La troisième Convention citoyenne serait-elle une imposture ?

La troisième Convention citoyenne a fini ses travaux. Elle a planché sur : « Comment mieux structurer les différents temps de la vie quotidienne des enfants afin qu’ils soient plus favorables à leurs apprentissages, à leur développement et à leur santé ?  ». Était-ce la bonne question pour savoir si l’École répond bien aux besoins de tous les enfants ?

Les enfants français acquièrent à 11 ans et quatre mois en moyenne leur premier smartphone – image Pixabay


Par Jean-Paul Briand.


En mai 2025, le président de la République a demandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) l’organisation d’une nouvelle Convention citoyenne dédiée au temps de l’enfant. La question posée par le Premier ministre d’alors, François Bayrou, ne concerne que les moments du quotidien des enfants. Or si l’organisation du temps de l’enfant doit prendre en compte les données de la chronobiologie, les choix familiaux, les territoires, les aspirations et spécificités de chaque enfant, elle est essentiellement centrée sur les obligations imposées à l’École. Contraint par la question restrictive proposée par le Premier ministre, le remarquable travail des 133 participants à la Convention citoyenne a été amputé d’une réflexion indispensable sur les missions de l’École de la République.

Opérer un tri courageux

De nos jours, l’École n’est plus un simple lieu de transmission de connaissances. Elle est sommée d’être à la fois le temple des savoirs fondamentaux, l’usine de l’inclusion, de l’égalité des chances, mais en même temps de repérer et former les futures élites. On exige qu’elle soit l’atelier de l’estime de soi et du vivre-ensemble, qu’elle forme des citoyens responsables et éclairés ayant une culture morale mais on accepte que son autorité s’effrite, que le corps des enseignants soit maltraité et qu’elle soit parfois une simple garderie ou une agence de placement sur le marché du travail. Il est peut-être temps d’opérer un tri courageux dans tous ces rôles qui étouffent l’institution scolaire.

Les priorités de l’École

C’est l’article L111-1 du Code de l’éducation qui définit les missions de l’École. Le « lire, écrire, compter » est la clé de voûte. Sans maîtrise solide et approfondie de ces bases, point de pensée complexe, point d’accès à la culture, point de capacité à argumenter. Comment peut-on prétendre former des individus épanouis si près de 20% des élèves quittent encore le système scolaire avec une compréhension écrite défaillante ? 

La deuxième priorité de l’École est que chaque élève devienne un citoyen éclairé. C’est ici qu’intervient la mission la plus noble de l’École : forger l’esprit critique. À une époque où les enfants français acquièrent à 11 ans et quatre mois en moyenne leur premier smartphone, où ils sont saturés de fake news et d’émotions immédiates propagées par les réseaux sociaux, l’École doit leur apprendre à douter, à trier, à analyser pour se forger une opinion.

La troisième priorité de l’École est d’égaliser les chances de réussite sociale. Elle ne doit plus être un duplicateur des hiérarchies sociales. Or le système éducatif français est l’un des plus inégalitaires de l’OCDE, où le lien entre l’origine sociale et la performance scolaire est le plus fort. La promesse républicaine d’égalité des chances restera un mythe si on ne donne pas les moyens à l’École pour desserrer l’étau du déterminisme social. Moyens concentrés sur les élèves qui en ont le plus besoin à cause de leur handicap ou de leurs origines socioculturelles. Par ailleurs produire des élites ne doit pas être un tabou. La question est de savoir comment. L’École de la République doit veiller à ce que ces élites soient issues de la diversité sociale et légitimes par leur mérite et non par leur héritage.

Le piège de la commande gouvernementale

La Convention citoyenne pour le climat d’octobre 2019 avait formulé 149 propositions. Certaines ont été purement et simplement éliminées par Emmanuel Macron et la plupart n’ont été que très partiellement adoptées. À la suite de la deuxième convention citoyenne dédiée à la fin de vie, le président de la République avait annoncé une loi dans les mois suivants. De report en report, cette loi, désormais scindée en deux, est toujours en attente…

Piégée par la commande gouvernementale étriquée et contraignante, la Convention citoyenne n’a pu soumettre que des améliorations du rythme scolaire, perdues parmi 20 propositions, sans redéfinir la finalité de l’école. Aussi judicieuses qu’elles soient, ces propositions ne permettront pas à l’École publique française d’empêcher le décrochage scolaire, la montée des replis identitaires et la persistance des inégalités de naissance. Une belle occasion manquée…

« Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » Jean Zay


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Commentaires

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  1. A quoi sert le CESER si l’on doit en plus demander son avis au bon peuple? Quel gaspillage de temps et d’argent.

  2. Ces conventions citoyennes ne sont pas des impostures car elles prouvent que des individus choisis au hasard à qui il est donné la possibilité de rencontrer des chercheurs afin de se former et d’ainsi dans la multiplicité de leurs contributions fournir un travail remarquable ( voir la convention citoyenne pour le climat) .
    Ces travaux montrent et font la preuve que lorsque des hommes et des femmes se mettent, courageusement parce qu’il faut en vouloir, au travail, réfléchissent et cherchent des solutions ils arrivent trouver de quoi au moins limiter les dégâts.
    Par contre le comportement de ceux, qualifiés de dirigeants, qui ne respectent pas leur engagement, qui méprisent et mentent faisant de fausses promesses sont des imposteurs, suivez mon regard !

  3. Les notions de respect entre les personnes et notamment entre filles et garçons, ne sont pas citées dans l’article, pour faire partie des objectifs de l’école. Ce n’est même plus prioritaire. Il ne faut pas s’étonner si les abus, et les violences continueront et même s’amplifieront.

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