Comment la gauche a changé Orléans en dix ans !

Entre 1989 et 2001 durant les mandats du socialiste Jean-Pierre Sueur, la ville a été profondément modernisée et restructurée. Militant, historien et acteur direct, Antoine Prost retrace dans un ouvrage les grandes mutations urbaines de la capitale régionale à la fin du siècle dernier.



Par Jean-Jacques Talpin.


En 2001 après deux mandats à la tête de la ville, le socialiste Jean-Pierre Sueur était évincé, contre toute attente, par Serge Grouard, obscur élu de droite sans passé local, sans programme et à la tête d’une équipe mal préparée à la gestion locale. À la surprise locale car l’ancien maire socialiste laissait derrière lui un bilan de bâtisseur, de modernisateur de la ville. C’est pour rappeler ce bilan, que personne aujourd’hui ou presque ne conteste, qu’Antoine Prost publie, 1989-2001 Comment nous avons changé Orléans (1). Quand il utilise le « nous », Antoine Prost rappelle qu’il fut l’un des acteurs majeurs de cette décennie active. Certes, du haut de ses 92 ans, Antoine Prost est aussi un des grands historiens français, enseignant à Orléans puis à la Sorbonne, spécialiste reconnu internationalement de l’histoire sociale, de l’enseignement ou encore de la Première Guerre mondiale.

« Les traces visibles de notre action ! »

Mais à Orléans il fut d’abord le père de l’urbanisme moderne et à ce titre adjoint à l’urbanisme durant les deux mandats de Jean-Pierre Sueur. Il rappelle d’abord une méthode, celle d’une équipe formée de fortes personnalités et riche d’une véritable réflexion urbaine engagée longtemps avant la victoire de 1989 autour du journal La Tribune d’Orléans avec un programme prêt à être mis en œuvre dès l’élection. Pourtant, Antoine Prost « ne veut pas entreprendre une histoire d’Orléans, ni même des municipalités Sueur (…) Je m’attache à ce qui a changé dans le paysage orléanais, à ce qui demeure, aux traces visibles de notre action ».

Dix ans de révolution urbaine

Et pour mémoire, rappelons qu’en dix ans la ville a connu une véritable révolution avec une nouvelle médiathèque, le Zénith, la première ligne de tram, la piétonnisation du centre-ville, l’avenue Jean Zay, les nouveaux quartiers de Saint-Marceau et de la Râpe, les rénovations urbaines à l’Argonne et à la Source, la rénovation du centre-ville, le pont de l’Europe, etc. Quel autre maire, à l’exception de Roger Secrétain avec la création de La Source, pourrait présenter un tel bilan ?

Dans sa postface, Jean-Pierre Sueur voit dans cet ouvrage « sans doute une illustration et une défense de notre action mais sans excès, sans sectarisme et sans forfanterie ».

« L’histoire jugera… ! »

Antoine Prost se refuse en effet à toute polémique. Il aurait pu rappeler les pièges, les oppositions, les chausse-trapes élevées par ses opposants (y compris communistes) à l’action de la ville, la guérilla emmenée par la droite locale (Charles-Éric Lemaignen et Éric Doligé) pour faire capoter le projet de tram. Pas question de critiquer l’action du successeur Serge Grouard même s’il s’interroge sur le projet de restructuration des mails notamment à Place d’Arc. Sage, Antoine Prost se rassure : « L’histoire jugera… ! »

(1) 1989-2001 Comment nous avons changé Orléans par Antoine Prost.
Éditions Regain de lecture (Corsaire Éditions) 15 euros

INTERVIEW D’ANTOINE PROST

Dans 1989-2001 Comment nous avons changé Orléans, Antoine Prost défend l’action de l’équipe Sueur durant la décennie 90. Photo Magcentre

Quand vous êtes arrivés au pouvoir en 1989, quel état des lieux dressiez-vous d’Orléans ?

Orléans avait été très active dans les années 60 notamment sous l’impulsion de Roger Secrétain qui a créé La Source. La ville s’était ensuite un peu endormie sous les municipalités Thinat et Galloux avant Jacques Douffiagues et son urbanisme désastreux, avec Place d’Arc qui a enfermé la gare dans un centre commercial.

Vous saviez alors quel serait votre programme ?

Nous avions travaillé des années auparavant à réfléchir sur le devenir de cette ville et surtout de l’agglomération. Il y avait des associations comme le GEMAO (Groupe d’études municipales de l’agglomération orléanaise), l’association des habitants de la Source, un journal, La Tribune d’Orléans, une équipe avec Michel de la Fournière, Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Delport et de nombreux militants qui se sont ensuite retrouvés dans l’équipe municipale. Nous n’avons donc pas été pris au dépourvu quand nous avons remporté les élections de 1989.

Quel était alors votre programme de transformation de la ville ?

C’était un projet que nous avons appelé « constellation » avec des interventions fortes sur les quartiers de La Source et de l’Argonne tout en affirmant la fonction essentielle du centre-ville dans l’agglomération. Nous avons aussi défini des priorités. Là où était prévue une nouvelle voie rapide avec des échangeurs, la « voie G », nous voulions une vraie avenue. C’était aussi la mise au point du programme Banlieues 89 à la Source et celui du Développement social des quartiers à l’Argonne. Avec un impératif : ne pas faire une ville pour l’auto mais d’abord pour les piétons. C’était notamment l’objectif du tram.

Vous avez connu des résistances à ces projets ?

Bien sûr et elles ont été nombreuses. Les commerçants du centre-ville se sont mobilisés contre la piétonnisation des rues centrales, il y a eu des oppositions politiques notamment du Conseil général contre la première ligne de tram. On a aussi contesté le pont Calatrava ou pont de l’Europe que l’on disait sans issue alors qu’il est aujourd’hui utilisé par des milliers d’automobilistes. Il y a eu aussi des oppositions communistes au tram, des recours écologistes contre la nouvelle avenue Jean Zay, des recours contre le tracé du tram en particulier à Olivet…

Des échecs aussi ?

Des regrets surtout comme au stade des Montées où nous avions un magnifique projet architectural mais qui n’a pas pu être réalisé. Regret encore avec la halle alimentaire Charpenterie où le marché a refusé de revenir.

Certains vous reprochent d’avoir trop densifié la ville ?

Nous voulions ramener des habitants dans le centre-ville parce que la ville n’était pas assez dense. Nous avons donc repeuplé la ville avec de nouveaux quartiers à Saint-Marceau, à La Râpe, dans le centre-ville.

Vous aviez encore de grands projets au-delà de 2001 ?

Bien sûr. Le projet de deuxième ligne de tram était prêt et nous avions encore de nombreux autres projets. Les électeurs en ont décidé autrement. Mais nous avons la satisfaction d’avoir modernisé et changé cette ville !

A lire sur Magcentre: Benoît Hamon : « Une ville non inclusive pour les étrangers ne l’est pour personne ! »

Rencontre avec Antoine Prost
Le 29 Novembre 2025 de 17h00 à 18h30
Les Temps Modernes 57 rue Notre-Dame de Recouvrance, 45000 Orleans

Commentaires

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  1. Il y en a pour tous les goûts, venant de Chartres lorsque je suis arrivé à Orléans en 2000, j’ai plutôt remarqué un sacré “bordel”.

  2. Antoine Prost est dit dans cet article “Militant et Historien”, mais il est beaucoup plus “militant” qu’autre chose.
    Un historien est un chercheur qui tente de faire apparaître une vérité restée ignorée du Peuple parmi le foisonnement d’informations noyées dans un narratif imposé.
    Il en a été ainsi durant les mandats de JPS, où l’information a toujours été “orientée” de sorte que le “peuple” ne se mêle pas trop de la gestion municipale.
    En tant que président d’une association de quartier à l’époque, j’ai eu toutes les peines du monde à entrer dans certains comités d’habitants, généralement “choisis” pour appuyer des décisions déjà prises, telles l’instauration d’un véritable gymkana dans le quartier St-Euverte ou celle d’une Zone Bleue dans la rue de Bourgogne. Zone contre laquelle notre association a immédiatement lutté avec vigueur, un groupe d’habitants allant un dimanche jusqu’à repeindre en blanc le marquage de cette zone bleue.
    Je passe sur l’idée idiote de couvrir d’immeubles la Place de Loire au-dessus des Cinémas. Projet que Serge Grouard a heureusement annulé pour le replacer par un magnifique jardin public..
    J’en passe et des meilleures… et si je devais m’attacher comme historien à conter l’Histoire récente d’Orléans, j’essaierais de ne pas le faire en tant que “militant”, ni de gauche ni d’ailleurs, mais en tant que citoyen, c’est-à-dire résident de la Cité…

  3. Je suis arrivé à Orléans en 1980. Une ville sale, rue de Bourgogne toute noire. Avec ce passage souterrain Place d’Arc.
    Avec le droit de se garer Place du Martroi, avec des halles champignons. Puis est arrivé un projet de Place d’Arc sous Douffiagues : un projet qui a détruit cette ville et on y est encore… un super marché en centre ville. Avec l’appui de Charles Pasqua, ministre de l’intérieur sous Chirac.
    Élections arrivent, et un maire change tout : tramway, médiathèque, organisation de la ville (ce que Mr Serge Grouard à continué sous les idées de l’ancien maire)
    Et puis toutes les études d’Orléans pour avoir un tram sans catainers, ou un tram sur pneus, ou un tram volant (va savoir) qui nous auront coûté une fortune. Les autres communes ont le droit d’avoir des catainers (sic)
    Et maintenant? des pavés, des quais de Loire sans vie (allez donc voir à Nantes), une culture pauvre (allez donc vous enrichir culturellement à Orléans ou allez que boire des coups dans les bars)
    Avec tout sur Jeanne d’Arc ou sur le passé.
    Quid de l’avenir d’Orléans ? On construit le futur pour les autres générations.
    Si ont avait écouté les radicaux de droites (avec leur dogme « c’était mieux avant ») il n’y aurait jamais eu de Tour Eiffel.

  4. Quand JPS a dû céder la place à Grouard, (du fait de LO qui avait appelé à l’abstention), la deuxième ligne de tramway était prête et financée. Grouard a tout bloqué. Argent perdu. Il a fallu des manifestations dans la rue pour qu’enfin après trop d’années cette ligne B soit réalisée. Membre du CA de l’Aselqo j’ai pu apprécier le sérieux sympathique de l’adjoint qui y siégeait du temps de Sueur, puis m’effrayer du dilettantisme,!outre la droitisation de son remplaçant qui agrémentait ( !)la fin de la réunion de plaisanteries salaces. Nous avons été trois, représentantes de quartier, qui avons renoncé.

  5. Sans vouloir contester les mérites de Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans, il y a, à mes yeux de simple citoyen de l’agglomération, quelques couacs, quelques ratés ….

    Le tram : Pourquoi s’est-il laissé séduire, comme beaucoup d’autres maires, par le lobby de ce type de transport ? On a assisté à des travaux d’infrastructure pharaoniques, des perturbations de la circulation et du commerce. Il y a la rigidité du parcours, le moindre incident sur la voie bloque toute la ligne. Pas si écolo que cela puisqu’il faut d’une part couler les rails (quelle empreinte carbone des hauts fourneaux ?), puis refaire les voies moins de 20 ans après, (re-empreinte carbone), entretien des zones gazonnées (encore empreinte carbone) … Pourquoi n’avoir pas privilégié le Trolley Bus en site propre, comme sur certaines lignes de Lyon, (le bus hybride ou tout électrique n’était pas encore suffisamment développé à l’époque), au réseau plus facilement modifiable, plus souple en exploitation, car contournement des obstacles.

    Piétonisation de la rue de la République : Bien pour les piétons, mais galère pour les cyclistes avec ces pavés sur la chaussée ! Seul endroit « roulable » : la bande centrale mais trop étroite où les croisements sont dangereux, à éviter si un tram vient dans l’autre sens, et le risque de tomber dans les rails. Ne veut-on pas de cyclistes dans cette rue ? Qui pourtant mène directement à la gare ! Il faut dire qu’à l’époque, on ne pensait pas vélo. Il a fallu tordre le bras de son successeur pour aménager le pont Georges V et la rue Royale.

    Le Zénith : Pourquoi avoir implanté ce bunker en bord de Loiret ? Manque d’espace, sacrifice des plantations, abords avec grillages concentrationnaires. Alors qu’on aurait pu, s’il y avait eu la place, faire un large parvis permettant de déposer le public à l’abri des intempéries. A quoi sert cet imposant préau sur lequel ne sont même pas annoncés les spectacles ? Fonction initiale pourtant présentée par Jean-Pierre Sueur lors de la visite inaugurale .
    Un air d’inachevé…

    Le Pont de l’Europe : Effectivement un pont qui n’a pas de véritable débouché vers le Sud et un sortie vers le Nord propice à tous les encombrements. De ce côté pourquoi ne parvient-on pas à réaliser un vaste rond-point avec les voies convergentes (tangentielle, Av Clémenceau, quai Madeleine, faubourg Madeleine et Pont de l’Europe) ? A la place, un vaste no man’s land que son successeur ne semble pas pouvoir éradiquer.
    Pourquoi ne parvient-on pas à négocier avec Vinci un passage gratuit sur la Loire pour ceux qui utilisent le parcours d’autoroute entre les sorties Nord et Sud. Cela résoudrait en partie les ponts de la ville.

    Voilà les regrets que j’exprime concernant les projets de cette époque. Rassurez-vous, j’aurai d’autres griefs à exprimer au sujet de l’action de son successeur, bien que je reconnaisse que depuis mon arrivée dans la métropole (1975), la ville s’est nettement améliorée et embellie. Encore une réflexion entendue aujourd’hui même prononcée par des amis qui ont quitté l’agglomération il y a 5 ans !

  6. Orléans est devenue une ville agréable à vivre et sécure depuis l’arrivée de serge Grouard aux manettes et les Orléanais ne s y trompe pas le réélisant depuis 2001 et qui pourra le détrôner en 2026 ???????????????????

  7. Ville sécurité…et les Orlèanais ne s’y trompENT pas. (Faute)
    C’est tout ?
    Le social, la culture, les étudiants, les transports, la santé, la mobilité, être Président d’Agglo en disant qu’il n’y serait jamais, promouvoir des élus qui trichent avec leurs titres (Imbault), endetter sa ville avec des enquêtes sur le tram qui n’auront servis à rien, etc
    C’est juste ça la gestion d’une ville :la
    sécurité ?

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