Cloches et carillons : une histoire millénaire aux multiples résonances

À Orléans, la journée du 20 novembre a évoqué de nombreux aspects du patrimoine campanaire. Histoire, fonctions, symboles et péripéties, sans oublier les questions de protection, ont émaillé la journée d’études organisée par l’association « Rencontre avec le patrimoine religieux », devant un auditoire d’environ 60 personnes passionnées, avant une visite de l’incontournable musée campanaire Bollée.

Olivier Geneste ouvre la journée d’études « Cloches et carillons » à Orléans le 20 novembre 2025. Photo AC Chapuis



Par Anne-Cécile Chapuis et Philippe Voisin.


L’association « Rencontre avec le patrimoine religieux », fondée en 1992, œuvre à la découverte des édifices religieux et leur mobilier. À travers publications, colloques et voyages culturels, elle développe formations et informations destinées au grand public ; elle gère le centre François Garnier, important centre d’études et de documentation situé à Châtillon-sur-Indre (36).

Tous les deux ans, un thème est choisi comme sujet de recherche, et après les vitraux ou peintures murales, ce sont les arts du feu, avec cette journée sur l’art campanaire.

Des communications variées

Olivier Geneste, directeur de l’association et du Centre François Garnier, ouvre la séance en faisant tinter – noblesse oblige ! – une clochette issue de la fonderie Bollée et rappelle l’existence de 7 500 cloches répertoriées en région Centre-Val de Loire. Puis Yann de Pinieux, administrateur de la cathédrale d’Orléans, intervient sur le rituel de bénédiction des cloches, leur fonction dans la liturgie catholique mais aussi dans les grands moments de la vie civile. Par exemple à Orléans, les cloches de la cathédrale sonnent chaque 16 août à 14h50, en mémoire de la Libération.

Xavier Anquetin (le carillon de la basilique ND de la trinité). Photo AC Chapuis

Des cloches et carillons qui ponctuent l’histoire et la vie d’un pays

Le conférencier Xavier Anquetin vient ensuite détailler le fabuleux carillon de la basilique Notre-Dame de la Trinité à Blois. Composé de 44 cloches + 4 dites « de volée » parfaitement justes, il date de la construction de ladite basilique consacrée en 1949. C’est ensuite la question de la protection des cloches qui fait l’objet d’informations par un conservateur des monuments historiques, Thibaut Noyelle, qui détaille les rôles respectifs d’un propriétaire, affectataire, campaniste, expert agréé (ils sont trois en France), et du ministère de la Culture.

Jérôme Descoux, conservateur des Antiquités et objets d’art du département de l’Indre, lui, vient conter l’histoire de la cloche de Balzème, datant des XIIe et XIVe siècles, source de discorde entre deux communes du côté de Valençay ; « une vraie querelle de clocher ! » qui montre l’attachement de tout un territoire à une cloche qui « au-delà de l’aspect pittoresque, devient un témoin de l’histoire ».

L’histoire des fondeurs n’est pas absente de ces évocations et Isabelle Girard, collègue de Jérôme Descoux sur le département de l’Indre-et-Loire, les repère depuis le VIIIe siècle, puis suit une famille qui, sur quatre générations depuis le XVIe siècle, a œuvré en Touraine comme au Canada pour fondre des cloches dont il ne reste malheureusement que des traces documentaires. La recherche n’a peut-être pas dit son dernier mot !

Dominique Bollée présente les différentes étapes pour la fabrication d’une cloche. Photo AC Chapuis

Une fierté orléanaise : la fonderie Bollée

L’après-midi se poursuit sur le site de Saint-Jean-de-Braye, où Dominique Bollée, descendant d’une famille qui, sur 8 générations depuis le XVIIIe siècle, a perpétué l’art des saintiers et fondu plus de 40 000 cloches. Il en dévoile les multiples aspects, pour un métier qui doit associer plusieurs techniques et savoir-faire, sans oublier celui de musicien. « La cloche est un instrument de musique, et comme tel, on doit l’accorder, la faire sonner, la mettre en condition de produire la note et les harmoniques auxquels elle est destinée », détaille-t-il.

Des notes construites au millimètre. Photo AC Chapuis


Une journée riche en découvertes et approches qui apporte une résonance insoupçonnée à un objet familier qui rythme villes et campagnes depuis plusieurs siècles.

Pour en savoir plus : www.rencontre-patrimoine-religieux.fr

À la Bollée

Derrière la façade grise d’une maison familiale de faubourg un peu bourgeoise, une allée étroite serpente entre des murs aveugles jusqu’au petit musée Campanaire qui fait la fierté de Saint-Jean-de-Braye et d’Orléans. On pousse la porte métallique. Elle est là, la cloche que l’on célèbre en ces lieux.

Ici, ont vu le jour 40 000 cloches, livrées sur tous les continents, faisant à cet art médiéval une renommée mondiale. Les fours sont aujourd’hui refroidis mais la chaleur de la fusion alchimiste enveloppe encore les visiteurs du jour.

Pour décrire cette aventure industrielle, les mots de Dominique Bollée, dernier représentant de la dynastie, se bousculent, s’envolent, comme la note mystérieusement créée dans le vide circulaire de la cavité mathématique du monument d’airain, entre le diamètre et l’épaisseur.

Dans cet univers de résonance, le maître saintier égrène un vocabulaire complexe sans être ésotérique pour fleurir l’enfance de l’art, essentielle. Un lexique improbable.

Fondeur et charpentier ; Compas et bâtons ; Étain et cuivre rouge ; Chape et noyau ; Cire d’abeille ; Bois de charme et d’hêtres, être ; Pierre de craie des Vosges ; Chanvre et plume d’oie ; Cerveau et couronne ; Anses, coussinets et suspensoirs ; Feu intérieur ; Gaz et liquides incandescents ; Braises ardentes et fusion ; Magma et irruption ; Fécondation et purification ; Naissance, genèse ; Peau sombre, brunâtre ; Suif et savon ; Polissage ; Figures grises et bas-relief ; Vibration et diapason ; Tonique, médiante et dominante ; Octave Bassa e Alta ; Tierce et quinte ; L’harmonie ; Cristallin et céleste ; Liteau, corde, clocher ; Corneilles et pigeons ; Matines, carillon et chant des oiseaux ; Pro deo et patria canto ; Pour l’éternité.

Reste cette énigme qui hante les esprits simples : la note fait la cloche ou la cloche fait la note ?

Pratique. Musée Campanaire Bollée, 156 rue du Faubourg-Bourgogne – 45800 Saint-Jean-de-Braye.
Visites guidées sur demande, accueil de groupes. Informations au 02 38 50 54 77


Plus d’infos autrement :

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Commentaires

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  1. Dommage qu’il soit le dernier survivant. Une fierté d’être maître fondeur. Son atelier était de toute splendeur. Quel art le Campanaire! Que les cloches sonnent haut et fort la paix plutôt que la guerre!

  2. Journée fort agréable mêlant culture, savoir-faire, musique et convivialité. Le public a apprécié ce partage des connaissances patrimoniales, présentées avec sérieux et simplicité, à tous les niveaux. Bravo aux organisateurs et aux intervenants… On en redemande!

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