À la recherche du fado perdu avec Jonas&Lander

La Scène nationale d’Orléans proposait ce vendredi 28 novembre « Bate Fado », un spectacle de danse et de musique. Les deux chorégraphes tentent de redonner au fado dansé ses pratiques ancestrales. Jonas, véritable chanteur de fado moderne, mène la danse et le spectacle s’enrichit d’éléments brésiliens. Plus d’une heure et demie de fados déchirants et magnifiques.

Guitare, danse et spiritualité. Photo José Caldeira.



Par Bernard Cassat.


Une scène mystérieuse et sombre où s’allume petit à petit un kiosque. Les chaussures robustes des quatre guitaristes rythment la musique. Deux guitares portugaises, ces instruments peu ronds au son clinquant proche de la mandoline, une basse et une traditionnelle. Ils jouent en bougeant dans un rudiment de danse plein d’humour. Le folklore s’installe. Même sans paroles, on reconnaît le fado.

Le premier est assez long et évolue peu. Mais ensuite, les cinq danseurs/danseuses entrent et le spectacle commence vraiment. Dans des gestes très codés et plutôt rigides, ils frappent leurs talons comme souvent dans le folklore du sud espagnol et portugais. Leurs gestes viennent aussi de là, mouvements de mains comme les femmes du flamenco. Et sans doute comme les danseuses de fado du temps où il était dansé. Parce que la pratique s’est perdue il y a longtemps. Et c’est le gros travail de la troupe menée par Jonas&Lander, de retrouver ce folklore portugais et brésilien. Le fado batido. D’où le nom du spectacle, Bate Fado.

Jonas. Photo José Caldeira.


On y trouve des façons de bouger, de faire tourner ses mains, de jouer avec la provocation aguichante du corps en mouvement qui sont aussi dans le flamenco. Mais ici, la musique n’est pas la même. Les hommes jouent avec leurs pieds en tapant du bout ou du talon, sorte de claquettes très particulières qui n’ont rien à voir avec les pratiques américaines. Même les musiciens suivent avec leurs pieds ces rythmes donnés par les danseurs. Et puis il y a les poses de profil, à la mode égyptienne, à la fois rigides du haut du corps et très mobiles en bas. Des poses chargées de séduction, tendues dans un effort constant, raides mais en même temps très voluptueuses. Ce mélange étonnant du viril et de poses féminines, du contrôle total et de la volonté de tout lâcher à la musique est totalement émouvant.

Les musiciens dansent aussi. Photo José Caldeira.


Et puis plus tard viennent les paroles des fados, la voix. D’abord un cri, un cri complexe, primal, existentiel. Qui prend ensuite de l’ampleur dans la répétition des mots, des notes, pour raconter très certainement (sans comprendre le portugais, on ne peut que deviner) de la douleur profonde, comme peut la porter le blues. Jonas s’empare des chansons, avec sa voix magnifique qu’il module à plaisir. Et là, on retrouve plus le fado habituel chanté depuis la perte du fado batido, celui des chanteuses qui ont eu une gloire internationale, celui d’Amalia Rodrigues, de Mariza ou de Cesária Évora. Parce que le fado est évidemment passé par les colonies, puis il est revenu au pays avec d’autres accents. Brésiliens notamment, et Jonas&Lander s’en inspirent pour toute une partie du spectacle, avec masques de diablotins et animal de carnaval. Ou certains moments dansés par un squelette (Lander en habits noirs avec des bandes le long des jambes) faisant des claquettes avec des gestes désarticulés.

Un fado retrouvé. Photo José Caldeira.


Et puis le fado s’est bien sûr confronté à la religion, la société portugaise étant fortement catholique. Le spectacle introduit cette dimension, même si on ne sait pas trop à quelle cérémonie on assiste. La religion étouffe, mais les danseurs, les musiciens se relèvent toujours.

Spectacle éminemment vivant, Bate Fado plonge dans la complexité de cette pratique culturelle populaire. Entre sacré et profane, entre douleur et joyeux carnaval, entre masculin tape-à-l’œil et féminité profonde, entre attitude guerrière et élans très doux vers l’autre, Jonas&Lander font revivre sur scène une pratique qui devait se dérouler sur les places de Lisbonne. Un bel hommage de toute la troupe à Edith Piaf, « la plus fadiste des chanteuses françaises », a clos le spectacle très apprécié du public.

Bate Fado

Jonas&Lander

Deuxième représentation ce samedi 29 novembre à 19h

Billetterie ici

Jonas sera au Centre chorégraphique d’Orléans samedi soir pour un sun-set.

Renseignements ici


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