Un village d’Italie devenu l’emblème de l’accueil des migrants

Le cinéma Studio de Tours a reçu en novembre la réalisatrice engagée, Shu Aiello. Elle a filmé avec sa co-réalisatrice Catherine Catella, un petit village d’Italie qui a été le théâtre de l’accueil de migrants en 2018, puis d’une lutte politique et juridique féroce.

Le maire de Riace Domenico Lucano mène la manifestation de soutien aux migrants – ©Catherine Catella / Shu Aiello / VraiVrai Films


Par Asmaa Bouamama.


Riace, village de Calabre, est rural, paisible, un peu trop même, alors le maire Domenico Lucano dira qu’il a « installé des personnes sans maisons dans les maisons sans personne ». Au moment de la vague migratoire qui tape aux portes de l’Europe, Mimmo, comme on le surnomme, s’engage fermement et non sans grande émotion comme on le voit souvent dans le documentaire, ému du soutien qu’il obtient des Italiens face aux menaces du gouvernement de Salvini et aux condamnations extrêmement lourdes dont il fera l’objet.

Ce sont des exilés originaires d’Afrique, du Bénin, du Nigeria ou encore d’Afghanistan qui ont trouvé un accueil chaleureux et spontané de la part des habitants que Shu Aiello a filmés, et tourne actuellement son troisième documentaire autour du thème de l’immigration en Italie. « La particularité avec ce pays c’est que les Italiens eux-mêmes ont beaucoup émigré et ce sont des gens qui comprennent ce que l’exil veut dire, ce que c’est qu’être séparés des siens. Les migrants pour les Italiens ont été une fierté », s’explique Shu Aiello, ajoutant que « contrairement à la France, en Italie vous avez le droit de travailler tout de suite ». Autant de caractéristiques qui font de l’Italie un fief de l’immigration bien particulier, dont le village de Riace a été le territoire emblématique et déchiré de ce pays qui accueille les exilés, malgré un gouvernement dur dirigé par Giorgia Meloni, femme d’extrême droite.

Une solidarité sous l’extrême droite

Il y a un paradoxe dans le traitement de l’immigration en Italie, alors que beaucoup de citoyens votent Meloni, on observe une solidarité très active et volontaire dans l’accompagnement de l’arrivée des migrants. La réalisatrice explique : « Tout d’abord si Meloni gagne, c’est surtout parce que la gauche italienne est très divisée, et que tout cet électorat ne vote plus du tout. Et puis pour les autres ils ne théorisent tout simplement pas vraiment la politique d’extrême droite de Meloni. Pour eux, c’est une femme plutôt jolie et donc assez inoffensive. »

Il y aurait donc une sorte de déni ou de clivage, selon Shu Aiello, entre les Italiens des urnes et ceux qui accueillent dans les villages. À Riace le documentaire montre un soutien sans faille et souvent très émouvant adressé au maire, même si la réalisatrice confie avoir observé beaucoup de silences de la part des habitants qui parlaient plus librement hors caméra. « C’était un silence de grande peur sous les attaques judiciaires », dit-elle. Domenico Lucano aujourd’hui encore, lorsqu’on lui demande de revenir sur ces longues années de poursuites dont il a été l’objet, assure que « si c’était à refaire, je referais tout pareil ». « Il y a une solution qui s’appelle l’humanité », ajoute-t-il.

Riace apparaît à l’écran dans ce documentaire comme une petite ville hors du monde, où les murs des rues sont colorés, où les épiceries et restaurants sont rares, le village ressemble à une grande colonie où tout le monde semble se connaître loin de l’urbanisme européen des villes qui finissent parfois par trop se ressembler.

La fresque du village de Riace – ©Catherine Catella / Shu Aiello / VraiVrai Films

Une fin heureuse pour le village

Après avoir été condamné à 13 ans de prison en 2018 pour « association de malfaiteurs à des fins d’immigration clandestine », il a aussi été accusé d’organiser des mariages blancs. Accusation contre laquelle il fera appel, et il sera finalement acquitté en 2024. Il reste aujourd’hui une figure de l’accueil des plus démunis et un activiste humaniste de gauche. Le documentaire de Shu Aiello et Catherine Catella filme toute sa lutte jusqu’à son acquittement, les dernières phrases du film sont tirées d’un poème de Laurent Gaudé, paru en avril 2017, alors qu’à l’écran le film se termine sur ces exilés qui arpentent les rues colorées du village de Riace, mêlés à la foule italienne. « Regardez-les, enfants accrochés aux bras qui refusent de parler, vieux parents ralentissant l’allure, qui laissent traîner derrière eux les mots d’une langue qu’ils seront forcés d’oublier. Regardez-les, ils ne nous prennent rien. Lorsqu’ils ouvrent les mains, ce n’est pas pour supplier, c’est pour nous offrir le rêve de l’Europe que nous avons oublié. »


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