Ce dimanche 16 novembre, la salle des fêtes de Saint-Pierre-des-Corps a accueilli Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France Insoumise, lors d’un meeting très attendu. L’événement a attiré de nombreux Tourangeaux et militants, plusieurs dizaines de personnes n’ont pas pu entrer, témoignant de l’intérêt suscité par la venue du tribun, toujours aussi déterminé à continuer ses luttes et ses combats.
En meeting à Saint-Pierre-des-Corps, Jean-Luc Mélenchon n’a rien perdu de ses décibels. cl AB
Par Asmaa Bouamama.
Comme attendu, les murs de la salle des fêtes de Saint-Pierre-des-Corps ont tremblé. En guise de première partie avant le show Mélenchon, le meeting s’est ouvert avec quelques mots de Thomas Delplace, candidat LFI aux municipales de la commune hôte et Marie Quinton, co-tête de liste aux municipales à Tours. Thomas Delplace annonce le cap du parti vers une sixième République, humaniste et universaliste, antifasciste. Mais avant d’entrer dans « les grands combats », il rappelle à la salle les commémorations de l’innommable, les attentats du 13 novembre 2015, et invite la salle à ne pas oublier, sans stigmatiser les jeunes étrangers et en défendant la liberté de croire et la diversité des cultures. Le candidat aux municipales dresse un rapide teasing de ce que Jean-Luc Mélenchon va développer durant 1h20 : une politique présentée comme « nouvelle », refusant la résignation, espérant encore pour les jeunes des quartiers populaires et pour les travailleurs précaires. « L’espoir c’est ce qui nous permet de voir juste, loin, et de gagner », lance-t-il.
Les menaces qui guettent les Français
Place alors à l’attraction de la soirée. Jean-Luc Mélenchon, accueilli telle une rockstar par une salle bien évidemment déjà conquise, aborde avec plus ou moins de détails et d’approfondissements les grands thèmes d’actualité du pays après avoir ouvert son discours sur une pensée pour Gaza qui brûle encore. La politique de santé, la souffrance des jeunes (un jeune sur cinq souffre de dépression, l’augmentation des suicides, etc.) la pauvreté… sans oublier de s’adresser directement aux nombreuses caméras qui retransmettent ce meeting, « Sachez que vous êtes vous aussi menacés par la pauvreté, et être frappé par la précarité ça n’est pas juste ne pas pouvoir s’acheter une Rolex, c’est vivre la solitude et l’isolement », interpelle-t-il dans un Mélenchon 100% pur jus.
Au cours de son laïus, le leader Insoumis distribue ses cartouches en n’oubliant bien sûr personne, tout en balayant de nombreux sujets. Il passe beaucoup de temps sur la politique austère du budget qui ne cesse de bouger ces derniers mois et déplore la réforme de la retraite à points. « Je ne vais pas tenter de vous expliquer cette histoire, c’est un vrai casse-tête. Mais en gros, vous partez quand vous voulez et vos maîtres décident de ce qu’ils veulent vous donner pour vivre », simplifie Mélenchon. Avant de reprendre les mots des dirigeants qui se disent généreux quand il s’agit des fonds publics. « Ce sont les Français qui sont généreux. Ils cotisent, et maintenant nous voulons les retours sur nos cotisations, nous ne sommes généreux que de notre solidarité et de notre camaraderie ».
La macronie et le RN dans le collimateur
Le patron de LFI ne cessera d’employer le « nous » pour s’inclure à ses soutiens et aux Français en général. C’est avec pas mal d’humour et d’ironie – d’audace aussi qu’on lui reconnaît volontiers – qu’il s’adonne à de vives critiques sur ses adversaires politiques. Le macronisme avec son Premier ministre Sébastien Lecornu, et le Rassemblement national sont particulièrement dans son viseur, avec « l’usage abusif » du 49,3 et les coupes budgétaires de plusieurs milliards sur le service public annoncées dès l’été. Mais aussi la suppression de l’AME, le déremboursement des maladies chroniques souhaité par le RN, autant de réformes qui font « vaciller l’équilibre du pays et l’entendement » selon le tribun, face à cette nouvelle France que Jean-Luc Mélenchon espère encore voir renaître. « On le sait, il y a une épidémie de cancers chez les jeunes, une épidémie de diabète et d’obésité aussi (…) parce que les Français n’ont pas les moyens de bien s’alimenter, donc ils tombent malades », résume-t-il simplement.
Mélenchon passe au peigne fin « les scandales » qui mettent à mal la santé de la population, alors que « la médecine française est compétente », mais la gestion des soins et de la prévention n’est pas satisfaisante. « Quel genre d’être humain peut souhaiter le déremboursement des maladies chroniques ? Qui peut vouloir qu’on fixe la durée de congés maximum à 15 jours quand bien même les gens sont malades ? », s’insurge-t-il.
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Sur le volet de la politique santé, Jean-Luc Mélenchon charge particulièrement la ligne du Rassemblement national. « Prenez les cancers du sein qui ne cessent d’augmenter chez les jeunes femmes, chaque année on sait qu’il reste 1 400 euros à charge personnelle. Le RN est d’accord avec ça ! » s’offusque Mélenchon, avec toute la gouaille, la familiarité ou la brutalité parfois, que les Français lui connaissent déjà, avant d’accuser le RN de « mettre en danger » la population à travers ses prises de position. « Les gens qui prennent des décisions comme ça sont des brutes ! » hurle-t-il sur scène, déclenchant les applaudissements et les poings levés de la foule.
Jean-Luc Mélenchon a un plan
Après avoir évoqué l’écologie et parlé de la souffrance des agriculteurs, pointé la situation difficile des mères célibataires et les difficultés rencontrées par les étudiants, après avoir dénoncé « l’humiliation » des travailleurs précaires ou la pénibilité au travail, prôné une augmentation des salaires et du SMIC, Mélenchon s’exclame que la France est pourtant riche, qu’elle n’a jamais été aussi riche, quelques minutes après avoir affirmé que la France était le pays, au sein de l’Europe, qui s’était le plus appauvri ces dernières années.
Au milieu de tous ses constats d’injustices, il prend tout de même une dizaine de minutes pour exposer son plan de redressement du pays. Qu’il ouvre par une question : « Vous allez me dire, c’est bien gentil tout ça mais comment tu vas trouver l’argent Méluche ? » Pour combler les déficits du pays, la solution est toute trouvée. Au total ce sont plus de 56 milliards d’euros collectés auprès des superprofits et des entreprises qui ne payent pas d’impôts, de l’argent qui fuite, autrement dit. « Ça ne vous dérange pas que McDo ne paye pas d’impôt » demande-t-il à la salle.
L’infréquentable reste romantique
Le chef de la France insoumise a dressé un bien triste constat de la santé économique et sociale de son pays. Pourtant il rêve d’une France nouvelle, avec une sixième République comme horizon, un pays où, dit-il, un Français sur trois n’oubliera pas qu’il a un ancêtre étranger. Il ne passera malheureusement pas beaucoup de temps à disséquer la montée des partis d’extrême droite qui gangrène les pays d’Europe. Préférant se féliciter de la présence des femmes sur les bancs de son auditoire ou du nombre de jeunes aussi venus s’interroger sur la politique de la France. Ou encore commenter et s’amuser de sa réputation « d’infréquentable », tout en s’étonnant que le président de la République ne lui ait pas volé ce titre, « lui qui a bien travaillé pour arriver à se faire détester ». Mais Jean-Luc Mélenchon tient à sa médaille d’or de l’insupportable politique et l’assume. « Oui j’ai le droit de parler fort et de me rendre impopulaire auprès de gens qui ne parlent que doucement ». Celui qui assume son franc-parler, sa détermination et ses luttes pour une France « plus égalitaire, solidaire et plus saine », s’est vu acclamé par un public qui n’a pas manqué le rendez-vous, qui ressemblait étrangement à des retrouvailles, voire à une première apparition publique comme candidat qui rêverait de diriger la France dans un futur presque proche.
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