Former aux métiers de demain : la Région entend relever le défi avec tous les acteurs concernés

Comment bien former aujourd’hui pour les emplois de demain ? Le séminaire organisé par la Région Centre Val de Loire ce 25 novembre au Palais des Congrès de Tours, en partenariat avec l’Etat, le CESER* et le CREFOP*, tentait de répondre à la question en réunissant plus de six cent représentants de tous les acteurs de l’orientation, de la formation et de l’emploi. 

Par Eric Botton

Table ronde avec François Bonneau, Sophie Brocas et Pierre Allorant- Crédit Photo Eric Botton

Accueillis par Emmanuel Denis, le maire de Tours, la Préfète de Région, le président de Région, et le président du Ceser*, avaient fait le déplacement pour assister à ce séminaire soulignant l’importance de ses enjeux. Comment en effet résoudre la difficile équation de la qualification et de l’adaptation des ressources humaines, quand on sait, qu’outre l’inconnu qui existe sur les « métiers » de demain et la non-linéarité des parcours professionnels qui attend les futurs salariés, ceux-ci seront 20% à 25% moins nombreux à arriver sur le marché du travail dans les années qui viennent et, qu’après des décennies de chômage de masse, c’est à une véritable raréfaction des profils disponibles qu’il va sans doute falloir s’habituer ?

Des bouleversements auxquels il faut s’adapter

C’est un véritable casse-tête pour les entreprises, d’ores et déjà, mais qui ne pourra que s’amplifier. A tel point qu’on risque bientôt de ne plus parler de « métiers » en tant que tels, mais avant tout de compétences, à inscrire au sein et au service d’un collectif de travail. Nouveaux « métiers », mais surtout nouvelles compétences et nouvelles trajectoires donc. Avec la nécessité de créer d’autres dynamiques, où l’atteinte d’un diplôme, puis d’un « métier », ne constitueront plus l’objectif final, mais où le jeu consistera au contraire à s’adapter à des parcours de travail en perpétuelle évolution. En essayant malgré tout de combler les trous dans la raquette : pour exemple, et alors même que notre population vieillit et que les besoins liés à la dépendance iront croissant, 20% des places d’aides-soignant-e-s restent actuellement vacantes. Et c’est aussi 20% des postes ouverts à la fonction publique en Centre-Val de Loire qui ne trouvent pas preneurs soulignait Sophie Brocas, Préfète de Région. Mais, en premier lieu, comment faire pour l’appareil de formation, conçu sur cet ancien modèle, et censé préparer les forces vives de demain ? La Région, dont c’est la compétence, a pris depuis déjà un certain temps la mesure de la problématique et, la Région Centre-Val de Loire (où c’est d’ailleurs une singularité), a accompagné les organismes de façon volontariste au travers de « Trans’ Formation », son programme d’animation et de professionnalisation à destination de l’écosystème emploi-formation.

Le besoin d’une approche systémique

Illustration du cadre de coopération régional quadripartite Etat-Région-Employeurs-Salariés – Crédit Photo Eric Botton

Les entreprises ont avant tout besoin de compétences opérationnelles, qui évoluent beaucoup plus rapidement qu’avant, et qu’il convient donc de mettre à jour bien plus régulièrement. Hervé Jouanneau, Directeur de l’Orientation et de la Formation à France Travail, citant une étude de l’OCDE, indiquait ainsi que, s’il y a une cinquantaine d’années, la durée de vie des compétences acquises était d’une trentaine d’années, elle n’est plus que de 2 ans aujourd’hui. Il faudra donc s’adapter bien plus fréquemment et surtout admettre que l’on doit apprendre tout au long de sa vie. Le traditionnel schéma études-diplôme-métier-emploi durable-retraite a vécu et pour aider tous ceux qui doivent s’orienter aujourd’hui et demain, il existe désormais une liste annuelle des métiers dits émergents (ou en particulière évolution) publiée par France Compétences, comme le précisait Goulven Droumaguet, Directeur de la Certification. On y trouve par exemple aujourd’hui le-la « coordinateur d’intimité », le-la « développeur de blockchain », le-la « technicien de maintenance de batteries de véhicules électriques » ou encore le-la « technicien valoriste du réemploi ».

Les compétences d’abord et avant tout

Reste que l’ensemble des intervenants s’accordaient sur le fait qu’il convient désormais de parler de compétences et de blocs de compétences, plutôt que de diplômes, acquis une fois pour toutes. Toujours pour Goulven Droumaguet, on ne devrait pas dire « j’ai loupé mon CAP ou mon BTS », mais au contraire « j’ai validé 3 ou 4 des 5 blocs de compétences de mon CAP ou de mon BTS ». Avec dans l’idée que cela n’empêchera pas l’accès à l’emploi, et que le diplôme visé pourra finalement s’obtenir un peu plus tard, au travers de la validation de l’expérience, acquise en emploi, ou par le biais d’une reprise d’études ultérieure. Bousculant du coup les pratiques traditionnelles des organismes de formation, dans une société où l’obtention d’un diplôme reste encore prédominante, comme le déplorait Claire Khecha des Acteurs de la Compétence (l’ex Fédération de la Formation Professionnelle), regrettant le fléchage d’une grande partie du financement de la formation professionnelle vers les formations dites certifiantes, alors qu’ailleurs en Europe on travaille davantage sur la notion de micro-certifications, en lien avec la maîtrise d’une ou plusieurs compétences.

La formation doit être un investissement dans les territoires au service de leur attractivité

Pour Jean-Patrick Gille, Vice-Président de la Région, Délégué à l’Emploi et à la Formation Professionnelle, une entreprise qui veut s’installer sur un territoire regarde si la main d’œuvre dont elle a besoin y est présente, ou s’il est possible de la former pour qu’elle corresponde à son besoin. Et, à l’autre bout, on sait aujourd’hui que les jeunes quittent un bassin de vie dépourvu d’offre de formation et n’y reviennent plus. Tous les intervenants ont ainsi souligné que la formation devait être considérée comme un investissement (y compris d’un point de vue comptable, alors que cela reste encore une charge aujourd’hui), investissement bien entendu partagé par les parties prenantes : que ce soient les individus qui en bénéficient, les institutions qui la financent, ou encore les entreprises qui vont recruter ou adapter leur main d’œuvre existante. A condition que la réactivité de tous les acteurs soit au rendez-vous, bref il faut du « cousu-main », comme le précisait Eric Garnier, Haut-Commissaire à l’Enseignement et à la Formation Professionnels.

Des dispositifs et des coopérations à maintenir et à amplifier

Sophie Brocas, François Bonneau et Jean-Patrick Gille en conférence de presse – Crédit Photo Eric Botton

Dans ce nouveau schéma, où l’on part des grands défis auxquels sont confrontés les territoires et des nouveaux besoins qu’ils font émerger, il conviendra de co-construire les solutions originales adaptées. Posée en conférence de presse, la réponse à la question a été un peu éludée mais, alors que les opérateurs de formation devraient terminer 2025 sans trop de dommages, accusant malgré tout pour beaucoup une baisse d’activité (qui reste encore supportable), 2026 s’annonce comme une année à risque, au cours de laquelle il n’est pas exclu qu’il y ait de la casse pour les structures les plus fragiles. A moins d’avoir lancé à temps les coopérations et mutualisations nécessaires. Ou encore de s’inscrire dans les dispositifs dédiés, portés par les financeurs, tel que le DEFI (Développement de l’Emploi par des Formations Inclusives), spécifique à la région Centre-Val de Loire, qui s’adapte sur les territoires, à la demande, aux besoins particuliers des entreprises, ou encore le PTP (Projet de Transition Professionnelle), porté par l’organisme Transitions Pro (ex FONGECIF). Et Sophie Brocas d’ajouter : « Les couloirs de nage nous tuent, nous devons sauter tous ensemble dans la piscine pour inventer les compétences de demain ».

Une grande densité

D’une grande densité, comme on peut le constater, la matinée du séminaire laissait ensuite la place à une douzaine d’ateliers par filière (automobile, économie circulaire, santé-social, culture, énergie, agroalimentaire…), où les 600 participants présents essayaient ensemble de répondre à la question : quelles sont les transformations en cours ou à venir et, face à elles, quels enjeux spécifiques se posent aux territoires, au système de formation et aux acteurs ? Travail qui donnera d’ailleurs lieu prochainement à la parution d’un livre blanc.

Pour terminer, Ilhem Alleaume du Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan, Présidente du Réseau Emploi Compétences, rappelait que la formation est un vecteur d’émancipation, à tout âge, et quel que soit le niveau initial de la personne. Eric Garnier, Haut-Commissaire à l’Enseignement et à la Formation Professionnelle, considérait quant à lui que chaque individu doit avoir conscience, dès son parcours initial, de l’éventail des possibilités qui existent maintenant pour se former tout au long de la vie afin de pouvoir évoluer. En particulier, avoir entendu parler de la validation des acquis de l’expérience, du Compte Personnel de Formation, du Conseil en Evolution Professionnelle ou encore du Projet de Transition Professionnelle, semble évidemment incontournable, afin de disposer de l’agilité nécessaire pour suivre un chemin pouvant aller du niveau post 3ème au niveau d’Ingénieur, et qui sera tout sauf linéaire. Et faire en sorte qu’il existe partout « la bonne formation, pour la bonne personne, au bon moment ». A condition bien entendu d’entretenir sa capacité à savoir apprendre tout au long de la vie et son envie de le faire affirmait un peu plus tôt Caroline Gadou, Directrice Générale de l’ANACT, avant que ne s’achève une journée riche en information, en échanges, et en enseignements.

*– CESER : Conseil Economique, Social et Environnemental Régional
– CREFOP : Comité Régional de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles

https://gipalfa.centrevaldeloire.fr/professionnaliser/demarchetransformation/transformation-centre-val-de-loire

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Commentaires

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  1. Pour avoir fait l’essentiel de ma carrière dans la formation professionnelle, ce genre de discours de science fiction remettant en cause les qualifications professionnelles n’a pour moi rien de nouveau. En général, il ne débouche sur rien de sérieux.

  2. PS Il ne faut pas non plus occulter le fait que le contenu des emplois résulte également de rapports sociaux avec notamment des enjeux de sécurité et de rémunérations. Il faut rappeler que le Medef tente depuis des années de faire disparaitre la prédominance de la notion de qualification au profit de celle de compétence. Il est trompeur de faire croire que ce sujet serait socialement neutre.

  3. Laissons de côté l’étymologie fantaisiste de compétence : se la péter ensemble qui pourtant conviendrait assez bien à cet aréopage ( ensemble de personnes compétentes) de messieurs et dames biens installés dans leurs fauteuils, pour mieux comprendre ce qui est sous entendu quand ils utilisent, dévoués relais des industriels capitalistes, le terme de “compétence”.
    Son étymologie sérieuse selon le Dictionnaire historique de la langue française est la suivante : formé de cum : avec et de petere : chercher à obtenir, ce qui fait qu’on peut légitimement se demander ce qu’ils cherchent à obtenir. Une réponse possible est qu’ils désirent participer à la perpétuation d’un système économique ,le capitalisme, qui a fait ses preuves en terme de destruction de vies humaines, non humaines et végétales.
    Et pourtant , heureusement, un peu partout dans le monde et (même) en France il y a des gens qui utilisent leurs connaissances, ce qu’ils ont appris, les expériences partagées, des lectures,des rencontres pour devenir compétents c’est à dire capables d’avoir une juste relation avec le travail-création (quelque soit le domaine) et cela non pour le profit de quelques uns mais pour que leur travail profite à tous et toutes.

  4. Alors effectivement, ce sujet est tout sauf neutre, et l’article souligne d’ailleurs bien les enjeux. Ce qui me semble réducteur, c’est de considérer que l’approche par compétences ne relèverait finalement que de la seule influence du patronnat, et du MEDEF en particulier. Cette approche va puiser ses racines bien plus loin, et je renvoie notamment, pour ceux que ça intéresse, aux travaux du sociologue canadien Jacques LIMOGES (qui, à ma connaissance, n’a jamais fait partie du MEDEF ), ainsi qu’à ceux de Guy LEBORTEF, le spécialiste des compétences en France (qui, lui non plus, à ma connaissance, n’est pas au MEDEF ). Oui, évidemment, les entreprises ont absolument besoin de compétences, et celles qui réussissent dans leur développement et leur prospérité y parviennent justement parce qu’elles disposent des compétences voulues et ont su mettre en place l’organisation adéquate et les conditions propices à l’épanouissement de leurs salariés (si si, ça existe, même si ça gagnerait à être plus répandu, on est d’accord ). Au final, vous avez raison, la question de la rémunération est et restera essentielle
    (mais ça n’était pas l’objet de cet article), et celle-ci peut tout à fait être assortie à de la compétence véritable et reconnue comme telle. À mon sens, et à rebours je l’admets de ce qu’on a pu observer jusqu’à présent, elle risque d’ailleurs de l’être bien davantage, car les entreprises devront se battre encore plus dans les années à venir pour disposer des bonnes ressources humaines avec la raréfaction annoncée de la main d’œuvre, et c’est très certainement celles qui seront le plus offrantes (rémunération, conditions de travail, avantages…) qui s’en sortiront le mieux.

  5. Il y a encore quelques années les qualifications faisaient l’objet de négociations entre les entreprises et la collectivité. Ce travail s’appuyait notamment sur les travaux du Centre d’Etude et de Recherche sur les Emplois et des Qualifications(CEREQ). Ceci permettait à notre dispositif de formation professionnelle d’accompagner les évolutions. Aujourd’hui, le Medef rejette cette notion pour lui substituer son approche compétences. L’Etat, de son côté, abdique son rôle. C’est ce qu’on peut voir , par exemple , dans la métallurgie ou les rémunérations varient , pour un même individu, en fonction des postes occupés parfois d’un jour à l’autre. Il en résulte une dépossession rt une incertitude voire une certaine précarisation pour les salariés concernés et une perte de lisibilité pour l’appareil de formation.
    Les discussions évoquées dans cet article s’inscrivent dans ce cadre qui reflète l’évolution des rapports de force sur le marché du travail.

  6. Cet article est certainement le reflet exact des discours et débats tenus lors de cette rencontre. Et c’est bien là le problème : à quelques mots près, ils sont les mêmes que ceux que nous tenions il y a 20 ans. Pas une avancée ! Et comment peut-on parler de demain avec autorité quand on est incapable aujourd’hui de former aux compétences requises aujourd’hui ? Plus d’un million de jeunes entre 19 et 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni étudiant, ni en formation professionnelle, ni à France Travail, bref nulle part, rayés de la carte, alors que des pans entiers de l’économie manquent de collaborateurs formés. On ne peut répondre aux défis de demain qu’à la condition de faire la démonstration que l’on répond à ceux d’aujourd’hui. Point barre.

  7. Depuis 20 ans les choses ne se sont pas améliorées loin de là notamment parce que la formation est devenue un marché des plus opaques qui plus est. L’objectif est le profit et non pas la résolution des problèmes sociaux complexes. L’évolution des sigles en témoigne.

  8. PS Je note que les intervenants cités sont surtout des responsables de différentes bureaucraties du secteur. Aucune approche scientifique mobilisée dans ce débat. C’est inquiétant.

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