À l’occasion de la publication de son 30ᵉ rapport sur la pauvreté en France, le président du Secours Catholique du Loiret, Dominique Guy, ainsi que son délégué, Emmanuel Barbier, reviennent sur l’évolution de la précarité au cours des trois dernières décennies. Jean-Paul Thierry, responsable de l’épicerie solidaire à Ferrières-en-Gâtinais, et Cassandra, étudiante précaire, témoignent de la situation actuelle.

Cassandra, étudiante précaire inscrite à l’Esope, une épicerie solidaire à Orleans-la-Source. Photo : CG.
Par Charlotte Guillois.
Selon l’INSEE, le taux de pauvreté atteint aujourd’hui 15,4% de la population en France métropolitaine, un niveau inédit depuis 30 ans. Le Secours Catholique constate, lui aussi, une transformation profonde de la précarité : autrefois conjoncturelle, elle est désormais structurelle. En 1994, il suffisait d’avoir un emploi pour s’en sortir. Aujourd’hui, travailler ne protège plus de la rue. La précarité ne frappe plus uniquement après un accident de la vie, comme une maladie ou un licenciement, mais touche étudiants, retraités et mères isolées.
De nouveaux profils touchés par la précarité
Le profil des personnes accompagnées s’est nettement diversifié : féminisation accrue de la précarité, hausse du nombre de ménages ruraux, travailleurs pauvres, étudiants et retraités.
En zone rurale, les demandes d’aide ont fortement augmenté et évoluent : « On est passé d’une demande d’écoute à une demande d’aides alimentaires », souligne Emmanuel Barbier. Jean-Paul Thierry observe aussi les spécificités de la précarité rurale : « Habiter à la campagne, c’est être freiné dans ses déplacements sans véhicule. On est la seule association caritative dans les environs. Dans les petits villages, les services sociaux sont rares, voire inexistants. Notre épicerie est passée d’une quarantaine de bénéficiaires en 2020 à près de trois cents aujourd’hui. »
Dominique Guy rappelle que le Secours Catholique dispose du plus grand nombre d’épiceries solidaires en France : « elles permettent aux gens d’accéder à une alimentation digne ». Elles offrent non seulement des denrées à prix réduit mais aussi un espace d’accueil, de chaleur et d’accompagnement pour aider les personnes à sortir durablement de la précarité.
Pour les retraités, la principale difficulté reste la fracture numérique. « Beaucoup ont du mal avec le numérique, certains n’ont même pas d’ordinateur », souligne Dominique Guy. Résultat : les démarches administratives nécessaires pour obtenir des aides deviennent parfois impossibles sans accompagnement. Les bénévoles les assistent donc dans ces formalités. Quant aux étudiants, le Secours Catholique a participé à la création d’Esope, une épicerie solidaire à Orléans La Source.
Le témoignage de Cassandra
La précarité étudiante, révélée au grand jour pendant la crise du Covid, ne cesse de croître. Esope, ouverte en novembre 2022, accueille aujourd’hui 1 200 étudiants, et une seconde épicerie devrait voir le jour dans le centre-ville début 2026. Cassandra, 21 ans, en première année de Master MEEF, y fait ses courses.
Avec tout juste cent euros par mois pour se nourrir, elle se contentait d’un seul vrai repas vers 15 heures, parfois d’un yaourt le matin, même si « les yaourts, ça coûte super cher ». Grâce à Esope, son alimentation s’est améliorée. « Je ressors avec un sac cabas rempli de courses pour 3 ou 4 euros, et ce sont des aliments de qualité, il n’y a pas que des sous-marques ». L’épicerie lui offre aussi une occasion de rompre la solitude : « il y a souvent des ateliers cuisine, j’y vais pour rencontrer du monde et économiser un repas ». L’Esope, qui requiert une inscription répondant à des critères sociaux, a donc permis à Cassandra d’alléger son budget et de pouvoir sortir avec ses amis, ce qui lui était impossible avant.
Les causes de cette évolution
Pour Dominique Guy, l’intensification et la structuration de la pauvreté s’expliquent principalement par l’inflation et l’augmentation générale du coût de la vie. S’y ajoutent la fracture numérique, notamment pour les retraités, ainsi que la complexification croissante des conditions d’accès aux aides. Le regard porté sur la pauvreté a également changé : autrefois cause nationale, elle est aujourd’hui considérée comme une responsabilité individuelle. Pourtant, insiste-t-il, « la pauvreté résulte avant tout du système et du recul de nos droits ».
Dominique Guy rappelle enfin que le Secours Catholique accueille chacun « dans le respect », et que « la demande numéro un n’est pas de l’aide matérielle, mais une écoute ». Il termine sur une note d’espoir : « Quand on s’y met tous, on trouve les solutions. Ensemble, on est capable de faire reculer la pauvreté ».
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