue des professionnels, dépistage plus précoce. L’autisme, longtemps confondu avec la schizophrénie infantile ou la débilité mentale, est mieux reconnu.
Un trouble du neurodéveloppement essentiellement génétique
L’hypothèse d’un lien entre vaccination ou paracétamol a été réfutée par des études rigoureuses. L’Organisation mondiale de la Santé, l’Agence européenne des médicaments et de multiples travaux épidémiologiques convergent : aucune preuve sérieuse ne relie l’autisme à ces substances. La coïncidence entre vaccination et autisme n’était qu’une supercherie qui a malheureusement nourri la suspicion.
Les recherches actuelles décrivent l’autisme comme un trouble du neurodéveloppement. Environ 80 % du risque serait d’origine génétique : plusieurs centaines de gènes sont impliqués, chacun ne contribuant qu’à une petite part du tableau. Certaines mutations modifient la connectivité entre régions cérébrales, en particulier celles liées à la perception sociale et à la régulation sensorielle. Mais la génétique n’explique pas tout. Des facteurs environnementaux interviennent sans être déterminants : âge avancé des parents, exposition prénatale à certaines infections virales, faible poids de naissance ou stress maternel. Ce que les chercheurs appellent aujourd’hui « l’hypothèse des vulnérabilités multiples » cherche à comprendre comment ces influences interagissent dans les premiers stades du développement cérébral.
Les nouvelles voies de recherche
Depuis une décennie, l’imagerie cérébrale et l’intelligence artificielle offrent des perspectives inédites. Les études sur le fonctionnement cérébral montrent que le cerveau autiste n’est pas déficient mais organisé autrement : certaines aires se synchronisent différemment, produisant une perception du monde plus détaillée, parfois envahissante. Des algorithmes et des modèles mathématiques tentent de simuler les spécificités du cerveau autiste qui traiterait trop d’informations sans les hiérarchiser. Parallèlement, la recherche clinique évolue vers des prises en charge plus personnalisées : programmes d’entraînement à la communication, technologies d’assistance, thérapies basées sur le jeu et la régulation sensorielle. Ces interventions, éloignées des traitements psychanalytiques antérieurs, améliorent considérablement la qualité de vie.
Changer de regard
Enfin, un courant de pensée modifie la manière de considérer l’autisme. Ainsi la différence neurologique des personnes relevant du TSA n’est pas une maladie à guérir, mais une neurodiversité naturelle de l’humain, « Un p’tit truc en plus », comme le titre du film réalisé par Artus. Reconnaître cette pluralité, c’est admettre que la norme n’est qu’une variable statistique, même si elle est dominante.
Loin d’être une menace sanitaire, un trouble énigmatique et inquiétant, l’autisme doit nous obliger à changer de regard sur l’intelligence, la communication et la sensibilité. « Nous ne sommes pas des énigmes à résoudre, mais des voix à écouter », écrit l’auteur autiste Naoki Higashida dans son merveilleux livre « Sais-tu pourquoi je saute ? ».
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